Municipales Pour la première fois, Paris va être dirigé par une femme

Quels que soient les résultats des municipales de ce week-end, ce sera bel et bien une femme qui sera à la tête de Paris. Et c’est une première. Le duel opposera une ex-ministre de droite à l’ambition affichée et une militante de gauche longtemps restée dans l’ombre mais donnée favorite. Ancienne ministre de l’Écologie de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, 40 ans, se décrit comme «une tueuse». Aujourd’hui députée, cette rousse flamboyante se bat sous les couleurs de l’UMP, principal parti de l’opposition de droite, mais n’est pas parvenue à éviter des dissidences.

Sans expérience ministérielle et après douze ans passés auprès du maire socialiste sortant Bertrand Delanoë, la brune Anne Hidalgo, 54 ans, jugée sérieuse mais parfois sans éclat, bat le pavé en essayant de se démarquer de la politique du gouvernement de gauche. Ce dernier est plombé par une impopularité record. Selon un sondage publié la semaine dernière, Anne Hidalgo arriverait en tête au premier tour du 23 mars et l’emporterait avec 52,5% des suffrages au second tour du 30 mars. Son équipe craint néanmoins une forte abstention, considérée comme son «principal adversaire».

Succession d’«affaires»
Convoitée pour son poids dans la vie politique nationale et pour son rayonnement à l’étranger, la mairie de Paris a donné lieu à une âpre campagne, dans un climat national délétère marqué par une succession d’«affaires» impliquant la droite mais éclaboussant aussi la gauche. Le duel entre la candidate de droite, surnommée «NKM», diplômée de la prestigieuse École polytechnique formant l’élite française, et Anne Hidalgo, issue d’une famille d’exilés espagnols et ancienne inspectrice du travail, s’est davantage manifesté par de petites phrases assassines sur l’image de chacune que sur l’avenir d’une métropole de 2,2 millions d’habitants. La presse rapportait ainsi en janvier des propos de l’équipe de Nathalie Kosciusko-Morizet qualifiant l’élection de «bataille entre la star et la concierge». Anne Hidalgo, qui a obtenu la nationalité française à 14 ans et évoque souvent son «parcours d’intégration républicaine», a dénoncé la vindicte d’une «caste». Nathalie Kosciusko-Morizet, dont les aïeux sont polonais, ne cache pas ses ambitions pour se présenter aux primaires de 2016 en vue de la présidentielle l’année suivante. Mais lorsque ses adversaires l’accusent de ne considérer la mairie de Paris que comme un marchepied, elle affirme que «sa seule obsession est la bataille pour Paris».

Tremplin politique
La mairie de Paris, qui permit à un ancien maire, Jacques Chirac, de se hisser au sommet de l’État en 1995, est depuis cette époque perçue comme un puissant tremplin politique. «NKM» a, au cours de la campagne, fait l’objet de railleries après avoir décrit le métro comme un «lieu de charme» où l’on peut connaître «des moments de grâce». Les caricaturistes l’ont par la suite représentée sur une «chaise à porteurs», utilisée par l’aristocratie au 18e siècle, cherchant à «faire peuple». Ancienne conseillère dans le gouvernement du socialiste Lionel Jospin, entre 1997 et 2002, Anne Hidalgo mise sur le terrain pour convaincre les électeurs. Enquête après enquête, la socialiste a toujours été donnée gagnante du scrutin.

Bataille de chiffres
Côté programme, les deux candidates se livrent à une bataille de chiffres pour que Paris reste fidèle à son image de «plus belle ville du monde». Anne Hidalgo, soutenue également par le Parti communiste, a présenté un programme d’investissements de 8,5 milliards d’euros. Elle cite au rang de ses priorités un meilleur accès à un logement, des transports plus confortables, l’importance de la nature dans la ville. «NKM» a de son côté annoncé sa volonté de réduire les effectifs de fonctionnaires à Paris pour atteindre une économie de 225 millions d’euros d’ici à 2020. Elle voudrait aussi «piétoniser» le centre-ville et renforcer la politique de sécurité. Lors d’un débat radio-télévisé fin janvier, les deux femmes se sont affrontées sans concessions sur les questions sensibles de la sécurité, du logement, des transports et de la fiscalité. La pollution à Paris a aussi fait l’objet ces derniers jours d’une passe d’armes entre les deux femmes. Quatre autres candidats sont en lice : un élu écologiste, la secrétaire nationale du Parti de gauche, un avocat du Front national (extrême droite) et un dissident de l’équipe de «NKM», suspendu par son parti.