CRIMINALITÉ: Les disparus du Mexique mettent le président au pied du mur

Confronté à sa plus grave crise en deux ans de présidence, Enrique Peña Nieto doit annoncer ce jeudi 27 novembre des mesures nouvelles en matière de police, de justice, de lutte contre la criminalité et la corruption.

«On doit prendre des décisions partout où existent des faiblesses de l’Etat mexicain», a annoncé le bras droit du président, le ministre de l’Intérieur, Miguel Angel Osorio Chong.

«Nous allons voir la profondeur de ces mesures. Jusqu’à présent, le président n’a pas donné de réponse cohérente à la crise. Maintenant il doit ouvrir une soupape de sûreté, s’occuper de ce qu’il a négligé : la corruption et la violence», selon Alejandro Hope, expert en sécurité.

La disparition à Iguala (Etat de Guerrero, sud) des élèves-enseignants de l’école normale rurale d’Ayotzinapa a mis à nu une collusion ouverte entre autorités municipales, police locale et crime organisé, lors d’un crime particulièrement barbare.

Un bûcher géant

Selon les autorités, trois criminels présumés ont avoué que les étudiants ont été livrés par la police municipale à leur groupe de narcotrafiquants, celui des Guerreros Unidos, qui s’est chargé de les tuer, de brûler leurs cadavres pendant quinze heures sur un bûcher géant, avant de lancer les restes concassés dans une rivière.

Le Mexique ne s’en remet pas. «Cela a marqué un réveil civil et une mise en cause de la classe politique. Le pays s’est trouvé brutalement confronté à une réalité que beaucoup ne voulaient pas voir et qui s’est exprimée de la manière la plus crue», souligne Jorge Hernandez, de l’Université nationale autonome du Mexique (Unam).

Pratiquement pas un jour ne se passe depuis l’annonce du probable massacre des 43 jeunes sans que le Mexique connaisse une manifestation ou une protestation, souvent avec des occupations de bâtiments publics, des blocages d’autoroutes et parfois des violences, incendies ou affrontements avec la police. Et les mêmes mots d’ordre : «On les a emmenés vivants, vivants nous les voulons», ou «Dehors Peña Nieto!».

Les parents des étudiants, qui n’acceptent pas la version des autorités exigent que l’Etat fédéral retrouve leurs enfants.

Ultimatum au président

«Cela est quasiment impossible, comme semble l’être aussi la demande de démission de Peña Nieto», estime le politologue José Antonio Crespo. «Là on se trouve devant une utilisation de l’affaire par les anarchistes, avec leur propre objectif, pour déstabiliser».

Les étudiants de l’école d’Ayotzinapa, un bastion historique du radicalisme social dans l’Etat le plus pauvre du Mexique, ont lancé un «ultimatum» à Peña Nieto jusqu’au 1er décembre, date anniversaire de son investiture en 2012, pour qu’il démissionne, sous la menace de faire encore monter le niveau des protestations.

L’exercice auquel doit se livrer jeudi le président mexicain est d’autant plus difficile qu’il vient après une crise dans la crise, le scandale de la luxueuse maison de l’épouse du président, Angélica Rivera, ancienne actrice de télénovela.

Le président est soupçonné de conflit d’intérêt car il aurait profité, via la première dame, des faveurs d’un constructeur mexicain bénéficiaire d’importants contrats d’Etat.

Paysage politique bouleversé

Face à la crise qui touche le pouvoir, la gauche, deuxième force politique du pays lors de la présidentielle de 2012, n’est pas dans un meilleure situation.

Mardi soir, le fondateur et dirigeant historique du principal parti de la gauche, Cuauhtémoc Cardenas, a annoncé sa démission du Parti de la Révolution démocratique (PRD).

Cuauhtémoc Cardenas, qui n’exerçait aucune fonction de direction au PRD mais restait son «leader moral», avait demandé il y a quelques jours la démission de la direction actuelle du PRD en raison de la responsabilité qu’elle avait, selon lui, dans l’affaire de la disparition des 43 étudiants.

Cardenas accuse en particulier la majorité actuelle du parti d’être responsable de la désignation de José Luis Abarca comme candidat du PRD à la mairie d’Iguala où ont été enlevés les étudiants. Abarca est actuellement détenu comme présumé instigateur de l’enlèvement des jeunes et de leur probable massacre.

A quelques mois d’élections intermédiaires législatives en juin, l’affaire des disparus promet de bouleverser le paysage politique mexicain.

(afp/Newsnet)