Laurent Gbagbo jugé pour crimes contre l’humanité

La Cour pénale internationale (CPI) a décidé de juger l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo pour des crimes contre l’humanité présumés commis lors des violences ayant déchiré le pays en 2010 et 2011.

Très attendue en Côte d’Ivoire, cette décision met un terme à plus d’un an de procédures ayant notamment vu les juges douter de la solidité du dossier.

Que «la vérité soit dévoilée»

«La chambre préliminaire de la CPI a confirmé, à la majorité, quatre charges de crimes contre l’humanité (…) à l’encontre de Laurent Gbagbo. Elle l’a renvoyé en procès devant une chambre de première instance», a indiqué la CPI dans un communiqué. L’avocat de l’ex-chef de l’Etat, Me Emmanuel Altit, a dit se féliciter de cette décision, affirmant que son client «voulait un procès» afin que «la vérité soit dévoilée».

Le camp Gbagbo se dit en outre «en position de force juridique», l’un des trois juges qui a statué s’étant prononcé contre la tenue du procès en raison d’«éléments de preuve encore insuffisants», comme l’indique le site internet de la CPI.

Ramener la sérénité

Le porte-parole du gouvernement ivoirien Bruno Koné a, lui, salué le fait que la Cour «se donne les moyens de dire la justice». «On espère que cela va permettre de ramener de la sérénité chez tout le monde», a-t-il observé.

Premier ex-chef d’Etat poursuivi devant la CPI, Laurent Gbagbo, 69 ans, est accusé d’avoir «ordonné, sollicité, encouragé ou contribué de toute autre manière» à l’accomplissement de quatre crimes contre l’humanité, à savoir meurtres, viols, actes inhumains et persécutions.

Victoire non reconnue

Ces crimes présumés ont été commis durant la crise meurtrière née de son refus de reconnaître la victoire de son rival Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010, qui a fait plus de 3000 morts.

Laurent Gbagbo assure quant à lui avoir été évincé du pouvoir en faveur de son rival en raison d’un complot fomenté par la France, ancienne puissance coloniale en Côte d’Ivoire. «Ce procès sera celui de la Françafrique, de la manipulation, des arrangements, de ceux qui ont voulu une guerre pour servir des intérêts particuliers», a affirmé Me Altit.

«Rester au pouvoir par tous les moyens»

Arrêté en avril 2011 par les forces pro-Ouattara appuyées par la France et l’ONU, Laurent Gbagbo avait été transféré à La Haye en novembre 2011. Selon l’accusation, il a voulu «rester au pouvoir par tous les moyens (…) par des attaques meurtrières soigneusement planifiées», ce que l’intéressé nie catégoriquement.

Sa responsabilité est engagée pour quatre évènements particuliers survenus à Abidjan entre décembre 2010 et avril 2011. Quelque «156 morts» lui sont imputés, avait indiqué mardi un autre de ses conseillers, Me Habiba Touré.

22’000 pages de preuves

La décision de la CPI met fin à plus d’un an de procédures préliminaires destinées à déterminer si Laurent Gbagbo devait être jugé ou non.

«Monsieur Gbagbo sait très bien que c’est sous sa responsabilité que beaucoup d’atrocités ont été commises en Côte d’Ivoire. C’est tout à fait normal qu’il soit jugé», a déclaré Joël N’Guessan, porte-parole du Rassemblement des républicains, le parti d’ Alassane Ouattara. Les juges avaient entendu en février 2013 les arguments des parties quant à la solidité du dossier. Insuffisamment convaincus par le procureur, les juges lui avaient demandé des informations ou éléments de preuve supplémentaires avant de décider si un procès devait être mené contre M. Gbagbo.

Après avoir examiné plus de 22’000 pages de preuves et les déclarations de 108 témoins, notamment, les juges ont décidé que M. Gbagbo devait être jugé.

(ats/Newsnet)