trafic d’influence: Les écoutes révélées par Mediapart accablent Sarkozy

Le PS s’est engouffré dans la brèche ouverte par ces nouveaux éléments, son patron Harlem Désir accusant Nicolas Sarkozy d’avoir voulu «faire obstruction à la justice». «La lecture des documents publiés hier soir par Mediapart est ahurissante, hallucinante et surtout attristante», a-t-il commenté, alors que la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem soulignait «l’extrême gravité des accusations et des soupçons» pesant sur l’ancien président.

 

Dans l’affaire Bettencourt
Diffusés mardi soir, les extraits de sept écoutes judiciaires captées entre le 28 janvier et le 11 février confirment que Nicolas Sarkozy et Me Thierry Herzog se préoccupent beaucoup de la décision que va prendre la Cour de cassation sur les agendas de l’ancien chef de l’Etat, saisis dans l’affaire Bettencourt et susceptibles d’intéresser les juges dans d’autres dossiers. Une source judiciaire a confirmé à l’AFP la teneur des extraits publiés, provenant du placement sur écoute du téléphone de M. Sarkozy mais aussi d’une deuxième ligne ouverte sous le nom d’emprunt de Paul Bismuth, dans le cadre de l’information judiciaire sur des accusations de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007.

 

«Du boulot à ces bâtards de Bordeaux»
Me Herzog y fait savoir à plusieurs reprises à Nicolas Sarkozy qu’il obtient des informations via Gilbert Azibert, avocat général dans une chambre civile à la Cour de cassation. Le 30 janvier, Me Herzog raconte que le conseiller rapporteur préconise l’annulation de la saisie des agendas et le retrait de toutes les mentions relatives à ces documents dans l’enquête Bettencourt, instruite à Bordeaux et dans laquelle Nicolas Sarkozy a déjà obtenu un non-lieu. «Ce qui va faire du boulot à ces bâtards de Bordeaux», commente l’avocat.

 

«Sauf si le droit finit par l’emporter»
La veille, il se montrait déjà optimiste sur une décision en faveur de son client. «Sauf si le droit finit par l’emporter», disait l’avocat qui, sollicité par l’AFP, n’a pas donné suite. Le 1er février, Nicolas Sarzkoy, depuis sa ligne officieuse, met en scène un dialogue destiné aux enquêteurs en demandant à son avocat de le rappeler sur sa ligne officielle pour «qu’on ait l’impression d’avoir une conversation».

 

Trois conseillers à la Cour de cassation
Les 5 et 11 février, Me Thierry Herzog apprend à Nicolas Sarkozy que Gilbert Azibert a, ou doit, rencontrer trois conseillers à la Cour de cassation chargés de valider ou non l’enquête Bettencourt. Ces éléments affleuraient déjà dans les documents brandis devant les caméras par la garde des sceaux Christiane Taubira le 12 mars. Selon ces extraits, Nicolas Sarkozy se dit prêt à aider Gilbert Azibert à obtenir un poste à Monaco, en contrepartie de ses informations. Son avocat confie avoir rassuré par avance «Gilbert» à ce sujet: «Tu rigoles, avec ce que tu fais».

 

Des «moyens déloyaux»
Pour l’Union syndicale des magistrats (majoritaire), ce serait la preuve «qu’on essaye d’influencer la justice». Cela «viendrait étayer le fait qu’on a un responsable politique qui utilise ses réseaux pour organiser son immunité», ajoute le Syndicat de la magistrature (classé à gauche). Réclamant de la «retenue», le patron de l’UMP, Jean-François Copé, a déploré des «bouts de révélation» selon lui «systématiquement à charge, jamais à décharge». Et Marine Le Pen a qualifié de «moyens déloyaux» les révélations de Mediapart, demandant si ce n’était pas une «contrepartie au cadeau fiscal» qu’a fait, selon elle, le PS au site d’information, avec l’adoption en février de la baisse de la TVA pour la presse en ligne. Dans sa décision le 11 mars, la Cour de cassation n’a finalement pas donné gain de cause à Nicolas Sarkozy. Mais une information judiciaire a été ouverte par le parquet national financier pour trafic d’influence et violation du secret professionnel.