TUNISIE: Essebsi et Marzouki au second tour de la présidentielle

Le second tour de la présidentielle en Tunisie opposera l’octogénaire Béji Caïd Essebsi, chef du parti anti-islamiste Nidaa Tounès, au président sortant Moncef Marzouki. Les deux hommes sont arrivés loin devant les autres candidats au premier tour qui s’est déroulé dimanche.

Comme prévu, l’ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi est arrivé en tête. Avec 39,46% des suffrages, il devance de six points le chef de l’Etat (33,43%), selon les résultats officiels annoncés ce mardi 25 novembre à l’issue du décompte des voix de ce scrutin historique.

Si l’écart de voix entre eux est important, il est bien moindre que ce que l’équipe de Béji Caïd Essebsi, 87 ans, et des sondages réalisés à la sortie des bureaux de vote prédisaient.

Loin derrière les deux hommes, Hamma Hammami, figure de proue de la gauche, arrive troisième avec 7,82% des voix. Il est suivi de l’entrepreneur de tendance islamiste, habitant à Londres, Hechmi Hamdi (5,75%) et du richissime homme d’affaires et président de club de football Slim Riahi (5,55%). Ceux-ci n’ont dans l’immédiat donné aucune consigne de vote.

Date à déterminer

Les 22 autres candidats se partagent le reste des suffrages de ce scrutin dont le taux de participation s’est élevé à 62,9% des inscrits.

La mission d’observation électorale de l’Union européenne a salué mardi un scrutin «crédible et transparent» et «l’attachement à la démocratie» des Tunisiens. Une exception dans la région, l’essentiel des pays du Printemps arabe ayant basculé dans la répression ou le chaos.

Après les législatives d’octobre, qui ont vu Nidaa Tounès l’emporter avec 86 élus devant les islamistes d’Ennahda (69 députés), ce scrutin présidentiel est le point d’orgue de la transition démocratique entamée après la «révolution de jasmin» de 2011 et l’éviction de Zine Ben Ali.

Le second tour aura lieu en décembre, mais sa date précise dépendra des éventuels recours en justice contre les résultats préliminaires, a indiqué l’instance électorale (ISIE). La campagne s’annonce d’ores et déjà vive. Les deux finalistes, au profil et au parcours très différents, ne cachent pas leur inimitié l’un pour l’autre.

Vives critiques

Béji Caïd Essebsi fait campagne pour rétablir le «prestige» de l’Etat après quatre années mouvementées. Une période marquée par l’essor d’une mouvance djihadiste armée, accusée d’attaques ayant tué des dizaines de soldats et d’avoir assassiné deux opposants à Ennahda. Il présente Moncef Marzouki comme le candidat des «islamistes» et même des «salafistes djihadistes».

«Pour un homme de droit, qui défend les droits de l’Homme, qui écrit des livres, un homme cultivé, un médecin, il y a quelque chose qui ne colle pas», a lâché Béli Caïd Essebsi mardi sur la chaîne d’information France 24.

Moncef Marzouki considère de son côté que son adversaire, ex-ministre de Bourguiba et président du Parlement sous Ben Ali au début des années 1990, représente le régime renversé en 2011.

Et le chef de l’Etat sortant, un militant des droits de l’Homme séculier exilé en France sous Ben Ali, estime avoir empêché le chaos en Tunisie. Par son alliance avec Ennahda, il dit avoir évité une fracture du pays entre «laïcs» et islamistes.

Précédents scrutins tronqués

Depuis son indépendance en 1956, la Tunisie n’avait jamais connu de scrutin présidentiel disputé. Les précédents présidents, Habib Bourguiba et Zine El Abidine Ben Ali avaient usé du plébiscite ou de falsifications pour se faire réélire, avec des scores dépassant les 90% des voix.

Moncef Marzouki avait été élu fin 2011 par l’Assemblée nationale constituante à la faveur d’un accord de coalition avec les islamistes d’Ennahda, alors majoritaires. Ce parti, deuxième force politique du pays à l’issue des législatives du 26 octobre, n’avait soutenu aucun candidat au premier tour de la présidentielle.

Afin d’éviter un retour à la dictature, la nouvelle Constitution donne des prérogatives assez limitées au président, élu pour cinq ans. Mais l’élection au suffrage universel lui confère un poids politique important. L’essentiel du pouvoir exécutif dépend cependant du futur Premier ministre issu de la majorité parlementaire.

(ats/Newsnet)