Tambacounda : des autorités déplorent le recul de l’esprit civique

Le recul de l’esprit civique chez les jeunes et la population en général a été déploré lors d’une conférence sur le civisme, inscrite dans la semaine départementale de la jeunesse de Tambacounda, a constaté l’APS. ‘’Le civisme désigne le respect, l’attachement et le dévouement du citoyen pour son pays ou pour la collectivité dans laquelle il vit’’, a indiqué le lieutenant Mamadou Woury Bâ, de la zone militaire N° 4 qui faisait, vendredi, une communication lors d’une conférence sur le thème.

Cette rencontre s’inscrit dans le cadre de la semaine départementale de la jeunesse lancée mercredi à Tambacounda sur le thème ‘’Jeunesse et promotion du civisme et de la citoyenneté’’. La manifestation enregistre la participation de plus d’une centaine de jeunes venus des arrondissements du département Koussanar, Makacoulibantang et Missirah.

Le lieutenant Bâ a noté que le civisme ‘’s’applique en particulier à l’institution qui représente cette collectivité, à ses conventions et à ses lois’’. ‘’Plus généralement, le civisme est le dévouement pour l’intérêt public, pour la “chose publique”’’.

Le civisme, a-t-il dit, est à distinguer de la citoyenneté qui n’est que la ‘’condition de citoyen’’, mais aussi de la civilité qui relève du ‘’respect des autres dans les rapports privés’’. C’est un principe qui s’applique aussi bien à la ‘’relation verticale” entre le citoyen et l’autorité, qu’à la ‘’relation horizontale” entre les citoyens.

Pour Issakha Faye, enseignant, ‘’le civisme se construit’’. Il a regretté, cependant le fait que certains tentent de le construire, au moment où d’autres s’attèlent à l’ ‘’écraser’’. Présentant la ponctualité comme un exemple de civisme, M. Faye a souligné que ‘’la ponctualité, c’est le respect de l’autre’’.

Le citoyen sénégalais, a-t-il ajouté, ‘’n’est pas encore conscient de ses droits et devoirs et de l’importance de les respecter’’. Les actes civiques ne doivent pas s’inscrire dans une logique de ‘’donnant-donnant’’, a-t-il fait valoir, non sans préciser que l’individu ne vit pas seulement de matériel.

Il a estimé que la population de manière générale devrait s’approprier la devise de l’armée ‘’On nous tue, on ne nous déshonore pas’’. Si le militaire accepte de mourir pour refuser le déshonneur, ‘’pourquoi le civil accepterait-il qu’on le déshonore ?’’, s’est-il interrogé.

Pour le capitaine Abdou Biaye de la Zone militaire N° 4, ‘’la discipline est le fondement du civisme’’. ‘’Les Sénégalais ont réclamé tellement de droits qu’ils ont oublié qu’ils ont des choses à donner’’, a-t-il déploré.

Le président du conseil départemental de la jeunesse, Mamady Thiam, a pour sa part, regretté la perte de vitesse de certaines valeurs comme le droit d’aînesse, la solidarité qui étaient en vigueur dans la société traditionnelle et qui s’inscrivent dans l’esprit civique.

Dans le même sillage, Kara Cissokho, président du conseil communal de la jeunesse, la déliquescence de certaines valeurs civiques pour lesquelles le Sénégal était un ‘’exemple’’ expose le pays à des crises qui ont eu lieu ailleurs. Le civisme, d’après lui, est un préalable au développement.

Le coordonnateur du centre de conseil ado, Madou Cissé, a regretté certains actes inciviques comme le fait d’écrire sur les murs de certains édifices publics, ou la propension à casser le bien public lors de mouvements de grève.

L’adjoint au préfet, Abasse Ndiaye, sur un autre plan, a insisté sur cette propension de certains étudiants à rester à l’étranger, ‘’après leurs études, après que leur pays leur a tout donné’’.

Cependant, pour Kékouta Kane, encadreur de la délégation de Makacoulibantang, les autorités étatiques ont aussi leur part de responsabilité dans cet incivisme. C’est faute de pouvoir trouver du travail dans leur pays où il est même difficile de décrocher un stage que certains choisissent de rester hors du pays, a-t-il soutenu. ‘’Nous aimons tous notre pays, ceux qui partent et ceux qui restent’’, a-t-il dit.

M. Kane a fustigé cette pratique qui consiste à ne recruter que ses proches et qui a fini de convaincre les jeunes que pour travailler il faut avoir un ‘’bras long’’, ou une connaissance haut placée, tout en racontant sa propre anecdote quand il s’est vu dire, en cherchant un stage dans une structure : ‘’qui t’a pistonné ?’’. ‘’Recrutez les gens en fonction de leurs compétences !’’, a-t-il lancé en direction des autorités.

A la presse, Kékouta Kane a demandé de montrer une ‘’image positive’’ de Tambacounda où ‘’il n’y a pas que des meurtres ou des assassinats’’, comme le laisse croire le traitement que certains médiats font de l’information de la région orientale. ‘’A Tambacounda, nous ne sommes pas des assassins’’, a-t-il dit, ajoutant qu’il y a tellement de bonnes choses à montrer, pour rehausser l’image de marque de cette région.

Pour Ibrahima Kane, de la délégation de Makacoulibantang, une certaine façon de faire la politique constitue un frein au civisme, et par conséquent au développement.’’ Certains politiciens combattent de bonnes initiatives parce qu’elles viennent de personnes d’une sensibilité politique différente. L’Etat doit aussi prendre des mesures contre la manipulation de jeunes par des politiques, afin de les pousser à détruire le patrimoine public’’, a-t-il recommandé.

Saliou Baldé, professeur au collège Gouye, a estimé que ‘’certaines attitudes comme l’ ‘’heure sénégalaise’’ consistant à venir aux rencontres bien après l’heure indiquée, sont à bannir de nos habitudes’’.

‘’A l’instar de ce qu’il fait pour la sensibilisation contre les IST, ou d’autres maladies, l’Etat devrait, a-t-il suggéré, mettre les moyens, afin que des causeries sur le civisme soient organisées dans les coins les plus reculés du pays, dans le but de cultiver l’esprit civique’’.

‘’Je souscris entièrement à ce qui vient d’être dit’’, a relevé le préfet Amadou Bamba Koné, qui est aussi président du comité d’organisation de la semaine départementale. Se disant rassuré par la qualité du débat, qui montre qu’on est en présence d’une ‘’jeunesse avertie’’, il a souhaité que de tels espaces d’expression et de débats contradictoires soient multipliés.

Le directeur du CDEPS, Seyni Ndiaye, a relevé que ces échanges n’auront de portée que si les participants, une fois de retour chez eux, partagent et mettent en pratique les connaissances acquises.

 

APS /