ISLAMABAD: Des opposants pakistanais attaquent la télévision d’Etat

 

La crise politique s’aggrave au Pakistan.

«Des manifestants sont entrés dans les bureaux de PTV (Pakistan TV), ils ont débranché les fils, nous sommes en état de siège, ils sont en train de pirater notre diffusion», a pu déclarer un présentateur sur PTV ce lundi 1er septembre, peu avant que la chaîne cesse d’émettre.

Les manifestants, munis de gourdins, ont aussi détruit des installations de la chaîne et décroché des affiches du premier ministre Nawaz Sharif.

Une demi-heure plus tard, l’armée et des paramilitaires évacuaient sans heurts les locaux de la télévision d’Etat, qui a pu reprendre sa programmation. Les manifestants ont plus de respect pour l’armée que pour la police, qu’ils affrontent depuis samedi.

Démission exigée

La capitale Islamabad vit depuis mi-août au rythme des manifestations des opposants se déclarant d’Imran Khan, ancienne vedette de cricket reconverti en homme politique nationaliste, et de Tahir ul-Qadri, chef religieux établi au Canada. Les deux exigent la démission de Nawaz Sharif.

Ils accusent le premier ministre d’avoir bénéficié de fraudes massives lors des élections législatives de mai 2013. Le scrutin avait porté au pouvoir sa Ligue Musulmane (PML-N) à la tête d’un gouvernement majoritaire. Il avait été jugé crédible malgré des irrégularités constatées par les observateurs internationaux.

Heurts à Islamabad

Les manifestations étaient restées pacifiques jusqu’à samedi soir. Les deux opposants avaient alors appelé leurs partisans à se rendre devant la résidence du Premier ministre, sur l’avenue de la Constitution, près de l’enclave où sont établies les principales ambassades.

Devant l’afflux de milliers de manifestants, la police pakistanaise avait eu recours au gaz lacrymogène et à des balles en caoutchouc, pour la première fois depuis le début de la crise.

Ces affrontements entre policiers et manifestants se poursuivaient lundi dans le centre-ville d’Islamabad. Les violences ont fait au moins trois morts et près de 500 blessés, dont une centaine de femmes et des enfants, d’après les services de santé.

Griefs contre Sharif

Dans un pays à l’histoire jalonnée de coups d’Etat, plusieurs analystes soupçonnent les opposants Khan et Qadri d’être téléguidés par les militaires afin d’affaiblir Nawaz Sharif. Voire de provoquer un chaos qui entraînerait une intervention musclée de l’armée.

Selon ces analystes, l’armée accuse Nawaz Sharif d’avoir trop attendu avant de déclencher, en juin, une opération militaire contre les fiefs talibans dans le Waziristan du Nord. Elle lui reproche aussi sa tentative de rapprochement avec l’Inde rivale et le procès pour «haute trahison» intenté au général Pervez Musharraf, une première au Pakistan.

Sur le terrain, les manifestants ne tarissent pas d’éloges envers l’armée qui protège les édifices clé du centre-ville d’Islamabad, mais n’est pas impliquée dans les heurts. Ils appellent même les militaires à trancher le débat en leur faveur.

En embuscade

«Nous attendons l’aide de l’armée. Nous y croyons. Si Dieu le veut l’armée nous sauvera, elle intercédera en notre faveur», a déclaré une fidèle du religieux Tahir ul-Qadri qui campe depuis deux semaines dans la capitale.

«Je vous félicite d’avoir respecté les directives de l’armée», pour l’évacuation de la chaîne PTV, a d’ailleurs lancé lundi ce dernier à ses partisans.

A l’issue d’une réunion de son état-major dimanche soir, la puissante armée pakistanaise a appelé les manifestants et le gouvernement à résoudre pacifiquement cette crise politique. Elle la suit avec, dit-elle, «grande inquiétude».

(ats/afp/Newsnet)