Batailles de procédures dans l’affaire Karim ou quand le « prisonnier politique » place tout le monde devant ses responsabilités pour la postérité !

 

On a rarement vu une personne montré autant de détermination dans la défense de ses droits face à un système répressif qui ne lui fait aucun cadeau. Et tout homme épris de justice, quel que soit son bord politique, ne peut que se réjouir de cette démarche du Ministre d’Etat Karim.

Un journaliste sénégalais a eu le génie de résumer la situation actuelle de cette belle manière : « avec le procès de Karim Wade, on dirait une fac de droit à ciel ouvert ! Exceptions préjudicielles, rabat d’arrêt, sursis à statuer, compétence juridictionnelle, privilège de juridiction, infraction ou délit instantané et tutti quanti. On risque d’en sortir comme de vrais juristes, nous autres profanes en droit ! »

Même condamné par la cour d’exception sénégalaise, il n y a aucun doute que ce sera encore le début d’autres longues procédures internationales. Karim Wade attaquera devant les juridictions des droits de l’homme régionales, africaines et internationales toutes décisions de la CREI, pour la bonne et simple raison que les lois sur la CREI ne peuvent, en aucune manière, être appliquées à un être humain, car elles violent de manière ostentatoire toutes les règles de droit.

Des procès comme celui de Karim Wade font avancer le droit, et il heureux que Karim ait choisi de se battre sur le terrain du droit en utilisant les instruments nationaux et internationaux qui sont à sa disposition.

En définitive, il faudrait bien désespérer de l’humanité, si au 21e siècle un pays parviendrait à faire condamner un humain sur la base de lois scélérates sans frais.

Le procureur Alioune Ndao tristement célèbre dans les annales de droit international traitant de l’exécution des décisions des juridictions internationales des droits de l’homme ?

Karim Wade a poursuivi et obtenu la condamnation de l’Etat du Sénégal par la cour de justice de la CEDEAO. La juridiction régionale avait clairement indiqué que l’Etat du Sénégal avait violé le droit à la présomption d’innocence de Monsieur Karim Wade, et qu’aussi, le procureur spécial avait tort d’interdire Monsieur Karim Wade de sortir du territoire national sans aucune base légale.

S’il y a une question qui est d’actualité dans le monde entier c’est bien celle de l’exécution des décisions des juridictions internationales des droits de l’homme. Et au moment où tous les défenseurs des droits de l’homme, non pas seulement les ONG mais tous les amoureux de la plus belle créature d’Allah swt, l’humain, se battent pour amener les Etats à respecter leurs engagements internationaux, le procureur spécial qui, si on en croit l’éminent professeur de droit Kader Boye, aurait engagé sa responsabilité personnelle, a prouvé la mauvaise foi du Sénégal, violé le principe du libre consentement du Sénégal et la règle pacta sunt servanda (Les conventions doivent être respectées).

Il reste clair qu’on ne pourra plus traiter, dans aucun livre ou article de droit, de la mauvaise foi des Etats dans l’exécution des décisions des juridictions internationales sans citer l’exemple du Sénégal. Et de quelle manière ?

Sans entrer dans des considérations d’ordre personnel, nous ne pouvons nous empêcher de dire que les amoureux des droits humains sont très fiers d’éminents juges comme Françoise Tulkens (cour européenne), qui a eu dire avec justesse : «Un arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme n’est pas une fin en soi : il est la promesse d’un changement pour l’avenir, le début d’un processus qui doit permettre aux droits et libertés d’entrer dans la voie de l’effectivité». Quelle belle leçon de justice !

Au Sénégal, disons le très net, au lieu de considérer l’arrêt de la cour de justice de la CEDEAO comme la « promesse d’un changement pour l’avenir », Alioune Ndao a préféré confirmer « l’exception africaine », en mettant en cause l’arrêt de la juridiction régionale.

A coup sûr, l’éminent Guy Canivet, premier président honoraire de la cour de cassation française, ne manquerait pas de considérer les décisions de Monsieur Alioune comme celles « élaborées en autarcie, par des instances confinées dans leur propre système de droit et qui se prononcent selon les procédures, les raisonnements qu’elles isolent et se réservent pour l’application d’un droit autosuffisant, selon des processus fermés, par des juges narcissiques ou introvertis, imperméables à tout effet exogène ».

Le Sénégal non partant pour un « ordre juridique globalisé » ?

Et Karim Wade n’aura pas seulement réussi à faire condamner Monsieur Alioune Ndao par l’histoire. En effet, sa saisine de la chambre criminelle de la cour suprême lui aura permis d’amener les magistrats sénégalais, non pas à le juger, mais à se prononcer sur d’importante question de droit et cela pour la postérité.

Il semble établi, maintenant, qu’au niveau de la cour suprême de la république du Sénégal nous avons deux groupes : ceux qui sont pour le respect des principes généraux de droit, le respect des conventions et traités internationaux… et ceux qui sont pour l’application stricte de loi interne, qu’elle soit bonne ou mauvaise.

En vérité donc, Karim Wade, ne se faisant aucune illusion, cherche moins à avoir raison qu’à faire écrire, en lettre d’or dans les annales de l’histoire judiciaire sénégalaise et africaine, les actes des uns et des autres, y compris les avocats.

En fait, les avocats de l’Etat, qui semblent présenter la convention des nations unis contre la corruption comme une licence pour violer les droits humains (la fin devant justifier les moyens), font semblant d’ignorer cette importe disposition qui figure en préambule de la dite convention : « reconnaissant les principes fondamentaux du respect des garanties prévues par la loi dans les procédures pénales et dans les procédures civiles ou administratives concernant la reconnaissance de droits de propriété ».

Le Sénégal est l’un des rares Etats parties à cette convention à avoir mis en place une juridiction d’exception pour lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite.

Et c’est là où le procès de Karim Wade est encore bien trop intéressant et cela à plus d’un titre. L’éminent avocat, le bâtonnier Yérim Thiam, ne savait pas si bien dire en concluant sa plaidoirie du 26 août 2014 par cette diatribe à l’endroit de Karim Wade : « vous avez déjà mangé, pas doucement mais voracement ».

Qui l’aurait cru ?

Après une carrière riche de plus d’une trentaine d’années, l’éminent bâtonnier Yérim Thiam, défenseur des droits humains et amoureux du droit, plaide pour un Etat devant une institution judiciaire pénale qui renverse la charge de la preuve, ignore le double degré de juridiction, consacre l’inégalité des armes…

Quand un défenseur des droits humains plaide contre un humain devant une cour décriée par toutes les organisations de droits de l’homme, il n’y a aucun doute qu’il ne peut pas se sentir bien dans sa peau. Et finalement, Me Thiam a bien raison, Karim Wade a voracement bouffé plus de 30 années de carrière d’un éminent avocat.

Sadikh DIOP Citoyen Sénégalais