Découvrez l’histoire du gigantesque Monument de la Renaissance , construit par la propagande nord-coréenne

 

Sur l’une des collines jumelles du district de Mamelles de Dakar, au Sénégal, se dresse un puissant –et puissamment troublant– monument.
Haut de près de 50 mètres, ce monument en bronze de la Renaissance africaine est plus d’une fois et demie plus élevé que la Statue de la Liberté. Il représente un homme au torse nu et déchiré, tenant un enfant dans un bras et guidant une femme de l’autre. L’enfant pointe vers un horizon indiquant un avenir radieux, quand la femme tend son bras vers l’arrière, reconnaissant le passé troublé. Ses cheveux sont rejetés en arrière par le vent, tout comme ses habits légers.

Ce colossal monument d’influence soviétique, au style rappelant le réalisme socialiste, prend tout son sens lorsqu’on considère qu’il a été bâti par Mansudae Overseas Projects, une division dédiée à la propagande artistique du gouvernement nord-coréen.

Fondé en 1959, Mansudae Art Studio emploie près de 4.000 Nords-Coréens dans son quartier général de Pyongyang, 1.000 d’entre eux étant des artistes choisis par des institutions nationales telles que l’université de Pyongyang. Ces artistes passent leur journée à réaliser des œuvres de propagande joliment détaillées, telles que des portraits de fermières virginales aux joues roses, des peintures de la glorieuse campagne nord-coréenne et One Can Always Lose, une série de dix peintures illustrant la victoire 1 à 0 de la Corée du Nord contre l’Italie lors de la Coupe du monde de 1966.

Toutes les images publiques de Kim Jong-un, Kim Jong-il et Kim Il-sung, énormes statues de Pyongyang incluses, sont le fruit du travail des artistes de Mansudae.

Comment des membres de la fabrique de la propagande nord-coréenne se sont alors ainsi retrouvés à sculpter un monument au Sénégal? Pour une raison simple: l’argent. Mansudae Overseas Projects peut construire des statues gigantesques pour pas trop cher, et l’a d’ailleurs fait pour 18 nations africaines à court d’argent. 

Le projet du monument sénégalais a débuté en 2006, quand Abdoulaye Wade, alors président, a commencé à réfléchir à un monument massif qui représenterait, en haut de la colline, le Sénégal et l’Afrique émergeant de siècles d’esclavage et de colonialisme. Après des années de planification et de construction, le Monument de la Renaissance africaine a été inauguré en 2010, pour le cinquantième anniversaire de l’indépendance du Sénégal. Au total, il aura coûté 27 millions de dollars. Ne pouvant se permettre un paiement en cash, Wade a alors payé la Corée du Nord en lui cédant des territoires sénégalais.

Quand le monument a été révélé, Wade s’approchait du terme de douze années de présidence entachée de soupçons de corruption, de fraudes électorales et de modifications de la Constitution dans le seul but de parvenir à ses fins. Quand il a revendiqué 35% des revenus provenant du tourisme suscité par ce monument, au nom des lois de la propriété intellectuelle, il s’est confronté à la colère compréhensible des Sénégalais exaspérés –47% d’entre eux vivant en dessous du seuil de pauvreté, selon la Banque Mondiale. La présence d’un homme à moitié nu, tenant une femme dont l’un des seins est découvert, a également causé la consternation dans la population composée à 92% de musulmans. 
Malgré la controverse, le monument est toujours là, entouré de maisons à moitié bâties et de piles d’ordures. Moyennant finance, il est possible de le visiter, et de prendre l’ascenseur pour se rendre dans la gigantesque tête de l’homme afin d’avoir une vue incroyable sur Dakar. 
Après avoir fui le pays suite à sa défaute en 2012, Wade est retourné au Sénégal pour soutenir son fils Karim, ancien ministre de son gouvernement, en attente d’un procès pour le détournement de 238 millions de dollars. 


Atlas Obscura