43 DISPARUS: Des dizaines de milliers de manifestants à Mexico

Vêtues de noir, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté jeudi soir au centre de Mexico pour réclamer justice pour les 43 étudiants disparus fin septembre dans le sud du Mexique et la démission du président Enrique Peña Nieto.

Cette protestation s’annonce comme l’une des plus massives depuis la disparition des élèves enseignants le 26 septembre à Iguala, dans le sud du Mexique. «On les a emmenés vivants, vivants nous les voulons», ont scandé les manifestants.

«Justice!»

Et la foule a compté inlassablement : «Uno, dos, tres…» jusqu’à 43, avant de crier «Justice!» pour les jeunes disparus aux mains de policier corrompus et de tueurs d’un groupe criminel.

Selon trois détenus, les jeunes ont été enlevés, puis tués, leurs cadavres brûlés avant que leurs restes concassés soient jetés dans une rivière. Mais jusqu’à présent les autorités n’ont aucune trace identifiable des étudiants. Alors la foule demande: «Où sont, où sont, où sont nos frères?».

«Dehors Peña!»

Trois cortèges sont partis de trois points du centre de la ville où ont été accueillis des caravanes de parents des disparus qui ont parcouru le Mexique pour réclamer le retour de leurs enfants, avant de converger vers la place centrale de Mexico, le Zocalo.

Au passage des parents des jeunes disparus et de leurs compagnons de l’école normale d’Ayotzinapa, dans l’Etat de Guerrero, la foule scande: «Vous n’êtes pas seuls». Mais la manifestation n’est pas triste, plutôt combative: «Dehors Peña!» est l’un des mots d’ordre les plus repris. «Il n’y a plus de peur, le Mexique s’est réveillé», crie encore la foule.

Laisser les rues à la protestation et à la douleur

En ce jour anniversaire du déclenchement de la révolution mexicaine de 1910, les autorités ont renoncé aux traditionnels défilés militaires pour laisser les rues à la protestation et à la douleur.

Dans le cortège apparaissent, montés sur une dizaine de chevaux, des cavaliers, machette au poing, comme un détachement de troupes de Pancho Villa ou d’Emiliano Zapata, les deux héros populaires de cette révolution du siècle dernier.

Violences à l’aéroport

Dans la matinée, des violences avaient marqué le début de cette journée de protestation près de l’aéroport international de Mexico, sans qu’ait été signalé de blessés sérieux.

Un groupe de manifestants masqués avait affronté pendant une demi-heure à coups de cocktails Molotov la police anti-émeute qui tentait de débloquer les accès de l’aéroport de Mexico, à l’est de la capitale, en utilisant des gaz lacrymogènes.

Discrétion de mise

Les autorités ont célébré l’anniversaire par une traditionnelle mais discrète cérémonie de remise de médaille au camp militaire du Champ de Mars, à l’ouest de la capitale.

En pleine tourmente politique en raison de l’affaire des disparus et le scandale de la luxueuse maison de son épouse, le président Peña Nieto a averti lors de cette cérémonie qu’il entendait agir avec fermeté contre la violence.

«Certes le Mexique est meurtri. Mais le seul chemin pour soulager cette douleur est celui de la paix et de la justice», a dit le président. Le ministre de la Défense, le général Salvador Cienfuegos a de son côté averti: la violence mène à «l’ingouvernabilité», «l’instabilité» et ne peut que générer des «rancœurs inconciliables».

La mobilisation ne faiblit pas

Des manifestations de solidarité regroupant des milliers de personnes et montrant que la mobilisation ne faiblit pas se sont déroulées dans plusieurs autres villes du Mexique, notamment dans l’Etat de Guerrero, à Puebla et Morelos (centre), à Chihuahua (nord), et Oaxaca (sud). Des rassemblements se sont aussi tenus dans plusieurs villes des Etats-Unis et en Amérique latine, notamment en Bolivie et au Salvador.

L’affaire des disparus a déclenché la plus grave crise depuis des décennies au Mexique, selon les spécialistes. Elle a jeté une lumière crue sur un cas de collusion ouverte entre une autorité municipale, sa police et un groupe criminel.

«Il y a beaucoup d’indignation. Ce que nous vivons ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, qui nous démontre qu’en-dessous les choses sont pourries», selon l’analyste Erubiel Tirado, de l’Université ibéroaméricaine de Mexico.

(afp/Newsnet)