Le «souley-man Show», Acte 2! Par Momar Mbaye

Difficile de te reconnaître dans tes nouvelles fonctions, encore moins dans ta nouvelle coiffure après que tu as décidé de te départir de ton image de révolutionnaire: les dreadlocks t’allaient si bien, Souleymane.

Ta voix aussi a baissé d’un ton, toi que nous aimions lire le jeudi et tant écouter le mardi après-midi, seul, en famille ou entouré d’amis. Ceux-là mêmes qui nous demandent encore ce qu’était devenu le célèbre chroniqueur web, Jules, ses émissions «Degg degg», et sa chronique, «Lignes ennemies» devenue «Ennemis rapprochés»… Juste pour te dire, frérot, qu’en dehors de la calomnie dont tu usais et abusais par moments, les vérités crues que tu assénais hier, sont encore vraies et le resteront pour l’éternité : la vérité survit au temps. Mais faudrait-il l’avouer : l’acte 2 du «Souley-man show» délocalisé dans les  médias locaux, à Dakar, s’avère moins vivace, moins instructif que celui qui faisait le buzz sur la toile.

Difficile voire impossible d’être à la fois avec le pouvoir et aux côtés du peuple, deux univers qui flirtent, s’épousent mais n’enfantent guère. Et, entre les deux, tu as fait ton choix : celui de porter haut et fort la voix du «Macky» et personne ne t’en voudra. Lorsque l’on passe des années à parler comme tu savais si bien le faire, il faut bien, un jour, se taire. Et tu t’es tu, grand frère, à tel point que ton silence indispose, que lorsque tu ouvres la bouche, devant mille et une caméras, ta voix reste inaudible, noyée dans le flot des bruits de la cité. Le mythe de la radio s’est dissipé, sans doute.

Je me rappelle encore notre dernière correspondance d’il y a plus de deux ans et dans laquelle je te demandais, en toute objectivité, d’apporter les preuves de tes accusations formulées et réitérées contre cet intermittent du spectacle, devenu ministre dans le gouvernement et limogé récemment. Le même que tu accuses d’être un escroc, d’avoir abusé de Benetton et détourné ses fonds que tu estimais à 1,3 million d’euros. Celui dont tu disais qu’il s’adonnait à du wayaan auprès du « vieux président » aux fins d’empocher l’argent du contribuable pour les besoins du financement, en France, d’un concert privé. Ceux qui n’ont pas une mémoire de poisson rouge sauront que c’est la même personne contre qui tu promettais d’ester en justice, en Italie où tu annonçais te rendre pour porter plainte pour escroquerie… « J’irai jusqu’au bout et je suis prêt à tout pour tirer cette affaire au clair », déclarais-tu, le mardi 15 juin 2010, dans ta célèbre émission de radio dont beaucoup d’entre nous raffolaient.

Pourtant, tu avais l’air si ‘sérieux’ et semblais si convaincu dans tes accusations, si ‘véridique’ à l’époque, Souleymane.

Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Car il y a eu la chute du vieil homme, ce qui a précipité la fin de ton ‘exil’ et sonné ton retour au bercail, sans même que tu daignes dire au revoir à tes amis du web que tu as désertés du jour au lendemain, pour répondre à l’appel de la patrie. Que dis-je ? A l’appel du «Macky».

Dès ton arrivée au pays, te voilà dans tes œuvres illustres, en train de t’approprier à toi tout seul, la victoire de tout un peuple, lorsque tu t’es auto-invité, pour faire ton «Souley-man show» sur un plateau de télévision de la place et pas n’importe laquelle : la télé de ton nouvel «ami», le même homme de Bercy que tu t’étais bien gardé de critiquer, cette fois-ci, devant les caméras sa propre télévision. Celui dont tu as, curieusement, vanté les mérites ce jour-là, parce que sa chaîne de télévision (et pas une autre) t’offrait une tribune. Ce n’est pas de l’opportunisme, mais du ‘réalisme’, Souleymane.

Je ne voudrais pas être long, je le suis déjà. J’imagine seulement qu’avec tes nouveaux services, tu dois disposer de peu de temps pour me lire. J’essaie donc d’être succinct.

De la rancune je n’en ai point. De la rancœur encore moins ; j’aurais seulement aimé savoir comment tu as pu, avant d’accéder à ce plateau de télévision, regarder dans les yeux sans broncher, le personnel, les employés de ce patron de presse que tu as fait passer pour un «escroc», quelques semaines auparavant. Je me suis demandé aussi, si tu ne risquais pas de baisser la tête, de faire profil bas à chaque fois que tu le croiseras, aux côtés de ce nouvel ami que vous avez en commun, le temps d’une alliance politique.

Un certain «Marquis de Sall», devenu locataire du Palais. Inutile de ressasser ici tes diatribes contre cet ancien Premier ministre que tu accusais de ne recruter que des «toucouleurs» et ressortissants de Matam dans le gouvernement qu’il voulut ethniciser, selon tes dires. Qu’en fera-t-il aujourd’hui, devenu président de la République, avec toi à ses côtés ? Tu l’en dissuaderas ? Je me garderais, Jules, de lister ici, tout ce que tu as dit et écrit sur l’époux Sal(i) de Marième. Je remplirais des pages, épuiserais mon encre et tomberais sous le glaive de l’article 80. Je prendrais alors le risque d’être poursuivi pour diffamation et diffusion de fausses nouvelles, avant d’être inculpé du délit d’offense au chef de l’Etat…Que Dieu m’en garde !

Du talent, tu en as, frérot, du mérite aussi, faudrait te le reconnaître.

A te voir t’agiter dans tes nouvelles fonctions, tel un petit garçon nouvellement admis dans la cour des grands, l’envie nous prend d’applaudir, de te féliciter, sauf que le cœur n’y est pas. Moins convaincant tu es devenu, moins pertinent aussi, la verve et l’arrogance habituelles en moins : ce ne doit point être tâche aisée que de se faire le porte-voix du «Macky», de lui concéder ou de cautionner ce que tu as jadis refusé à son prédécesseur, le vieux président. En somme, d’avaler du «vomi». Sous nos tropiques, il se passe toujours des choses «exceptionnelles», tu l’as si bien dit l’autre jour sur la chaîne publique, Souleymane.

Je me permets de te tutoyer, ce n’est pas par manque de respect, grand frère.

A imaginer que pour toi, ce devait être moins difficile de combattre un octogénaire au pouvoir que de supporter son opposant de «Molasse» comme tu le qualifiais toi-même, celui dont tu limitais les ambitions à un simple poste de directeur de société. Je me rappelle pourtant t’avoir entendu, à la veille de la présidentielle, déconseiller tes compatriotes de porter leur choix sur ton employeur et bienfaiteur d’aujourd’hui, le même à qui tu demandais des comptes, dans un clin d’œil intéressé, à un maire et ex-employeur que tu aimais tant citer, et qui, curieusement, ne parle jamais de toi, évoque à peine de votre éphémère collaboration sur laquelle tu semblais te faire une fixation, un passé dont tu peines à faire le deuil, grandement.

Jadis habitué à dire du mal des gens, à tirer sur tout ce qui bouge, te voilà réduit à un semi-mutisme, contraint à l’exercice inverse, lorsque tu ne t’évertues pas, malgré toi, à dire «du bien» de tes «têtes de Turc» d’hier, à trouver des qualités «exceptionnelles» à ces personnes que tu aimais calomnier jour et nuit.  J’ose espérer que lorsque tu quitteras le Palais et sa communication – car il va falloir le quitter un jour ou l’autre -, que tu ne t’aventureras pas à divulguer des secrets d’Etat, à nous raconter dans les moindres détails les dessous du Palais, la vie privée de tes collègues d’aujourd’hui, tes futurs adversaires de demain, qui sait ? De grâce, dans ton prochain livre, épargne-nous le nom de l’amant de la Première dame dans l’entourage du président…

Entre nous, Jules, ce n’est pas la déception qui m’anime, mais la tristesse car nombre de nos compatriotes, moi y compris, te prêtaient des ambitions mille fois plus nobles que les fonctions de laudateur ou de parolier du Prince. Cela ne te ressemble point. Nous qui estimions que les nominations ne t’intéressaient point ! Mais ce serait ne pas reconnaître ton mérite que de ne pas te féliciter d’avoir, des années durant, fait d’un combat personnel, une cause nationale qui a fédéré tout un peuple. Une échelle pour gravir les longues et périlleuses marches de l’ascenseur social. En attendant le prochain «Souley-man show». Bon vent, grand frère !

Momar Mbaye

Texte rédigé en juillet 2013 / seneweb.com/