De “La Lumière” pour les enfants vulnérables et défavorisés

La région de Tambacounda est pleine de ressources et la première d’entre elles est le potentiel humain. Tambacounda.info met en lumière dans sa rubrique Tamba Portraits le parcours de femmes et d’hommes qui s’engagent pour la communauté.

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Ibrahima Sory Diallo

Secrétaire exécutif de l'Ong la Lumière, instituteur de formation, Ibrahima Sory Diallo fut le responsable régional du  mouvement des pionniers de Tambacounda. L'homme est très connu dans la région orientale et même dans les pays de la sous région grâce à son approche et sa médiation sociale pour la récupération des jeunes en situation difficile ou en danger moral (enfant fugueur, voleur agressif, drogué, prostituée, etc.). Cet homme très sensible aux couches vulnérables, jouit d'une réputation de planificateur, de médiateur, d'éducateur et de technicien hors pair. Son professionnalisme, sa disponibilité et son engagement dans les actions de développement sur son terroir ont fait de lui un des plus sollicités en ce moment. En toutes les occasions, Ibrahima Sory Diallo et son équipe se sont montrés à la hauteur des missions entreprises. Ce qui lui vaut aujourd'hui d'être un partenaire d’Oxfam América…

Quelles circonstances vous ont amené à créer l’ONG La Lumière à Tambacounda ?

Pour ce qui est de La Lumière, nous sommes partis d’un constat fait dans les études de terrain, à savoir que les collectivités locales issues des processus de décentralisation sont loin de disposer des capacités techniques et des ressources financières nécessaires pour prendre en charge les besoins des populations les plus démunies et les moins averties surtout dans une région comme Tambacounda où la pauvreté et l’analphabétisme sont très présents. A ces contraintes au développement, il faut ajouter que la fourniture en services sociaux de base comme l’éducation, la santé, l’accès à l’eau potable, la nourriture, l’assainissement …etc. reste encore très faible. Dans ce contexte, il nous a paru évident qu’en dépit de leur émiettement et de leur faible capacité d’action, les organisations de base et les associations locales font partie des rares forces agissantes au niveau local pour remédier au phénomène du chômage, du sous –équipement, de la dégradation environnementale, de la sous information et de l’exclusion sociale. C’est ainsi que La Lumière a été portée sur les fonts baptismaux le 18 octobre 1999. Elle a obtenu la reconnaissance en avril 2000 et est passée ONG depuis août 2006. Elle se veut une structure d’appui à la décentralisation et travaille depuis sa création dans le domaine de la promotion des enfants et des couches vulnérables.

Quels sont les principaux objectifs de La Lumière et les stratégies adoptées pour atteindre ces objectifs?

L’objectif global de l’association est  de contribuer au développement socio-économique de manière harmonieuse du Sénégal en prenant en compte les préoccupations des couches vulnérables et défavorisées. En cela nous nous évertuons à :
– Protéger les enfants déshérités et en danger moral, matériel et social ;
– Promouvoir, vulgariser et veiller à l’application des droits de l’enfant et de la femme ;
– Lutter contre les pires formes de travail des enfants ;
– Promouvoir la santé communautaire et préventive surtout en milieu défavorisé ;
– Appuyer toute initiative de base à caractère communautaire liée à la promotion de la formation, de l’emploi et de l’insertion socio-économique des couches vulnérables ;
– Développer les activités de reboisement et toute autre action susceptible de prévenir la dégradation de l’environnement et du cadre de vie ;
– Appuyer les collectivités locales ;

– Développer l’éducation au développement.
Dans sa démarche La Lumière a privilégié le partenariat avec les collectivités locale et la participation des communautés de base. Dans sa stratégie, elle collabore avec les OCB, les ONG, et les structures décentralisées  de sa zone d’intervention.

Quels sont vos partenaires locaux, nationaux et internationaux et quel type de soutien attendez-vous d’eux ?

Dès sa création, La Lumière a su compter sur ses propres forces en développant des programmes citoyens avec certes peu de ressources financières mais avec beaucoup de volonté et de détermination. Aujourd’hui, nous disposons de ressources humaines de formation supérieure qualifiées ayant capitalisé une expérience avérée dans le domaine du développement et qui nous permet d’appuyer les OCB et les structures de la localité. Elle compte en outre sur des personnes ressources qu’elle peut mobiliser au besoin notamment dans la conduite de certaines missions spéciales. De même,  plusieurs partenaires aussi bien locaux, nationaux qu’internationaux nous ont rencontrés sur le terrain et ont décidé de se joindre à nous parce qu’étant convaincus par nos modestes résultats. Ils sont aussi bien en amont qu’en aval de nos actions et activités notamment en appui institutionnel et matériel, sans oublier le renforcement de capacité. Il s’agit notamment de : La MAC, l’AEMO, la police, l’hôpital régional et les centres de santé, le Conseil Régional, l’ARD ; Avenir de l’Enfant ; Centre Jacques Chirac de Thiaroye ; Ci-Biti ; Conseil National de Lutte contre le SIDA (CNLS) ; Association Clinique Counseling ; UNICEF ; OXFAM AMERICA ; Projet SIDA III ; CRS ; Coopération Française ; Ambassade des Etats Unis ; The Global Found for Chiildren (GFC) ; DEFCCS/FAO; PAREP/PNUD; USAID ; Hope for African Children Initiative (HACI/SENEGAL); MAISON DU MAROC; DANAFRICA ; Fondation Néerlandaise des Timbres-poste pour la Protection de l'Enfance (SKN) ; OIM

Les enfants des rues à Tambacounda viennent pour la plupart d’autres régions et des pays de la sous-région, avez-vous pu constater que des enfants de Tamba se retrouvent quant à eux dans la même situation dans d’autres régions ou d’autres pays et si oui quelles mesures de sensibilisation sont prises envers les familles tambacoundoises pour éviter ce drame ?

Vous avez parfaitement raison, Tamba constitue plus une zone de transit que pourvoyeuse. Mais sans dire qu’il n’y a pas d’enfants de Tamba dans la même situation dans les autres régions, leur incidence est vraiment minime. Les zones pourvoyeuses se sont plus Kolda et la sous région. Mesures de sensibilisation….  

Combien d’enfants ont-ils été pris en charge à Tambacounda depuis la création de La Lumière et combien ont pu être réinsérés dans leurs familles ?

Le foyer d’accueil, d’écoute, d’observation, d’orientation et de transit pour enfants en situation difficile de Tamba se veut de lutter contre l’exclusion sociale dont sont victime les talibés, les enfants de la rue, les détenus mineurs et les travailleuses du sexe. Il  demeure également un cadre de transit pour les enfants de la sous région en situation de rupture à cause de la position frontalière. Entre 2000 et 2006, le foyer de Tamba, parce qu’un autre foyer est ouvert à Kolda depuis janvier 2005, a accueilli 12.609 enfants . Dans ce lot, à part quelques cas de fugues, nous avons placé 47 en milieu scolaire et 104 en milieu professionnel. Après des actions de médiation familiale, nous avons pu retourner :

En 2005 pour le foyer de Tambacounda
– 27 enfants en Guinée Conakry ;
– 27 enfants en Guinée Bissau ;
– 5 familles en République de Gambie ;
– 1 enfant en république de Mauritanie ;
– 47 enfants en République de Mali ;

En 2005 pour le foyer de Kolda

– 17 enfants en Guinée Conakry ;
– 33 enfants en Guinée Bissau ;
– 11 enfants en République de Gambie ;
– 26 enfants au niveau national ;

Quel suivi avez-vous les moyens de faire pour vous assurer que les enfants réintégrés ne se retrouvent pas dans la rue après quelques temps ?

Dans le programme de retour en famille, il est prévu des actions de suivi, malheureusement, il n’y en a jamais assez car ces actions coûtent excessivement cher. Mais l’espoir est permis notamment si nous arrivons à développer notre partenariat avec l’OIM qui s’occupent du retour en famille d’enfants victimes de traite. Il faut noter également que la réintégration d’un enfant en rupture familiale peut être très longue selon les cas et compliquée pour les talibés en fugue de leurs daaras. Les principaux axes de réintégration reposent sur :
– le retour en famille ;
– le placement en milieu professionnel, scolaire et/ou coranique en rapport avec la famille
– le suivi aux niveaux social, familial et du placement.

Quel est le coût humain et financier d’une prise en charge et d’une réintégration d’un enfant dans sa famille ?

Pour la réintégration en milieu familial, il faut compter les coûts liés à :
–  la recherche de la famille ;
– la médiation familiale ;
– le retour en famille ;
– les fais liés au placement professionnel, scolaire et/ou coranique
– le suivi aux niveaux social, familial et du placement

en somme il faut intégrer les distances, les pays donc il est difficile de donner un chiffre exact si toutes les conditions d’une bonne réintégration sont assurées. Dans nos foyers d’accueil, nous budgétisons environ la prise en charge d’un enfant pendant une journée à 7.500 F (hébergement, santé, nourriture, éducation,  habits, encadrement par les moniteurs…), montant qui n’est jamais atteint par nos donateurs et partenaires.

Dans le cas où la famille ne peut pas accueillir dans des conditions acceptables son enfant, quelle solution est trouvée pour celui-ci ?

La plupart des enfants viennent en situation de fissure du tissu familial, ce qui a une incidence sur la durée de leur séjour au centre. En effet, au premier semestre 2006 aussi bien au foyer de Kolda qu’au foyer de Tamba,  au moins 25% des pensionnaires  y ont séjourné pendant plus de 12 mois. Et dans ces situations l’enfant est logé, nourri, placé en milieu scolaire ou professionnel en attendant de trouver une meilleure solution. Ces longs séjours alourdissent le budget de prise en charge des enfants des centres, heureusement que le partenariat entre les centres et le consortium CARITAS/CRS  permet de prendre en charge une partie de la forte demande en ration alimentaire.
Est-ce que l’appareil législatif sénégalais permet d’appuyer votre action et si oui quelles sont les poursuites qui peuvent être utilement engagées contre les personnes favorisant l’exploitation et la mise à la rue des enfants ?

Au courant de l’année 2005 une loi contre la traite des personnes a été votée au Sénégal en plus d’autres instruments juridiques nationaux et internationaux. Mais vous conviendrez avec moi que l’application et la vulgarisation de ces outils de protection des enfants posent problème. Pour le cas des talibés, particulièrement, les marabouts qui sont les plus concernés sont craints à cause de leurs forces mystiques et politiques. En tout cas, une initiative de la Banque Mondiale en rapport avec d’autres acteurs dénommée « Partenariat pour le retrait  et la Réinsertion des enfants de/dans la rue » a abouti à un conseil présidentiel tenu le 10 octobre 2006 au palais de la république et celui-ci peut être considéré comme un gage de volonté politique remarquable.

Avez-vous des appuis suffisants des autorités locales, si oui sous quelle forme et sinon quelles sont vos doléances ?

Notre organisation a été depuis 2002 la seule structure d’accueil de personnes en détresse (réfugiés, familles répudiées, enfants en difficultés….) à Tamba et jusqu’à présent nous n’avons pas une parcelle de terre après plusieurs démarches alors que le lundi 18 décembre 2006, on va faire la pose de la première pierre du village SOS Enfants de Tamba après juste environ un an de démarches. J’espère que les autorités locales sont les premières interpellées face aux citoyens de leurs cités. A ce que je sache, notre organisation n’a pas bénéficié d’un appui financier ou matériel de nos collectivités locales. Ce qui n’exclut pas un partenariat technique dans le cadre de l’exécution de quelques-uns de nos projets

Quel sera le programme et les défis de La Lumière en 2007 et quels espoirs fondez-vous dans les élections présidentielles, législatives et communale pour améliorer la situation des enfants ?

Les défis se posent en terme de renforcement de nos capacités techniques et financières afin d’accroître en qualité et en quantité nos interventions auprès des couches vulnérables et défavorisées pour lesquelles notre organisation a décidé de défendre les intérêts et les droits. Nous militons pour un candidat sensible à la cause des couches vulnérables et défavorisées. Ce qui est un profil difficile à trouver chez les hommes politiques de notre génération.

Propos recueillis par tambacounda.info


ONG LA LUMIERE  
"Développer l'Esprit d'Entreprendre Solidairement en milieu Défavorisé et Vulnérable"
Ibrahima Sory DIALLO, SECRETAIRE EXECUTIF
HLM II N°24 – B.P. 310 – TAMBACOUNDA – SENEGAL
TEL/FAX: 981 31 67 – MOBILE: 538 33 97
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