Présidentielle: Une épreuve du feu électorale pour la paix en Colombie

Juan Manuel Santos, dont le gouvernement a ouvert en novembre 2012 des pourparlers avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), présente sa réélection comme la meilleure option pour obtenir un accord de paix, après un demi-siècle de conflit, le plus ancien d’Amérique latine.

«Le peuple colombien va se manifester clairement en faveur de la paix», a affirmé ce dirigeant de centre droit de 62 ans, lors d’un récent entretien à l’AFP. Le président sortant devrait être contraint à un second tour, faute d’atteindre la majorité dimanche prochain, et se retrouver en duel, le 15 juin, avec le chef de file des opposants radicaux au dialogue avec les Farc, l’ancien ministre de l’Economie Oscar Zuluaga, âgé de 55 ans.

Les deux hommes, autrefois alliés, devancent nettement, selon les derniers sondages, les trois autres prétendants en lice, dont l’ancien maire centriste de Bogota, Enrique Peñalosa, la candidate conservatrice Marta Lucia Ramirez et celle de la gauche, Clara Lopez.

Une polarisation entre Santos et Zuluaga

«Il est très compliqué de voir surgir une alternative à la polarisation entre Santos et Zuluaga face à la question principale : le processus de paix avec les Farc», a indiqué à l’AFP le politologue Yann Basset, de l’Observatoire électoral de l’Université Rosario à Bogota.

Ancien ministre de la Défense inflexible, M. Santos est désormais la cible des attaques de son prédécesseur, Alvaro Uribe, toujours très populaire pour sa politique de fermeté envers la guérilla, dont les effectifs – estimés par les autorités à 8.000 combattants repliés dans les régions rurales – ont fondu de moitié en 10 ans.

«Trahison à la patrie»

L’ex-chef d’Etat devenu sénateur a fondé le parti du Centre démocratique qui soutient M. Zuluaga, accusant le président sortant de «trahison à la patrie» pour avoir noué des discussions avec les Farc, qui se déroulent à Cuba.

Le candidat de l’opposition a promis qu’en cas d’élection, il suspendrait temporairement les négociations et donnerait un «délai de huit jours» à la guérilla pour cesser ses «actions criminelles contre les Colombiens». Un ultimatum qui sonne comme la fin du dialogue.

Le processus de paix, visant à mettre fin à un conflit qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts et plus de cinq millions de déplacés, a phagocyté la campagne, marquée sur la fin par des scandales de corruption et d’espionnage.

Santé, éducation, pauvreté

Les autres thèmes ont été éclipsés, comme la santé, l’éducation ou la pauvreté qui touche un tiers de la population de 47 millions d’habitants de ce pays en forte croissance (plus de 4%) malgré le conflit interne qui mêle des guérillas, mais aussi des bandes de narcotrafiquants, composées en partie d’anciennes milices paramilitaires.

Les négociations conservent pour l’instant l’adhésion d’une majorité de Colombiens et a permis d’aboutir à des pré-accord sur la nécessité d’une réforme rurale, la participation des ex-guérilleros à la vie politique et, la semai ne dernière, sur la lutte contre le trafic de drogue.Toutefois le scepticisme ne cesse de croître, car sur le terrain le conflit se poursuit avec sa litanie de nouvelles victimes.

Pas de cessez-le-feu avant un accord final

Le président Santos a en effet exclu un cessez-le-feu avant un accord final, de peur de voir la guérilla se renforcer, ce qui met les pourparlers sous pression permanente.

«Ce qui est vraiment en jeu, c’est de savoir s’il y aura la paix à court ou long terme, car les Farc n’ont pas la possibilité, avec leur faiblesse actuelle, de déclencher une guerre encore plus forte», a expliqué à l’AFP Miguel Garcia, co-directeur de l’Observatoire de la démocratie à l’Université des Andes de Bogota.Partisan d’une trêve unilatérale, la guérilla a promis d’observer de son côté un cessez-le-feu durant les jours entourant le scrutin.

(afp/Newsnet)