Les minutes de la convocation de Baldé à la Crei

 

Recherché durant tout le week-end passé par les gendarmes de la Section de recherches, Abdoulaye Baldé a déféré, hier lundi en fin de matinée, à sa (convocation ?) à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Compte-rendu détaillé d’une invitation pas comme les autres.

C’est à l’effet mortifiant d’un ballon de baudruche. A la vitesse supersonique d’une montagne qui accouche d’une souris. Le clap de fin se passe tellement vite qu’on se dit qu’on a raté une séquence. Qu’on a cligné des yeux et manqué la scène culte. En somme, c’est en posture du spectateur abusé qu’on se (re)tient la tête face à la saison II du feuilleton judiciaire «La Crei contre les ex-pontes de la République». «Tout ça pour ça», était-on tenté de dire hier à la sortie de Abdoulaye Baldé, tout de blanc vêtu, marchant fièrement sur le trottoir du dehors du bâtiment qui abrite la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), sur la grande avenue Cheikh Anta Diop de Dakar. Après une journée de pied de grue de quatre agents de la Section de recherches de Colobane (Dakar) devant chez lui, à Yoff-Virage, ameutant journalistes, proches, sympathisants et militants, un week-end de «Wanted» et mise en alerte de tous les postes de contrôle du pays, le député-maire de Ziguinchor, que la chronique annonçait comme bon pour la prison dakaroise de Rebeuss, communément appelée «100 mètres», est reparti libre de son face-à-face avec la Commission d’instruction de la Crei. Un tête-à-tête de quelques minutes et (re)voilà l’ancien ministre d’Etat, ministre des Forces Armées du Sénégal qui reprend le chemin de son domicile. Très heureuse de resserrer la main de son mentor politique qu’elle dit être «blanc comme neige», une militante de l’Union centriste du Sénégal (Ucs) n’a pas manqué de lancer, toute enjouée, la question que tout le monde se pose : «Qu’est-ce qui s’est passé pour que le Procureur spécial près la Crei, Alioune Ndao, qui est connu pour sa main lourde, laisse Baldé rentrer chez lui ?» Est-ce dû à une absence de preuves ? Qu’est-ce que les magistrats de la Crei et le député-maire de Ziguinchor se sont dit ? Autant d’interrogations auxquelles L’Observateur a trouvé des réponses. 

«Alioune Ndao a géré le cas Baldé de loin»

ONE-TO-ONE RATE. Dans la tête de beaucoup de suiveurs de la Crei et de ses méthodes jugées cavalières par ses pourfendeurs, la suite de l’affaire Abdoulaye Baldé, qui a tenu en haleine le pays durant tout le week-end dernier, était claire : l’ancien Directeur exécutif de l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci) devait passer par le bureau de Alioune Ndao, ensuite devant la Commission d’instruction et puis la prison. Mais si les probabilités se sont révélées à moitié vraies ou fausses, c’est selon, le maire de Ziguinchor, lui, n’a pas fait, du tout, face au Procureur spécial. Qui, selon des personnes très au fait de ce qui s’est passé hier entre les murs de la Crei, a géré de loin «le cas Baldé». Comme si Alioune Ndao, ex-agent de police, fuyait le regard de son ancien patron et commissaire de police, Abdoulaye Baldé. D’ailleurs, selon une rumeur tenace qui court les coursives de la République et de la rue publique, les deux ex-flics ne se piffent pas. Alors pas du tout. Ils se regardent en chiens de faïence. D’où la fameuse commission de Baldé à Alioune Ndao par l’entremise d’un des greffiers de la Crei : «Dis à Alioune Ndao que s’il veut la guerre, il l’aura.» Qu’est-ce qui est à l’origine de cette inimitié ? Pour le moment, rien ne filtre. Rien ne suinte. «En tout cas, le Procureur était là, mais il n’a pas vu M. Abdoulaye Baldé», a soufflé un proche de la juridiction spéciale. Avant d’embrayer : «Il a écrit son réquisitoire introductif et géré le reste avec son téléphone.» 

«Les avocats du maire de Ziguinchor bloqués à la porte de la Commission d’instruction»

PRISE DE GUEULE. La gestion du «cas Baldé» par le Procureur spécial Alioune Ndao, que les avocats du député estiment «off-the-record» très tendancieuse, a soulevé de vives tensions à la Crei. Tout a commencé juste avant le passage de Abdoulaye Baldé devant la Commission d’instruction et est parti du blocage des avocats du maire de Ziguinchor. Un parjure que Me Demba Ciré Bathily et Cie n’ont pu supporter. Loin de se laisser gagner par ce refus qui, à leurs yeux, n’était pas du tout conforme à la loi, les conseils de Baldé ont eu un échange houleux avec les forces de l’ordre à l’intérieur de la Crei. Une vive dispute qui a tourné en faveur des robes noires. Puisque les avocats de l’ancien ministre d’Etat seront finalement acceptés dans la salle où Abdoulaye Baldé a fait face à la Commission d’instruction à 16 heures passées de 05 minutes. Mais, Abdoulaye Baldé n’a pas eu le temps de répondre aux questions des juges. «La séance est renvoyée au 26 août prochain», a signifié le président de la Commission d’instruction au député-maire de Ziguinchor. Avant de lui remettre une convocation qu’il a signée sur place. Une information corroborée, quelques minutes après, par Me Demba Ciré Bathily face à la presse : «On est convoqué encore pour le 26 août 2014. Parce que la Commission d’instruction de la Crei estime qu’elle doit prendre davantage connaissance du dossier. C’est tout. Il n’y a pas d’autre commentaire, c’est terminé.» Voilà une première manche qui finit bien pour Abdoulaye Baldé, ses avocats et ses nombreux militants de l’Ucs. 

L’Observateur