Lettre ouverte à mes compatriotes policiers et gendarmes

 

Lettre ouverte à mes compatriotes policiers et gendarmes
Policiers, gendarmes, c’est à vous que je parle.
Vous êtes engagés dans la police, dans la gendarmerie, vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous avez fait ce choix ? Quelle est la vraie raison, la vraie motivation derrière votre décision ?
Est-ce que vous avez choisi d’être policier ou gendarme par amour de la Patrie, pour défendre les citoyens contre l’injustice et la violence, pour faire respecter les valeurs de notre pays, la Liberté, l’Égalité ? Ou bien était-ce parce que c’était un moyen commode de trouver du travail, d’avoir la sécurité d’un emploi garanti, d’obtenir facilement un crédit pour acheter ou construire votre maison ?
Dans un cas comme dans l’autre, vous savez bien que la sécurité d’un emploi garanti, avec tous les avantages que cela implique pour vous et votre famille faisait aussi partie de vos priorités, et c’est en ce sens que vous aussi, vous êtes pris dans une spirale infernale de violence et d’injustice.
Vous avez choisi d’être policier ou gendarme pour profiter des avantages de la fonction publique et du système financier en place, c’est très bien, c’est humain, mais en faisant cela, vous êtes aussi devenus les victimes du système inégalitaire et frauduleux que nous dénonçons.
Pourquoi ? Parce que sans le savoir, en exécutant maintenant les ordres qui vous sont donnés et en vous réfugiant derrière les décisions de vos supérieurs, vous faites le jeu d’une immense injustice ! Vos supérieurs eux-mêmes ne sont que les pions du pouvoir en place, de la finance, de la richesse et de la violence guerrière, eux aussi exécutent les ordres, eux aussi obéissent. Et ces ordres qu’ils reçoivent « d’en haut » sont destinés, non pas à protéger le peuple sénégalais, mais à étouffer ses légitimes revendications, à réduire à néant sa parole, à confisquer les faibles moyens dont il dispose pour exprimer les injustices dont il est victime. Et le peuple sénégalais, c’est vous !
Vous devez comprendre qu’en exécutant les ordres, vous ne défendez pas les valeurs du Sénégal, mais au contraire, vous participez vous-mêmes à l’immoralité d’un système en place, vous l’autorisez, vous le défendez ! Vous défendez l’exploitation de tous au profit de quelques-uns !
Il faut bien ouvrir les yeux car les personnes que vous réprimez sont vos frères et sœurs qui seront demain les leaders de ce pays et ceux qui sont appelés à encadrer vos enfants, frères et sœurs .Il ne faut pas seulement penser à l’argent qu’on vous donne pour vous corrompre .Parfois vos supérieurs vous demandent d’intervenir pour arrêter une manifestation légitime et à votre âme et conscience vous devriez savoir que c’est anormal. Il faut prendre exemple des policiers de Missouri(USA) qui ont marché avec les populations pour dénoncer l’injustice
Nous sommes tous victimes d’un système qui repose sur une règle du jeu malhonnête, et vous le défendez ! Ce n’est pas votre rôle !
République est un mot qui vient du latin, res publica, et qui signifie « La Chose Publique ». Quand vous avez juré de défendre la République, vous vous êtes engagé à défendre le peuple sénégalais, pas à le frapper, pas à lui confisquer les faibles moyens d’action et de parole dont il dispose, pas à utiliser la force et la violence pour faire respecter les intérêts d’un pouvoir en place. Le pouvoir, c’est nous, le pouvoir c’est vous !
Vous aussi, vous êtes le peuple sénégalais. En attaquant le peuple, vous vous attaquez vous-même !
Quand vous exécutez des ordres, qui tient la matraque ? Ce n’est pas votre chef, ce n’est pas votre ministre, ce n’est pas l’état, c’est VOUS, et seulement vous. Vous êtes des êtres humains, donc vous êtes nés libres et égaux en droit comme tous les autres hommes. Quand vous dégainez votre matraque, personne ne vous tient la main, vous êtes le seul à décider, vous exercez votre libre-arbitre, votre liberté d’être humain, et donc vous êtes responsable personnellement de votre acte, et de tous les coups que vous portez, de toutes les blessures que vous infligez. C’est votre conscience qui est dans votre tête, pas celle d’un autre ! Votre hiérarchie, vos chefs, votre ministre pourront oublier vos actes, mais votre conscience, elle, ne les oubliera jamais !
Quand vos enfants, dans 1 an, dans 5 ans, dans 20 ans, verront sur Internet les vidéos que nous avons filmées hier, que nous allons filmer aujourd’hui, que nous filmerons demain et tous les autres jours, et qu’ils vous poseront des questions, que répondrez-vous ? Vos enfants vous reconnaîtront, ils verront les coups, ils verront les confiscations, ils verront les blessures, ils verront le sang, ils verront l’injustice.
Que leur direz-vous ? Que répondrez-vous quand ils vous diront : « Papa, pourquoi tu tapes sur les gens ? » Que répondrez-vous ?
Vous ne pourrez pas dire, « Je ne faisais qu’obéir aux ordres ». Vous n’en aurez pas le droit ! Car vous savez maintenant que vous obéissiez à un système immoral qui ne faisait qu’enrichir indéfiniment quelques-uns au mépris de tous, qui ne faisait que créer injustice, inégalité, violence et division, exactement le contraire des valeurs que vous étiez supposé défendre ! Vous savez maintenant que les ordres que vous receviez ne défendaient pas les valeurs de la République, les valeurs de notre cher pays, mais celles du pouvoir en place, de la classe dominante des financiers et des politiciens complices, et que, ces ordres, votre devoir était de refuser de les exécuter, fût-ce au péril de votre vie !
Vous représentez la force publique, pas la force étatique, vous êtes la puissance de la Nation et du Sénégal, pas les valets des riches et des puissants qui vous exploitent pour défendre leurs privilèges et leurs règles truquées. Ils ont pris possession de votre monnaie, de votre travail, des droits du peuple à la parole, à la liberté d’expression, à l’égalité, ils ont pris possession du gouvernement, ils ont pris possession de nos vies et de nos âmes.
N’oubliez pas l’article 35 de la déclaration des droits de l’homme, qui dit que quand le gouvernement viole les droits du peuple, la désobéissance est, pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.
Défendez-vous, défendez-nous, comprenez, réagissez, réfléchissez, et si vous en avez le courage, désobéissez… Et si vous ne désobéissez pas, sachez au moins que c’est là que se trouvait votre devoir.
Bon courage à tous ! Et que
Vive le Sénégal

M. SECK
tigeline01@yahoo.fr