Moi ministre…. par Vieux Savane

 

«Savez-vous à qui vous vous adressez ? Je suis le ministre des Transports du Sénégal. C’est moi qui donne les autorisations. Si vous continuez à me parler ainsi, je vais vous empêcher de survoler l’espace du Sénégal. Vous ne savez pas à qui vous avez affaire ». On a l’impression d’halluciner tellement ces propos prêtés à Mansour Elimane Kane, passager dans un vol de la South African Airlines (Voir les Piques du journal l’AS daté du mardi 19 août 2014), dont ni le nom ni le visage ne disent grand-chose à grand monde, sont dignes d’une République bananière. S’ils venaient à être confirmés, ils seront simplement inouïs pour ne pas dire « abracadabrantesques », vu que c’est l’image du Sénégal qui se trouvera ainsi fortement chahutée.

Et puis quelle gloriole y a-t-il à être le ministre d’un pays qui peine parfois à payer les bourses de ses étudiants ? Quelle gloriole y a-t-il à être le ministre d’un pays où les femmes continuent de mourir en donnant la vie faute de structures sanitaires adéquates si elles ne sont pas jetées dans des charrettes de fortune empruntant des routes improbables ( n’est-ce pas monsieur le ministre des Transports !) pour se diriger vers les lieux de délivrance! Quelle gloriole y a-t-il à être le ministre d’un pays où les paysans ne travaillent que trois mois dans l’année, si la pluie est au rendez-vous et à qui il arrive d’observer impuissants leurs productions pourrir sur place, faute de pouvoir être évacuées. Quelle gloriole y a t-il enfin à être le ministre d’un pays où des enfants s’agglutinent aux carrefours des feux de signalisation pour faire l’aumône et où l’eau potable est inexistante dans nombre de contrées ?

Aucun, sinon que de prendre la mesure de l’immensité de la tâche à accomplir. Et il y a tellement de choses à faire. Tenez, samedi dernier dix jeunes du village de Pantakour (nord de Bignona) qui partaient à Djalinkine à bord d’une charrette à bœuf pour y organiser un match de football ont sauté sur une mine. Quatre personnes sont décédées sur le coup et trois autres décéderont au cours de leur évacuation vers l’hôpital régional de Ziguinchor.

Ces évènements qui n’ont pas suscité la compassion d’autorités plutôt enclines à s’enfermer dans un silence assourdissant rappelle pourtant l’actualité d’une tragédie casamançaise vieille de plus de trente ans et qui plombe sérieusement le développement du Sénégal. Un pays qui, 54 ans après son accession à la souveraineté nationale et internationale, a toujours du mal à apporter des réponses aux attentes de ses enfants. Comment dans ces conditions une autorité ministérielle peut-elle avoir l’outrecuidance de proférer des menaces du genre de celles indiquées par le journal l’As ? En tout cas cette information en dit long sur le rapport au pouvoir de certains de nos dirigeants politiques, prompts à penser que le simple fait d’être ministre donne le droit de griller les feux rouges, de ne pas faire la queue, etc. Le pouvoir est à leurs yeux synonyme de passe-droits.

Voilà ce fameux sentiment d’impunité qui revient une fois de plus en surface faisant croire qu’il est possible de faire ce qu’on veut comme on veut alors que le seul pouvoir à montrer si pouvoir il y a, c’est celui de trouver des solutions aux maux qui gangrènent la société. Pour sûr, les propos prêtés au ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, sont inadmissibles. Ils déshonorent le Sénégal et méritent pour cela d’être sanctionnés avec la plus grande sévérité. Il revient au chef de l’Etat de montrer à son gouvernement qu’ils sont là pour travailler et non pour se la jouer. Il lui revient de montrer que les choses ont changé, que la rupture tant prônée est en marche et qu’on est bien loin des pitreries des époques ubuesques. C’est dire qu’en sus des séminaires sur le protocole auquel le gouvernement avait été convié, il urge de convoquer un séminaire sur les droits et devoirs d’un ministre. Se taper la poitrine à s’époumoner du genre : “c’est moi, c’est moi le ministre”, renseigne d’un aveuglement certain pour ne pas dire une complète méconnaissance de sa mission. Etre président, être ministre, directeur général de société d’un pays pauvre, est un sacerdoce qui requiert plutôt une grande humilité.

Un gouvernement de combat et un président de combat, voilà ce qui est donc attendu. En somme, “pour sortir du trou encore faudrait-il cesser de le creuser”, souligne un adage américain empreint de pragmatisme. Ne pas le comprendre, encourager des comportements semblables à ceux du ministre Mansour Elimane Kane, c’est assurément prendre le risque de s’embourber dans la gadoue et de dire adieu aux rêves d’émergence économique dont le président Macky Sall s’est fait le chantre

Vieux Savane
sudonline.sn