CRIMINALITÉ: Le Mexique s’enflamme pour les disparus d’Iguala

«On les a emmenés vivants, vivants nous les voulons». Scandé par des dizaines de milliers de personnes, ce slogan a marqué les manifestations qui se sont déroulées jeudi soir au Mexique en faveur des 43 étudiants disparus le 26 septembre dernier près d’Iguala, dans l’Etat de Guerrero.

A Mexico, des heurts se sont produits entre des manifestants et la police face au Palais national. Ailleurs dans le pays, montrant que la mobilisation ne faiblit pas, des meetings de solidarité se sont déroulés dans plusieurs villes, notamment dans l’Etat de Guerrero, à Puebla et Morelos (centre), à Chihuahua (nord), et Oaxaca (sud). Des rassemblements se sont aussi tenus dans plusieurs villes des Etats-Unis et en Amérique latine, comme en Bolivie et au Salvador.

Assassinés et brûlés

Malheureusement, l’exigence des manifestants ne devrait pas pouvoir être remplie. En effet, selon les aveux mêmes de trois membres d’un cartel de trafiquants de drogue (les Guerreros Unidos), les 43 étudiants de l’école normale rurale d’Ayotzinapa ont été assassinés et brûlés après leur arrestation par la police d’Iguala. Cette dernière, totalement corrompue, aurait agi sur ordre du maire de la ville, José Luis Abarca, beau frère de trois membres des Guerreros Unidos.

Abarca aurait voulu éviter par tous les moyens qu’un meeting de son épouse – présidente d’une institution locale de protection de l’enfance (!) – ne soit perturbé par les étudiants. Connus à Iguala comme «le couple impérial», le maire et son épouse avaient pris la fuite deux jours après les faits. Ils ont été arrêtés le 4 novembre à Mexico.

Crise politique

Loin d’être finie, cette affaire a déclenché la plus grave crise qu’a connue le Mexique depuis des décennies. Elle démontre avec une cruauté particulière, la collusion ouverte entre une autorité municipale, sa police et un groupe criminel. «Il y a beaucoup d’indignation. Ce que nous vivons ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, qui nous démontre qu’en dessous les choses sont pourries», expliquait ce vendredi à l’AFP l’analyste Erubiel Tirado, de l’Université ibéroaméricaine de Mexico. Ces huit dernières années, la guerre contre la drogue a fait plus de 80000 morts et 20000 disparus.

Sur un plan strictement politique, l’affaire des disparus d’Iguala met en difficulté le président Enrique Pena Nieto, qui avait promis de lutter contre les cartels et la violence lors de son élection le 1er juillet 2012. A sept mois de scrutins intermédiaires législatifs et locaux, elle met en crise tant le parti du président (le PRI, parti révolutionnaire institutionnel) que la principale formation de l’opposition de gauche (PRD, parti de la révolution démocratique), dont le maire d’Iguala était membre.

(24 heures)