Elections législatives: Soutien en demi-teinte des Colombiens au processus de paix

Le scrutin à l’issue des législatives colombiennes, marqué par une forte abstention de 60%, constituait un test important pour la suite des négociations ouvertes depuis 16 mois avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), la plus ancienne rébellion d’Amérique latine, en activité depuis près d’un demi-siècle. La coalition gouvernementale de centre-droit a obtenu 47 sièges sur 102 au Sénat, contre 20 pour la liste de Alvaro Uribe, farouche détracteur du processus de paix, qui s’est converti en la première force d’opposition, selon un nouveau décompte portant sur la quasi-totalité des bulletins. La majorité présidentielle remporte en revanche une majorité nette à la Chambre des représentants, qui correspond aux régions, avec 91 sièges sur 163, contre 12 pour les «Uribistes», selon le dernier décompte.

Mettre de côté les rancoeurs
«C’est un signal important pour le pays et pour le monde entier signifiant que l’immense majorité veut la paix», a réagi Juan Manuel Santos, lors d’un discours prononcé au siège de sa formation politique à Bogota. «J’espère que nous pourrons laisser de côté les rancoeurs et travailler pour le pays», a-t-il ajouté à l’adresse de Alvaro Uribe qu’il a félicité pour ses résultats. Le chef de l’Etat, qui brigue un second mandat de quatre ans en mai prochain, va toutefois devoir s’employer pour mener à terme les pourparlers avec les Farc, la première rébellion du pays qui compte encore près de 8000 combattants selon les autorités. «On peut dire maintenant qu’il y a une opposition en Colombie. Cette tendance en faveur d’Uribe est un vote de sanction pour Santos. Cela remue nettement les négociations avec les Farc», a réagi auprès de l’AFP Vicente Torrijos, expert en relations internationales. Le Congrès bicaméral aura pour tâche de valider un éventuel accord à l’issue des négociations qui se déroulent à Cuba, en l’absence de cessez-le-feu. Et notamment le point sensible de la participation des Farc à la vie politique avec des suspensions de peine.

Politique ferme
La percée d’Uribe représente une «victoire importante» qui peut changer la donne, selon le politologue colombien Jorge Alberto Restrepo, directeur du Centre d’analyse du conflit (Cerac). «Ce vote redessine le panorama politique par rapport au processus de paix. Cela complique l’horizon de Santos pour gouverner. Il va devoir construire une nouvelle alliance», a-t-il indiqué à l’AFP. Populaire pour sa politique de fermeté envers les Farc entre 2002 et 2010, Alvaro Uribe, qui a fondé le parti du Centre démocratique, a encore accusé les autorités de céder face à Cuba et au Venezuela, deux références des Farc. «Nous avons voté contre le castro-chavisme que certains veulent apporter, que le gouvernement favorise et que d’autres préfèrent affronter», a-t-il lancé, entouré de ses partisans depuis son fief de Medellin. «Aujourd’hui est né le Centre démocratique, pour un pays sans hésitation face au terrorisme» et «sans impunité pour que le pardon soit possible», a-t-il ajouté. Le conflit colombien, le plus ancien d’Amérique latine, a fait plusieurs centaines de milliers de morts et quelque 4,5 millions de déplacés en cinquante ans, mêlant l’armée à des guérillas, des milices paramilitaires et des bandes criminelles.

«Achat de vote»
Fait positif et peu habituel, aucun incident grave n’a été signalé durant le scrutin auquel étaient appelés plus de 32 millions de Colombiens. Selon le ministère de l’Intérieur, les actions armées ont même été réduites de 90% par rapport aux précédentes législatives de 2010. La police a toutefois annoncé avoir désactivé des explosifs de faible puissance dans plusieurs départements où sont implantés les groupes illégaux. Une trentaine de personnes ont aussi été interpellées pour des fraudes. La Mission d’observation électorale (MOE), une association civile, a signalé avoir enregistré comme plaintes les plus fréquentes l’«achat de vote» et la «propagande illégale».