Syrie: Bachar al-Assad décrète une «amnistie générale»

Désireux de se présenter, depuis sa réélection pour un troisième mandat, comme le champion de la «réconciliation» et de la main tendue, M. Assad a décrété une amnistie générale pour tous les «crimes» commis jusqu’à ce lundi.

Dans un décret publié par les médias d’Etat, il commue des condamnations à mort en peines de prison à vie, réduit le nombre d’années d’emprisonnement pour certaines infractions et annule d’autres peines.

Il s’agit de la plus large amnistie annoncée depuis le début du conflit, le 15 mars 2011, déclenché par un mouvement de contestation pacifique qui a dégénéré en rébellion.

Elle concerne pour la première fois des crimes figurant dans la loi sur le terrorisme de juillet 2012. Les amnisties précédentes avaient exclu les «terroristes» et les «criminels en fuite».

Combattants étrangers concernés

Les ravisseurs qui libéreront leurs otages seront également couverts, de même que les déserteurs de l’armée. C’est en outre la première fois que le régime offre une amnistie aux combattants étrangers, s’ils se rendent d’ici trois mois.

Selon le décret publié par la présidence syrienne, les détenus âgés d’au moins 70 ans, et ceux atteints d’une maladie incurable, seront également libérés. Les trafiquants d’armes et de drogues verront quant à eux leurs peines de prison réduites, tout comme les individus emprisonnés pour des crimes économiques.

Plus de 100’000 détenus

Selon un juriste de Damas, l’amnistie devrait concerner les personnes déjà jugées et celles, bien plus nombreuses, qui croupissent sans procès dans les centres de détention des services de renseignement du régime.

«Cette amnistie est le droit le plus élémentaire pour des gens dont la détention est contraire à la liberté d’opinion. Ce n’est pas un cadeau du régime», a réagi l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), ONG basée à Londres.

Plus de 100’000 personnes sont détenues, dont 18’000 considérées comme des disparues car leurs familles ne connaissent rien de leur sort. «Est-ce que les listes (de la nouvelle amnistie) concerneront ces gens-là»? demande l’OSDH.

Lors des quatre précédentes amnisties, les organisations de défense des droits humains avaient affirmé qu’en dépit des décrets, beaucoup de détenus n’avaient jamais retrouvé la liberté.

Torture au quotidien

L’ancien médiateur de la communauté internationale pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, qui a démissionné en mai après l’échec des négociations de paix, dit avoir présenté au président une liste de prisonniers dont la libération est réclamée par l’opposition.

«Il sait qu’il y a 50’000 à 100’000 personnes dans ses geôles et que certaines d’entre elles sont torturées quotidiennement», a assuré ce week-end M. Brahimi au magazine allemand «Der Spiegel».

Les rebelles qui veulent renverser Bachar al Assad ont aussi fait plusieurs milliers de prisonniers. L’OSDH a demandé samedi à l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), un groupe djihadiste sunnite, la libération de quelque 2000 détenus, dont 150 écoliers kurdes enlevés le mois dernier.

Turquie et Iran veulent coopérer

Sur le terrain, alors que le conflit est devenu multiforme, avec l’implication de plusieurs groupes étrangers infiltrés dans le pays, les combats entre jihadistes de L’EIIL et une coalition de rebelles et de la branche officielle d’Al-Qaïda ont fait des dizaines de morts.

Côté diplomatique, les deux puissances régionales que sont la Turquie, alliée des rebelles, et l’Iran, soutien du régime, se sont engagées à Ankara à coopérer pour mettre un terme au bain de sang.

(ats/Newsnet)