TUNISIE: Libéraux et tenants de la révolution bataillent pour la présidence

Malgré quelques retraits ces derniers jours, pas moins de 23 candidats sont en lice pour l’élection présidentielle de dimanche en Tunisie. Il y a donc des chances qu’il faille attendre un deuxième tour, prévu à la fin de décembre, pour départager les favoris. Mais les participants potentiels à la dernière ligne droite se distinguent déjà.

A 88 ans, Béji Caïd Essebsi, fort de la victoire de son parti, Nidaa Tounès, aux législatives du 26 octobre, est bien placé. Cette formation à l’idéologie libérale, rassemblant hommes d’affaires, avocats et intellectuels, s’est construite par opposition aux islamistes d’Ennahdha, dominateurs de la vie politique du pays après la révolution de 2011. Béji Caïd Essebsi a construit toute la campagne des législatives sur la base du rejet du modèle islamiste, jugeant que «14 siècles séparent les islamistes des Tunisiens d’aujourd’hui». Il se présente comme le seul homme d’Etat susceptible de pouvoir faire barrage à Ennahdha. Cela reste une posture, puisque la fonction présidentielle est limitée en Tunisie. D’autant qu’élu, il pourrait être amené à décevoir bien vite tous ceux qui l’auront soutenu sur ce seul programme. Pour former un gouvernement, Nidaa Tounès aura en effet bien du mal à composer sans Ennahdha, arrivé bon deuxième des élections, loin devant toutes les autres formations. Ce sera là tout l’enjeu postélectoral.

Béji Caïd Essebsi, nommé premier ministre après la révolution de janvier 2011, était parvenu tant bien que mal à assumer la transition. Il capitalise sur sa longue expérience politique, mais celle-ci fait également sa faiblesse. Non seulement son grand âge, que raille la jeunesse tunisienne, le pénalise, mais son passé le rattrape aussi. Plusieurs fois ministre sous Bourguiba, il fut aussi, brièvement, président de la Chambre des députés à l’ère de Ben Ali. D’aucuns ne lui pardonnent pas sa militance au RCD, l’ex-parti du dictateur déchu. Nidaa Tounès n’en serait d’ailleurs que la réincarnation, accusent ses détracteurs. Nombre de Tunisiens voient d’ailleurs dans la présence dans la course électorale de plusieurs figures aux affaires sous Ben Ali, blanchies par la justice, le spectre d’un retour à l’ancien régime, lorsque la conduite de l’Etat ne servait qu’à capter les richesses au profit du «clan».

Moncef Marzouki, le président sortant, ne manque pas d’exploiter ces craintes, se présentant en opposant historique et, pour le futur, comme le seul homme «garant de la révolution» et apte à «faire le lien entre les islamistes et les libéraux». Ennahdha ne présentant pas de candidat à la présidence, Marzouki pourrait compter sur un soutien par défaut du vote des islamistes, ses ex-alliés au sein de la troïka. En revanche, il va perdre les voix de tous ceux qui lui reprochent précisément d’avoir vendu son âme dans cette coalition. La critique s’est déjà payée cash avec la déroute de son parti aux législatives d’octobre, lequel n’a décroché que 4 sièges sur 217.

(24 heures)