ITALIE: Berlusconi veut croire à son retour en politique

Silvio Berlusconi a été acquitté vendredi en appel à Milan d’une peine de sept ans de prison pour prostitution de mineure et abus de pouvoir dans l’affaire «Rubygate».

Dès dimanche, l’ancien président du conseil a appelé au téléphone son ex-dauphin, l’actuel ministre de l’Intérieur Angelino Alfano, parti en novembre fonder sa propre formation, le «Nouveau Centre Droit» (NCD), a affirmé lundi la presse italienne.

«Arrêtons les querelles, les Italiens sont fatigués, travaillons à présent pour rassembler les modérés», aurait lancé le milliardaire, âgé de 77 ans, à celui que les Berlusconiens fidèles, rassemblés au sein de Forza Italia (FI), considèrent depuis cet automne comme un «traître».

Ce à quoi Alfano, 43 ans, l’aurait assuré de son «affection immuable».

Allié du gouvernement gauche-droite de Matteo Renzi, le NCD a obtenu 4,4% aux européennes, les premières élections auxquelles il participait, six mois après sa création.

Voilà pourquoi, au soir du triomphe de Matteo Renzi (41%) à ce même scrutin, Silvio Berlusconi a décidé de se lancer dans un nouveau «chantier de recomposition de la droite» – comme il l’avait fait en 1994 -, qui pourrait conduire cette fois à une «fédération des partis», dont FI et le NCD seraient les piliers.

«De la théorie à la pratique»

Après l’acquittement dans le procès Ruby, on est passé de la théorie à la pratique, estime ainsi le commentateur du Corriere della Sera.

Tous les partis de droite – y compris ceux des extrêmes tels que la Ligue du Nord et Fratelli d’Italia – seront consultés, une «déclaration d’intention» signée, un programme commun mis en place, et des primaires organisés, croit savoir le Corriere.

Un programme ambitieux que l’ex-Cavaliere veut lancer rapidement, la presse italienne évoquant un déjeuner de travail avec Angelino Alfano dès jeudi.

Mais l’ancien bras droit de M. Berlusconi n’entend pas céder sur certains points, comme il l’a expliqué dimanche dans un entretien au Messaggero.

«Soit FI veut participer avec nous à une grande alliance populaire et européenne, soit il veut faire du pied à l’extrême droite, raciste et anti-européenne», affirme-t-il.

Rappelant que Forza Italia n’a recueilli «que» 16,8% aux européennes, Alfano attaque, ne réclament pas de FI «la charité», mais «ligne politique claire qui soit compatible avec la nôtre».

«La scission est trop importante»

Cette tentative de rapprochement laisse dubitatif Gianfranco Pasquino, expert en sciences politiques de la Johns Hopkins School à Bologne.

«La scission avec Berlusconi a été trop importante, et si Alfano veut revenir au sein de Forza Italia, il devra entrer en conflit avec ceux restés loyaux», analyse-t-il.

Ce qu’il faudrait, c’est que FI trouve un successeur à Berlusconi, mais «avec à sa tête un chef aussi charismatique, qui a autant personnalisé son parti», cela semble difficile, ajoute-t-il.

«Un vrai choc est nécessaire, il faudrait quelqu’un qui prenne des risques» mais l’ex-Cavaliere ne se laissera pas faire, pense le professeur.

Et avec un Matteo Renzi qui occupe toute la scène, la droite «risque donc de rester longtemps dans l’opposition», prédit le professeur.

Rappelant qu’un procès le visant pour «corruption de sénateur» – une «accusation très grave» – est actuellement en cours à Naples et que la cour de Cassation peut encore être saisie dans le «Rubygate, le politologue estime que «Berlusconi est déjà fini et depuis quelque temps déjà«.

Une analyse que tempère Roberto d’Alimonte, professeur de sciences politiques à l’Université privée Luiss de Rome, pour qui l’ex-Cavaliere, quoique désormais inéligible, «n’a jamais quitté le terrain».

«Il a toujours été un joueur d’importance, à tel point que Renzi a décidé de faire les réformes constitutionnelles avec lui», rappelle-t-il.

En revanche, admet le professeur d’Alimonte, on peut dire que »le cycle berlusconien va vers sa fin«. Ajoutant: «nous en sommes au crépuscule, certes long mais bien là».

(afp/Newsnet)