Indépendance ou autonomie, les Écossais votent

 

De Glasgow à Edimbourg en passant par une myriade d’ilots, les Ecossais votaient ce jeudi 18 septembre massivement pour ou contre leur indépendance, un rendez-vous avec l’Histoire qui fascine et souvent inquiète les 92% restants des Britanniques, simples spectateurs d’un possible éclatement du Royaume-Uni. Sur les bulletins, deux cases à cocher — une pour le oui, une pour le non — accompagnaient la question: «L’Ecosse doit-elle être un pays indépendant?».

Les bureaux de vote ouverts à 7 heures (8 heures suisses) ferment à 22 heures (23 heures suisses). En l’absence d’estimations de sortie des urnes, les résultats sont attendus vendredi à l’aube.

Les sondages ont prédit une courte victoire du non, rattrapé en fin de campagne par le oui, mais avec une avance se situant dans la marge d’erreur de 3%. Ajoutant au suspense, le dernier carré des indécis s’inscrivait dans une fourchette large de 4 à 14%.

Une participation record de l’ordre de 80% est attendue chez les 4,2 millions d’Écossais de 16 ans et plus appelés à se prononcer. C’est que le débat identitaire a embrasé le territoire ancré depuis 307 ans à ses voisins du sud, en vertu d’un Acte d’Union.

Sous les mots clefs #voteyes, #voteno, il faisait encore rage jeudi sur les réseaux sociaux, alimentés par le tennisman écossais Andy Murray poussant au oui, et par l’auteure d’Harry Potter J.K Rowlings, qui persistait — «Ma tête dit non et mon cœur le crie» — au risque d’être la cible d’une nouvelle bordée d’injures.

«Un grand festival démocratique»

L’Église presbytérienne d’Écosse a appelé à voter avec «la tête froide» dans «un esprit d’unité». Elle a prévu dimanche «un service de réconciliation» en la cathédrale St Gilles d’Édimbourg.

Les rares sondages conduits auprès des Anglais, Gallois et nord-Irlandais réduits à l’état de spectateurs dégageaient une forte majorité en faveur du non.

«C’est la chance de toute une vie (…) a saisir des deux mains», a dit jeudi Alex Salmond,le Premier ministre de l’Écosse semi-autonome qui votait dans sa circonscription agricole de Strichen.

L’ex-locataire travailliste du 10, Downing Street Gordon Brown — de loin le moins mal-aimé des politiciens britanniques dans sa terre natale d’Écosse — a montré une ferveur égale à Glasgow, mais en faveur du non. Il a dénoncé un nationalisme «étriqué», égoïste et qui divise.

Il s’agit du «plus grand festival démocratique» jamais organisé en Écosse, qui a changé une dizaine de fois de statut en 1.400 ans d’histoire mouvementée, a fait valoir Alex Salmond.

Une lourde opération logistique

Le scrutin constitue aussi une lourde opération logistique.

Les 2600 bureaux de votes sont éparpillés sur un territoire représentant le tiers de la superficie du Royaume-Uni. Certaines urnes ont été acheminées par ferry ou par hélicoptère.

A Édimbourg, la capitale, les affiches en faveur du oui surpassaient de très loin en nombre les posters pour le non. Un peu partout flottait le Saltire, drapeau écossais à croix blanche en diagonale sur fond bleu. Un zélateur en a drapé la statue du romancier du XVIIIe siècle Walter Scott. A Glasgow, c’est la statue équestre de la reine-impératrice Victoria qui s’est retrouvée ainsi ornée.

Charlotte Farish, 34 ans, est arrivée dix minutes avant l’ouverture de son bureau de vote, situé dans un hôtel édimbourgeois, en compagnie de ses deux enfants en route pour l’école.

«C’est un jour important. La décision que nous allons prendre nous engagera pour la vie», a-t-elle déclaré.

A la Une du quotidien des Affaires Financial Times, hostile comme la majorité de la City à l’indépendance génératrice d’incertitudes économiques, trônait la photo d’un Saltire sur fond de ciel noir orageux.

«Mort du statu quo»

Le scrutin signale «la mort du statu quo» a reconnu par avance le Premier ministre David Cameron, chef de file du non.

Avec ses alliés gouvernementaux libéraux-démocrates et le chef de l’opposition travailliste Ed Miliband, il a solennellement promis une autonomie accrue aux Écossais s’ils renoncent à l’indépendance, sous forme de nouvelles prérogatives fiscales.

Le cadeau fait déjà des envieux en Angleterre, au Pays de Galles, en Irlande du nord et dans certaines grandes métropoles comme Manchester, qui sollicitent des prérogatives élargies dans un pays qui figure parmi les plus centralisés en Europe.

En cas de victoire du oui, trois choix s’offriront à David Cameron, selon les analystes: anticiper les élections générales prévues en mai 2015, remettre sa démission, ou poser la question de confiance au Parlement.

Le triomphe des indépendantistes ouvrirait 18 mois d’acrimonieuses négociations entre Londres et Édimbourg, en vue de préparer les contours du nouvel État, d’ici la proclamation de l’indépendance, le 24 mars 2016.

Garder la livre pour monnaie et la reine pour souveraine

Les séparatistes souhaitent garder la livre pour monnaie et la reine pour souveraine, intégrer l’Union européenne et l’OTAN. Mais tous ces sujets, ainsi que le partage des recettes de l’or noir de la Mer du Nord et de la dette, sont ouverts à la discussion.

Quel que soit le verdict, Alex Salmond, 59 ans, se présentera en vainqueur récompensé au mieux par l’indépendance et au pire par une plus grande autonomie.

David Cameron pour sa part a prévu de tirer les leçons du scrutin dans une adresse télévisée, vendredi matin.

L’intérêt est vif à travers le monde. Le président américain Barack Obama a formulé mercredi soir sur Twitter des voeux pour le maintien d’un Royaume-Uni «fort, robuste, et uni».

A Bruxelles, les dirigeants européens cachent mal leur inquiétude à la perspective d’une contagion nationaliste, de la Catalogne à l’Ukraine.

(afp/Newsnet)