Bakel : Coup de théâtre à Diyabougou, le service régional des mines arrête la confection des badges pour identifier les travailleurs étrangers

C’est un secret de polichinelle que de dire que Diyabougou, à l’instar des autres sites d’orpaillage traditionnel du Sénégal, est un microcosme de l’ouest africain. C’est aussi connu que les sénégalais sont moins experts en orpaillage que les maliens et autres burkinabé par exemple. Pour redémarrer les activités suspendues à Diyabougou, suite aux incidents meurtriers de la nuit du 4 au 5 mars 2013, il fallait que l’arrêté n° 009249 du 14 juin 2013 paraphé par le ministre de l’Energie et des Mines à l’époque et organisant l’activité d’orpaillage, soit mis dans le circuit. Le service régional des mines de Tambacounda a initié un système de badges pour permettre aux sénégalais désormais seuls détenteurs de cartes d’orpailleur instituées, de travailler dans un environnement sécurisé. Malheureusement, juste au moment où la mayonnaise commence à prendre, la corde de la guitare se casse en pleine symphonie, la tutelle demande l’arrêt de la confection des badges devant permettre d’identifier tout le monde sur ce site, au grand dam des artisans orpailleurs qui se posent encore des questions sur les raisons d’une telle décision.

A Diyabougou, l’atmosphère en cette journée dominicale du 16 mars paraissait lourde, « nous avons senti la terre trembler sous nos pieds à l’annonce faite par le chef du service régional des mines de Tambacounda comme quoi il fallait arrêter la confection des badges servant à identifier tous ceux qui travaillent sur ce site et particulièrement les étrangers », nous ont d’entrée de jeu confié Makha Diop, un commerçant président l’association des sénégalais des autres régions du pays dont les affaires commençaient à prospérer avec la reprise des activités et Abou Traoré, un jeune orpailleur venu de Tambacounda. A la question de savoir pourquoi, ils nous rétorquaient en cœur que « la pagaille allait à nouveau s’installer avec son cortège de délinquance à grande échelle, car plus personne ne saura qui fait quoi et qui est qui comme à l’époque ». A nos deux interlocuteurs est venu se greffer Talib Aidara, un septuagénaire maure qui retrace les effets positifs de la confection des badges que tous ont ici applaudi. « Nous étions pertinemment convaincus de l’importance des dispositions de l’arrêté ministériel qui voudraient que seuls les sénégalais soient titulaires des cartes d’orpailleur. Mais force est de constater que les sénégalais ne peuvent exploiter les puits d’orpaillage s’ils ne s’attachent guère les services de nos frères maliens qui ont une longue tradition de cette activité. Quand ceux-ci ont accepté d’être des employés des sénégalais, et c’était le plus difficile, nous nous sommes dits que la chose allait marcher sans grosses difficultés. Maintenant quand le chef du service régional des mines de Tambacounda a initié le système des badges qu’il fallait confectionner pour identifier tous les travailleurs étrangers établis ici, et qui sont dans le commerce, dans les puits, le transport des cailloux, au tour des broyeuses, la situation d’insécurité que nous vivions s’est vite dissipée car plus personne ne saurait, une fois admis par le titulaire de carte, se promener dans les placers et ses environs sans ce document qu’est le badge que l’on obtient non sans avoir déposé la photocopie de sa carte nationale d’identité légalisée par la gendarmerie avec ses empreintes digitales et deux photos d’identité et être parrainé par un sénégalais » a expliqué le vieux maure. A son image, d’autres détenteurs de cartes exhiberont deux cas concrets qui leur ont confortés dans cette position. «  Un malfrat malien a commis ici un acte délictuel est a traversé la Falémé croyant qu’il passerait des jours tranquilles de l’autre côté de la frontière. Quand les gendarmes sénégalais ont transmis à leurs homologues maliens établis à Mansakamang sa filiation, ceux-ci n’ont pas mis trop de temps à le mettre aux arrêts » raconte Sidi Traoré qui poursuit en mettant en relief le fait « qu’un orpailleur établi à Diyabougou était tombé en pleine brousse sur des pandores qui ont bouclé le secteur, à la recherche de bandits ayant commis leur forfait avec des armes dans le secteur du site d’exploitation artisanale de Sambarabougou. Lorsqu’il lui a été intimé l’ordre de montrer ses documents, il a brandi son badge qui illustrait qu’il travaillait sur le site de Diyabougou, vérification faite à partir du numéro de la carte d’orpailleur de son employeur figurant sur son badge, il a été relâché «. Dans le même sillage, des maliens nous ont confirmé la pertinence d’une telle initiative car elle a permis à tous ceux qui ne détenaient point de cartes nationales d’identité, d’aller la chercher chez eux, à Sadiola précisément. Quand les documents y étaient épuisés, ils ont dû foncer sur Kayes ou Bamako. Le président de la communauté des guinéens de Conakry soulignera qu’une mission de leur représentation diplomatique à Dakar a séjourné trois jours durant à Diyabougou, histoire de recenser tous ceux qui avaient perdu leurs documents administratifs dans un incendie qui avait ravagé une partie des habitations spontanées, et de leur établir des cartes nationales d’identité. La quasi-totalité des orpailleurs rencontrés à Diyabougou nous ont exprimé leur crainte de voir l’insécurité s’installer à nouveau d’autant plus que « ceux qui avaient autre chose en tête, qui n’avaient point de documents et qui rechignaient à fréquenter Diyabougou, ont maintenant la voie libre avec l’arrêt du système de badges ». Quant au chef du service régional des mines que nous avons trouvé sur place, il laissera seulement entendre qu’il a reçu des instructions de sa hiérarchie dans ce sens, sans vouloir ou pouvoir nous expliquer les mobiles d’une telle décision. Que vise alors la tutelle avec une telle mesure ? Comment compte-t-elle organiser l’activité conformément aux dispositions de l’arrêté sus mentionnée ? Que vont devenir les projets de restructuration du village, de création d’une zone franche à proximité des placers, de sensibilisation des orpailleurs sur l’utilisation des meilleures pratiques qui tiennent en compte les mauvais impacts sur l’environnement, la santé des populations, le retour vers l’agriculture, l’utilisation de l’eau potable entrain d’être conçus sur la base d’une collaboration entre la société civile et la direction des mines et de la géologie pour faire de ce site un modèle dans la sous région ? Mystère et boule de gomme.

www.tambacounda.info /