Je ne voulais pas dépendre d’un homme !

Ce postulat est lancé avec conviction par Fatoumata Cissokho, jeune enseignante de 26 ans en poste depuis une année à Samecouta, à 9 km de Kédougou. Fatoumata a grandi de l’âge de 4 ans à l’âge de 10 ans en Côte d’Ivoire auprès de son oncle et, comme la majorité des filles musulmanes de ce pays, elle n’avait suivi que l’école coranique jusqu’à son retour à Tambacounda en avril 1990.

Ses deux grandes sœurs, inscrites au CM2, empêchaient Fatoumata de les suivre alors que celle-ci voulait coûte que coûte découvrir l’école. Son père, alors inspecteur de l’école élémentaire, se rendant compte de la volonté de Fatoumata d’aller à l’école, l’a inscrite pour la rentrée d’octobre 1990 en CI. Dès son entrée à l’école Medina Coura, elle s’est trouvée en tête de sa classe et elle a fini par sauter le CE2 pour continuer en CM1, CM2 avant d’entrer en 6ème au Collège Moriba Diakité. Elle a ensuite suivi la seconde deux fois et la première au Lycée Mame Cheikh Mbaye avant de se présenter au concours des volontaires de l’enseignement en octobre 2004. Sa formation achevée en juin 2005 à l’EFI de Tambacounda et elle a pris ses fonctions en octobre 2005 à Samecouta.

La vocation de l’enseignement est née chez Fatoumata par estime pour son père qui fut enseignant avant d’être directeur puis inspecteur. Si au début sa motivation était d’apprendre à lire et à écrire, elle a rapidement souhaité pousser les études et elle envisageait deux options, l’enseignement ou le journalisme. La première l’a emporté en raison de l’estime portée à son père.

Alors qu’elle était au collège, Fatoumata, voyant des jeunes femmes brillantes abandonner leur études pour se marier et se retrouver tributaires des revenus parfois insuffisants de leur mari ou délaissées par celui-ci, a pris conscience de la nécessité d’assurer son indépendance et s’est fixée comme but de trouver un travail avant de se marier. Objectif pleinement atteint puisqu’elle a achevé sa formation en juin 2005 et s’est mariée en septembre suivant.

L’ambition de Fatoumata est de devenir inspectrice départementale de l’enseignement et elle se donne corps et âme pour toucher à son but dans les quatre ou cinq prochaines années. A ce jour, aucune femme n’occupe un poste d’inspectrice dans le département de Tambacounda, pourtant Fatoumata a la conviction qu’une femme peut mieux convaincre une mère de laisser sa fille aller à l’école, en particulier dans un département majoritairement rural où les mentalités doivent encore évoluer dans le domaine de la scolarisation des filles. Elle reconnaît que de grands progrès ont été faits grâce à la SCOFI et espère que ces efforts seront poursuivis. Pour sa part, elle a utilisé ses compétences en danse et en théâtre, acquises lorsqu’elle était membre de l’Alliance franco-sénégalaise de Tambacounda, pour constituer et animer une troupe à l’école de Samecouta afin de sensibiliser la population à diverses problématiques. En 2005-2006, cette troupe a créé et joué des sketches sur le maintien des filles à l’école et la nécessité pour elles d’être indépendantes par les études et le travail. Ce credo est celui qui lui tient le plus à cœur et Fatoumata fait tout pour promouvoir l’indépendance des femmes qui en fin de compte bénéficiera à toute la société et surtout à leur mari et leur famille.

Propos recueillis par Enna