«La France est en guerre contre le djihad»

 

Pour l’heure, les assassins d’Hervé Gourdel restent introuvables. L’Algérie poursuit les recherches. En France, l’émotion reste évidemment très forte. Dimanche une grande manifestation à la mémoire de l’otage français décapité a réuni un millier de personnes à Paris. Des Français de toutes origines qui prônent le rassemblement. Le gouvernement français s’est lui montré déterminé à poursuivre ses frappes contre l’Etat islamique (EI) en Irak. Malgré les risques de représailles. Interview avec Jean-Charles Brisard, spécialiste des questions liées au terrorisme et à son financement.

Qu’est-ce qui a changé avec l’assassinat d’Hervé Gourdel?

L’assassinat de notre ressortissant par un groupe algérien affilié à l’Etat islamique est une déclaration de guerre qui marque une prise de conscience par nos concitoyens que la menace de ces groupes est réelle et qu’elle est à nos portes. Les actions terroristes de ce groupe et de ses affiliés ne sont plus une hypothèse, mais bien une certitude désormais.

La menace s’est donc internationalisée?

Tous ceux qui nous expliquaient que l’Etat islamique n’avait pas d’autre ambition qu’un djihad régional, et qui en minimisaient le risque, sont aujourd’hui démentis par les faits. Pour le reste, cet acte odieux renforce la détermination des autorités à poursuivre et intensifier davantage encore la lutte contre ces groupes terroristes.

La France est-elle en guerre?

Oui, on devrait le dire comme ça. La France est menacée depuis longtemps. Et désormais par la plus puissante organisation terroriste du monde. Dont on sait que qu’elle peut frapper des ressortissants français et occidentaux non seulement à l’étranger mais aussi en France.

Par le passé, les spécialistes du terrorisme ont souvent annoncé le pire en termes de menace. Est-ce que nous y sommes!

On est effectivement à un carrefour. La montée en puissance et l’attrait du terrorisme n’ont jamais été aussi grand. Le djihad, qui était il y a peu encore un phénomène local, est devenu global. Nous le constatons, malheureusement, avec l’otage français exécuté en Algérie ou les ressortissants allemands victimes d’un autre groupe philippin qui a prêté allégeance à l’Etat islamique. De par ses individus et groupuscules, l’Etat islamique a les moyens de frapper. Et il le fera. De surcroît contre les pays, qui comme la France se sont engagés dans la coalition.

Ordonner des frappes, était-ce alors une bonne décision?

C’était une réponse nécessaire. Les Etats occidentaux ont pris un risque calculé. Ne rien faire aurait permis le développement de ce groupe terroriste, son renforcement géographique et l’extension de son influence. Nous étions obligés d’agir contre ce groupe pour contrer la menace.

Cette menace de quelle nature est-elle? La population est-elle à la merci de dizaines de Mohamed Merah?

De plusieurs centaines. Il y aurait désormais plus de 3000 Occidentaux djihadistes en Syrie. Beaucoup vont revenir et l’Etat islamique a été très clair dans ses appels au meurtre et à la haine. Aussi nous devons nous attendre à des attaques terroristes peu élaborées, artisanales dans leur conception, mais qui auront un impact très fort. C’est un djihadisme amateur…

… amateur?

Cela n’enlève rien à sa dangerosité car il est insaisissable. Il peut venir de groupuscules ou d’individus isolés agissant de leur propre fait. Cette menace est effectivement très difficile à appréhender.

La France est-elle prête à affronter ce terrorisme? J’entends par là les forces armées, les polices, la justice?

Les choses s’améliorent. Nous sommes en train de modifier la loi française pour faire face au vide juridique. Nous étions jusqu’à maintenant dans l’incapacité d’arrêter un individu isolé qui préparait un acte violent. Ce qui était possible à l’encontre un groupe ne l’était pas à l’encontre d’un individu. Il y a encore les mesures préventives contre les départs pour le djihad. C’est déjà possible pour les mineurs, on pourra interdire la sortie du territoire à des majeurs.(Newsnet)