Circulation et vente d’armes légères : Le Sénégal dans le concert des «gangsters»

 

L’organisation des Nations unies contre le crime et la drogue (Onudc) et la Commission nationale de lutte contre les armes légères et de petit calibre (Cnlcpal) organisent un séminaire-atelier de validation de l’avant projet de loi sur le régime des armes et munitions et de son décret d’application du 18 au 20 septembre à Saly-Portudal. La cérémonie d’ouverture de ce séminaire-atelier sera présidée par Dr Augustin Tine, ministre sénégalais des Forces armées, en présence de Takashi Kitahara, Ambassadeur du Japon au Sénégal et de Pierre Lapaque, Représentant régional de l’Onudc. Une cérémonie qui sera marquée par le lancement officiel de la campagne nationale de collecte, de destruction et de marquage des armes à feu.

 

C’est que le commerce des armes à feu a une ampleur mondiale. Il rapporterait 1 200 milliards de dollars par an, selon les estimations des Ong Amnesty international et Oxfam qui luttent pour le contrôle de la circulation des armes légères qui font beaucoup de victimes à travers le monde. Les principaux fournisseurs sont les Etats-Unis, suivis de près par la Grande-Bretagne, la France, Israël et l’Allemagne. Mais depuis quelques années, notent ces Ong, des puissances émergentes ont investi les marchés frauduleux de la vente d’armes légères. Il s’agit de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de l’Iran. Les fabricants font fi des embargos et inondent les pays par le biais de réseaux structurés. C’est sans doute ce qui a poussé les Nations-Unies à initier une convention contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions.  Malgré tout, le commerce continue, surtout des armes légères. Le Sénégal n’échappe pas au phénomène. Même si notre pays tente de prévenir la saignée, nombre de personnes s’approvisionnent dans le marché noir.

 

Les trois armureries du Sénégal minorisées

 

La circulation d’armes légères au Sénégal est tellement préoccupante que sur propositions d’Ong, le président de la République a ratifié la convention des Nations-Unies. Cette convention contraint chaque Etat partie à assurer la conservation, pendant au moins dix ans, des informations sur les armes à feu et, lorsqu’il y a lieu et si possible, sur leurs pièces, éléments et munitions, qui sont nécessaires pour assurer le traçage et l’identification de celles de ces armes à feu. Au Sénégal, ce travail est effectué par la Direction des armes et munitions du ministère de l’Intérieur. Mais aussi, les armureries agréées. En effet, il existe au Sénégal trois armureries détentrices d’autorisation de vente d’armes légères. Il s’agit de Chéreault et Cie, de l’Armurerie dakaroise et l’établissement Fakih. Ils tiennent des registres et répertorient les noms des personnes qui ont acheté des armes, les types d’armes, les calibres et le nombre de munitions vendus. Une législation est ainsi mise en place. Toute personne souhaitant acquérir une arme est obligée de s’y confirmer.

Seulement bon nombre de personnes préfèrent s’approvisionner dans le marché noir du fait qu’il est moins cher et plus discret.

 

Dakar, Diourbel,  Kolda et Ziguinchor, les maîtres du «noir»

Au Sénégal, l’Etat ne connaît pas le nombre de personnes détentrices d’armes. Car les autorités ne peuvent pas procéder à un recensement fidèle. En effet, si certains formalisent en se rapprochant des armurerie pour acheter une arme et en se conformant à la législation pour demander des permis de port d’armes, d’autres personnes, plus nombreuses, sont armées clandestinement. En effet, en plus des armes industrielles introduites frauduleusement au Sénégal via ses frontières poreuses, des forgerons, rompus à la tâche confectionnent des armes artisanales qu’affectionnent les braqueurs et autres cambrioleurs. Des armes et minutions qu’on peut trouver dans certains coins réputés du pays. Le marché «Okasse» de Touba, le louma de Diaobé à Kolda, Keur Serigne bi, au cœur de Dakar, le marché de Sandaga (Dakar), le garage de Ziguinchor sont réputés être des lieux où il est facile de trouver des armes et leurs munitions à des sommes modiques. Ce qui préoccupe la Commission nationale de lutte contre la prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre (Alpc) et le Programme de contrôle des armes légères de la Cedeao qui ont lancé une vaste campagne d’affichage pour sensibiliser les populations sur les conséquences néfastes de ces armes qui tuent, dit-on, 3.000.000 personnes tous les jours à travers le monde.

 

Qui doit détenir une arme

 

Le  port ou la détention d’arme est consacré, au Sénégal, par la loi n° 66-03 du 18 janvier 1966 portant autorisation de port ou de détention d’armes. Ce texte dispose, en effet, que l’’acquisition et la détention d’armes à usage personnel sont autorisées notamment pour la défense physique du demandeur de l’autorisation. C’est ainsi que toute personne physique âgée de plus de 21 ans, exposée à des risques sérieux pour sa sécurité du fait de la nature et du lieu d’exercice de son activité professionnelle peut être autorisée à acquérir et détenir une arme soumise à autorisation. Pour cela, il lui faut constituer un dossier comprenant une demande manuscrite adressée au ministre de l’Intérieur, une photocopie certifiée conforme de la carte nationale d’identité, un extrait du casier judiciaire, 4 photos d’identité, un timbre fiscal de 2 000 FCFA et une enveloppe timbrée portant l’adresse exacte du demandeur. La demande doit ensuite être déposée au niveau des sous-préfectures, préfectures et gouvernances ou à la Division des armes et munitions du ministère de l’Intérieur. Si l’autorisation est délivrée à un demandeur, elle n’est valable que pour une seule arme. Et elle devra être renouvelée périodiquement. La délivrance ou le renouvellement de l’autorisation peut être, toutefois, refusée. L’autorisation peut être retirée pour toute raison d’ordre public ou de sécurité des personnes, quand, par exemple, le demandeur a été condamné à une peine d’emprisonnement de 3 mois figurant dans son casier judiciaire ou a été hospitalisé sans son consentement en raison de troubles mentaux. Si le demandeur est dans un état physique ou psychique manifestement incompatible avec la détention d’armes, l’autorisation peut également lui être refusée ou retirée.

La demande de renouvellement d’une autorisation de port d’arme doit être déposée au plus tard 3 mois avant la date d’expiration de l’autorisation. Un récépissé est délivré à cette occasion. Il vaut autorisation provisoire durant 3 mois à compter de la date d’expiration de l’autorisation. En cas de refus de renouvellement ou de retrait de l’autorisation, la personne concernée doit se  séparer de son arme et des munitions correspondantes.

Il faut préciser que toute personne ayant trouvé ou acquis par voie successorale une arme de la 1ère ou de la 4ème catégorie soumise à autorisation ne peut la conserver que si elle en obtient l’autorisation.

 

Les 8 catégories d’armes 

Les armes sont, en effet, répertoriées en huit (8) catégories. La première concerne celles dites «de guerre». Il s’agit des armes de poing semi-automatiques dont le calibre est supérieur à 7.65 mm, tous les types de fusils semi-automatiques ou à répétition conçus pour un usage militaire. Les armes automatiques sont également rangées dans cette catégorie. La deuxième catégorie regroupe les tanks, avions et autres équipements militaires lourds. La troisième catégorie concerne l’équipement de protection contre les armes chimiques et autres équipements similaires. La quatrième catégorie regroupe les armes légères courantes, en l’occurrence les armes dites «de défense». Ce sont les armes à un coup, les armes de poing qui ne sont pas déjà dans la 1ère catégorie (tous les revolvers et certains pistolets) ainsi que toute une gamme d’armes longues en fonction de certains critères fixés par la loi  suivant la longueur,  le nombre de balles dans le chargeur, etc…  La 5e catégorie  regroupe les armes longues de chasse, c’est à dire la variété d’armes longues qui ne sont pas déjà dans la quatrième catégorie, la plupart étant des fusils de chasse traditionnels à deux coups. La Sixième catégorie, regroupe les armes dites «blanches», les gaz lacrymogènes, les matraques et autres armes de mêlés. La septième catégorie concerne les armes de tirs (arme à air comprimé, arme de tir de foire, toute arme tirant des munitions non métalliques). Enfin la huitième catégorie regroupe les armes historiques ou de collection.