Ianoukovitch recherché pour «meurtres de masse»

 

Le ministre de l’Intérieur par intérim a annoncé l’ouverture d’une enquête criminelle à l’encontre du président ukrainien déchu et d’autres fonctionnaires. Les nouvelles autorités ukrainiennes ont lancé lundi un mandat d’arrêt pour «meurtres de masse» contre le président déchu Viktor Ianoukovitch et réclamé 35 milliards de dollars d’aide, alors que la chef de la diplomatie européenne est attendue dans la journée à Kiev. «Une enquête criminelle a été ouverte pour meurtre de masse de civils à l’encontre de Ianoukovitch et de plusieurs autres fonctionnaires. Un mandat d’arrêt a été lancé contre eux», a annoncé lundi le ministre de l’Intérieur par intérim Arsen Avakov sur son compte Facebook. Destitué samedi par le Parlement, Viktor Ianoukovitch n’a pas donné signe de vie depuis et pourrait se cacher dans l’est du pays. Les violences au centre de Kiev ont fait 82 morts la semaine dernière.

Défaut de paiement
Alors que la haute représentante de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, est attendue à Kiev en début d’après-midi, le ministre des Finances par intérim Iouri Kolobov a pour sa part annoncé que «l’aide macroéconomique dont a besoin l’Ukraine peut atteindre 35 milliards de dollars en 2014-2015». «Nous avons proposé à nos partenaires occidentaux d’organiser une grande conférence internationale de donateurs», selon un communiqué. «L’Ukraine est en train de glisser dans le précipice, elle est au bord d’un défaut de paiement», avait prévenu dimanche le président par intérim Olexandre Tourtchinov, dénonçant la gestion de Ianoukovitch et de son Premier ministre, Mykola Azarov, qui, selon lui, ont «ruiné le pays». L’Union européenne se tient prête à aider l’Ukraine à honorer ses engagements financiers et à négocier son tournant politique, avait auparavant indiqué lundi le ministre britannique des Finances, George Osborne. «Nous devons être prêts à apporter une assistance financière via des organisations comme le Fonds monétaire international», avait-il déclaré, précisant que l’essentiel de cet apport prendrait la forme de prêts.

Menace sur l’intégralité territoriale
Les Occidentaux ne cachent pas leurs craintes pour l’intégrité territoriale de l’Ukraine après la crise de la semaine dernière. L’ex-opposition, désormais aux manettes, s’est rapidement mise au travail pour remettre le pays en état de marche. La nomination d’un gouvernement intérimaire est attendue au plus tard mardi, en attendant la tenue d’une élection présidentielle le 25 mai. Dimanche, le Parlement, désormais dominé par les anti-Ianoukovitch, avait pris les choses en main et nommé Olexandre Tourtchinov, un proche de l’opposante Ioulia Timochenko, au poste de président par intérim. Le nouveau chef de l’État n’a pas fait mystère des difficultés qui attendent le pays mais réaffirmé que l’intégration européenne était «une priorité» pour l’Ukraine. «Nous sommes prêts à un dialogue avec la Russie, en développant nos relations sur un pied d’égalité (…) et qui respecteront le choix européen de l’Ukraine.» Les dirigeants occidentaux ont multiplié dimanche les appels au respect de «l’unité et l’intégrité territoriale du pays». La chancelière allemande Angela Merkel et le président russe Vladimir Poutine sont eux aussi tombés «d’accord sur le fait que l’Ukraine doit se doter rapidement d’un gouvernement en mesure d’agir et que l’intégrité territoriale doit être préservée», a annoncé la chancellerie allemande.

Réunion diplomatique
La nécessité «pour tous les États de respecter la souveraineté de l’Ukraine» a également été soulignée par le secrétaire d’État américain, John Kerry, lors d’un entretien téléphonique avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, selon le département d’État. Sergueï Lavrov, pour sa part, a fait observer à John Kerry Kerry que l’opposition ukrainienne n’appliquait pas l’accord du 21 février sur un règlement de la crise, «s’étant de facto emparée du pouvoir en Ukraine, refusant de déposer les armes et continuant à miser sur la violence», selon le ministère russe des Affaires étrangères. La Russie a décidé tard dimanche de rappeler à Moscou son ambassadeur en Ukraine pour des consultations «en raison de l’escalade de la situation», a indiqué le ministère russe. Toujours sur le front diplomatique, les ministres des Affaires étrangères des pays de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie), rejoints par des représentants de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Grèce, doivent se réunir lundi pour discuter de la situation en Ukraine.

Crainte d’une séparation
La communauté internationale redoute que la crise des derniers mois n’ait encore creusé le fossé entre l’Est russophone et russophile, majoritaire, et l’Ouest nationaliste et ukrainophone. Sur le terrain cependant, les régions plus proches de Moscou ne donnent pas signe de vouloir faire sécession. Quant à Ioulia Timochenko, l’ex-égérie de la Révolution orange tout juste sortie de prison, elle a fait savoir qu’elle n’était pas intéressée par le poste de Premier ministre. Elle doit rencontrer «très prochainement» la chancelière allemande Angela Merkel. Celle-ci lui a également proposé de venir se soigner en Allemagne.