ANALYSE – Benno, les cadences discordantes

 

Rien de nouveau sous le soleil de la deuxième alternance : après deux ans et demi de présidence, Macky Sall ne change pas la méthode. Il faut maintenir l’alliance « Benno », malgré les fortes houles qui font tanguer le navire. Depuis quelques jours, on le voit écoper ferme pour colmater les brèches et voies d’eau qui malmènent la stabilité de l’alliance stratégique. Et selon toute logique, la rencontre au sommet de ce samedi entre les leaders de la majorité présidentielle devrait valider un nouveau départ. Vers où ? 
Naturellement, tous les esprits sont tournés vers l’échéance électorale de 2017 dont l’éloignement (encore 30 mois) n’altère pas les ardeurs au sein d’une classe politique formatée par l’enjeu présidentiel. Pourtant, le référendum, la préparation de son contenu et les modalités de son organisation, sont autrement plus prégnants que les agendas personnels. Cependant, à écouter le président Macky Sall parler devant ses alliés de la première heure, jeudi dernier, l’on sent que ces « quelques modifications de la Constitution » pourraient être le fait de l’Assemblée nationale. Vaste débat qui risque de déborder. En attendant, le chef de la majorité ratisse large et déroule…
Des actes forts sont posés. Il y a cette volonté réaffirmée de tenir la promesse (avec la tonalité du serment) de faire un mandat de cinq ans malgré les réticences exprimées dans son propre camp. C’est là une décision forte, judicieuse, et grosse de dividendes malgré les risques encourus. A l’écouter et jauger les actes qu’il pose, Macky Sall entend consolider l’alliance avant d’attaquer le grand chantier de la réforme des Institutions : mandat présidentiel, séparation des pouvoirs, responsabilité du Gouvernement.
Cela ne fera assurément pas que des heureux, en particulier chez le fameux « peuple des Assises nationales » et des mouvements citoyens « gardiens de l’orthodoxie » constitutionnelle. En attendant les recompositions qui vont distribuer les rôles et configurer les plateaux pour 2017, les animateurs de « Benno », la coalition XXL de la majorité, vont devoir gérer l’unité et soutenir un gouvernement sous pression face aux pressantes demandes de résultats des Sénégalais.
Mais le tableau est trop parfait. Une subite tachycardie prend souvent « Benno », quand viennent les questions qui fâchent. Une idylle de dupes ? Au sein même des partis qui dirigent la coalition, les intérêts sont naturellement divergents entre les chefs et des figures remarquables qui piaffent d’impatience. L’équation n’est pas simple. Les inconnues sont multiples. Une en particulier est le comportement à venir du Parti socialiste.
L’homme qui incarne pour beaucoup son avenir, à tort ou à raison, Khalifa Sall, le maire de la capitale, est au cœur d’une crise née de l’application de l’Acte III de la Décentralisation. Le pouvoir cherche-t-il à lui mettre des bâtons dans les roues après sa razzia opérée dans la région et le département de Dakar lors des dernières élections locales ? Dans cette affaire (les décrets d’application de la nouvelle loi), peu ou personne ne souligne que le probable candidat à la présidentielle sous la bannière socialiste est logé à la même enseigne que le maire de Guédiawaye ; ou encore celui de Pikine, tous deux de l’Apr…
Parti à part, la mutation du Ps a donné naissance à une formation originale. Détachée de l’emprise tutélaire d’un chef, un chef fondateur, financier et faiseur de destins, comme c’est le cas ailleurs. La pluralité des courants qui le traversent et le terreau qu’il est devenu pour l’expression d’ambitions, s’accommodent mal avec « le fait du chef ».
Or, l’alliance au sommet entre Macky Sall et Ousmane Tanor Dieng est souvent perçue dans certains milieux Ps comme « improductive » dans le long terme. Les partisans du maire de Dakar, Khalifa Sall, en sont convaincus et le font savoir. Ce qui est priorité pour la nouvelle vague socialiste ne l’est pas pour leur secrétaire général. Une question de cadence.