ETATS-UNIS: Deuxième nuit de colère à Ferguson

La famille du jeune Afro-Américain abattu par un policier blanc mène sa propre enquête sur le drame.

Alors que dans les rues en feu de cette banlieue de St Louis les manifestants laissaient éclater leur colère, après la décision d’un jury populaire du Missouri (centre) de ne pas inculper le policier Darren Wilson, le ministre de la Justice Eric Holder a d’emblée prévenu que l’enquête fédérale n’était pas terminée et qu’elle se poursuivait de manière autonome.

Tentant de calmer le sentiment d’injustice suscité par l’annonce lundi soir du procureur de comté, le ministre américain a insisté: «l’enquête fédérale est indépendante de l’enquête locale depuis le début, et elle le restera». Il a également appelé à se garder de tirer des «conclusions hâtives».

Les autorités judiciaires américaines ont délibérément placé leurs investigations sur le terrain des droits civiques, s’agissant de la mort d’un jeune Afro-Américain, tué en plein jour par un policier blanc, alors qu’il n’était pas armé.

Quand Michael Brown, 18 ans, a été abattu de six balles le 9 août en pleine rue après avoir visiblement volé un paquet de cigarillos, de graves émeutes raciales ont secoué Ferguson. Venu immédiatement après pour rassurer une communauté noire blessée, Eric Holder avait alors dit comprendre, en tant qu’«homme noir», «la méfiance et la suspicion mutuelle» régnant entre policiers et Afro-Américains.

Poursuite fédérale?

Son ministère avait rapidement ouvert une enquête sur une possible violation des droits civiques par le policier Darren Wilson, ainsi qu’une enquête plus large sur d’éventuels comportements inconstitutionnels au sein de la police municipale de Ferguson.

Aussitôt après l’abandon de toute poursuite locale, le président Barack Obama lui aussi a reconnu «que la situation à Ferguson renvoie à des défis plus importants auxquels notre pays est toujours confronté». Il a évoqué «l’héritage de la discrimination raciale».

Mais plus de trois mois après les faits, l’administration Obama n’a toujours rien annoncé. Des fuites dans les médias suggèrent qu’aucune poursuite fédérale ne sera non plus intentée contre le policier.

«Tous les éléments d’enquête ont été immédiatement partagés» entre les autorités locales et fédérales et ils n’ont pas permis d’établir de «raison suffisante» pour inculper Darren Wilson, a insisté le procureur Robert McCulloch. Eric Holder l’a reconnu, embarrassé, alors que le ministre, qui a fait des droits civiques son cheval de bataille, quitte bientôt ses fonctions.

Demandes multiples

Dans la foulée de la famille Brown «profondément déçue» que le tueur de son enfant ne réponde pas de ses actes, les organisations de défense des droits ont, d’une seule voix, appelé les autorités fédérales à réagir.

«Le refus de tenir un procès public pour Darren Wilson est vu comme un échec moral et le reflet d’un système judiciaire partial qui déshumanise et dévalue la vie des jeunes Noirs», a estimé le réseau PICO de congrégations religieuses. Il a exhorté le ministère de la Justice à inculper le policier pour violation des droits du lycéen noir.

«Nous appelons le département américain de la Justice (DoJ) à avancer rapidement dans son enquête sur la mort de Michael Brown et sur les services de police de Ferguson et à peser de son autorité considérable pour aider à mettre fin aux violences policières au niveau national», a déclaré Sherrilyn Ifill, présidente du NAACP Legal Defense and Educational Fund.

«Il est temps que le DoJ finisse par s’occuper des contrôles au faciès institués et pratiqués dans la police», a également souligné la puissante Union américaine de défense des libertés ACLU.

Poursuites improbables

Mais la marge de manoeuvre des autorités fédérales est étroite. «Il faudra montrer que le policier a fait un usage excessif de la force et cela prendra du temps», estime l’expert Paul Millus.

Pour cet avocat, «il ne semble pas y avoir la moindre indication que les actes de l’agent Wilson aient été motivés par l’origine ethnique de Michael Brown». Et à moins que d’autres éléments le prouvent, «il est hautement improbable qu’il y ait des poursuites» sur le terrain des droits civiques.

(ats/Newsnet)