Ces directives de l’OCDE qui menacent d’assécher les recettes fiscales du Sénégal – Par Alioune Badara Sy

 

Le gouvernement de Macky Sall entend faire du secteur minier l’un des principaux leviers de financement du développement économique et social du pays, d’où la place de choix qu’il occupe dans le Plan Sénégal Emergent. A ce titre il a initié de profondes réformes minières dont les grandes lignes sont dessinées par le cabinet Duncan and Allen à qui les pouvoirs publics avaient confié une mission de propositions dans ce sens.

Cependant si l’Etat n’entreprend pas des actions concertées avec ses paires africaines au niveau des instances internationales (OMC, CNUCED…) ce sont des milliards de manque à gagner qui risque de faire défaut aux finances publiques en raison de nouvelles directives européennes qui prendront effet dès 2015.

J’ai parcouru ce rapport commandité par le gouvernement, ces dizaines de propositions et les éléments de méthode proposés pour la mise en œuvre de notre politique minière. C’est un rapport fouillé, sérieux, et qui met bien le doigt sur la générosité excessive des exonérations consenties dans les conventions minières (mais fondées sur le code minier communautaire) et on peut qu’être d’accord avec l’essentiel de ces propositions : notamment ces recommandations relatives aux prélèvements de la perception des droits et leur taux différencié. A ce jour, les revenus que le Sénégal tire de ses ressources minières ne représentent que près de 1% des recettes. L’évasion fiscale légale des entreprises extractives permise par la législation internationale pourrait être supérieure à 328 milliards de francs CFA sur l’année 2013. 

Je m’étonne par contre que le cabinet Duncan and Allen n’ait pas abordé l’impact négatif de la récente stratégie fiscale des pays du G20 sur notre politique minière. 

En effet, les 34 pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), décidés à enrayer l’érosion fiscale des multinationales ont édictées 15 directives à celles-ci. L’objectif visé n’est rien de moins pour eux que de faire payer à celles-ci un impôt sur leurs bénéfices (2) en rapport avec leurs réels profits. 

De telles mesures vont contraindre ces entreprises à centraliser les revenus collectés dans le pays du siège de celles-ci (donc essentiellement en Europe). Ce qui, de ce fait, aboutirait à une diminution de nos recettes fiscales. Déjà que l’évasion et l’évitement fiscaux des multinationales installées en Afrique et qui leur permet d’échapper presque totalement à l’impôt coûte au continent entre 50 et 60 milliards de dollars. Un comble pour une organisation dont la mission « est de promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde ». 
Et mieux encore si l’on sait que les institutions multilatérales telles que le FMI ou encore la Banque Mondiale n’ont eu de cesse d’encourager et de presser les pays africains à renforcer leurs capacités de collecte d’impôts. 

C’est pourquoi à mon avis il est nécessaire de mener une étude exhaustive, d’ici la prochaine assemblée du FMI pour avoir une idée précise des pertes fiscales potentielles engendrées pour notre pays. Et à l’échelle du continent je recommande aux dirigeants africains un plan d’action concerté pour faire respecter la recommandation du CNUCED 2007 (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement) qui stipule : «C’est aux gouvernements des pays d’accueil qu’il revient de faire en sorte que les retombées de l’exploitation des ressources minérales contribuent à la réalisation des objectifs de développement» 

Alioune Badara Sy Elu municipal APR et Adjoint au Maire de Kaolack 

(2) Les bénéfices nets moyens des 40 premières sociétés minières en 2010 étaient de 110 milliards de dollars, ce qui équivaut aux exportations de marchandises de tous les PMA (Pays les Moins Avancés) africains au cours de l’année en question (Source : Commission Economique pour l’Afrique des Nations Unies).