Le Sénégal a réglé la question politique, il reste le vaste chantier économique – Par Mamadou Diagna Ndiaye

Je voudrais faire avec un constat, qui est aussi un postulat de base : notre pays, qui a réussi sa mue politique en accédant à toutes les libertés publiques et en construisant un Etat de droit unanimement est, paradoxalement, victime de son succès et de notre propension à vouloir vivre de la rente du symbole démocratique, au détriment de la construction d’une économie performante et durable.

Le Sénégal, a-t-on l’habitude de dire, a réglé la question politique. Reste le vaste chantier de la question économique, qui doit mobiliser toutes les énergies, toutes les compétences, tous les savoirs.

La traduction de nos potentialités en autant de réalités économiques appelle une réflexion libre et décomplexée, sans tabou, regard lucide mais bienveillant et un consensus fort de tout notre Capital humain sur la vision prospective, les stratégies innovantes et les moyens qui viendront à bout de la prétendue fatalité du sous développement, quelque soit le pouvoir politique en place.

Le pari relevé par les pays asiatiques et, plus près de nous, par le Brésil, adieu les « Brics » cet acronyme commode permettait de placer les grandes économies émergentes dans un même panier. Mais quand la Chine continue d’afficher plus de 7% de croissance et que le Brésil est tombé en récession cela n’a plus de sens, l’Afrique du sud et aujourd’hui le Nigéria, première économie du Continent, est source d’inspiration.

L’Emergence relève désormais du domaine de la science économique ; elle est un modèle économique dont nous connaissons les composantes, les étapes et le chronogramme de réalisation ; Les success stories abondent, pour en confirmer la faisabilité.

Cela dit, les deux questions qui vaillent sont les suivantes :
1. POURQUOI PAS NOUS ? et surtout
2. COMMENT ? comment atteindre à l’Emergence, en capitalisant les expériences réussies, qui sont autant de raccourcis pour nous, en en évitant les écueils, les chausses trappe et les leurres ?
Deux maîtres mots :
• SYNERGIE, et
• MUTUALISATION
Synergie et convergence entre les acteurs que sont l’Etat, le secteur privé national et international et une société civile engagée ;
Mutualisation des ressources matérielles et immatérielles pour créer les effets de levier indispensable à la dynamique de développement, de croissance de création de richesses et de prospérité, qui sont à notre portée.

Dans cette optique, la question de la gouvernance doit être au cœur de toutes les politiques publiques .quant au rôle de l’Etat, il doit rester prépondérant pour créer les conditions macroéconomiques favorables, un cadre juridique et réglementaire stable et des opportunités d’affaires sectorielles ; pour garantir la sécurité et la rentabilité de l’investissement privé, toutes origines confondues, et pour créer par des réformes structurantes, des investissements publics renforcés et autour de chaînes de valeur structurées, les conditions l’emploi pour tous.

A ce titre, je voudrais vous remettre en mémoire la formule du Président Barack Obama, au Ghana, en 2009 : « le développement dépend de la bonne gouvernance. C’est l’ingrédient qui fait défaut à beaucoup de pays depuis bien longtemps. C’est le changement qui peut déverrouiller les potentialités. Enfin, c’est une responsabilité dont seuls les africains peuvent s’acquitter ».

Le Sénégal n’est pas une économie en récession. Mais il n’a pas fait le bond qualitatif apte à générer les taux de croissance associés à l’émergence, ni satisfait aux prérequis que sont :
1. La stabilité sociale, dans un cadre de vie sécurisé et attractif
2. Une gestion saine et dynamique des finances publiques, qui donne la priorité aux dépenses d’investissement
3. La sécurité juridique
4. La libéralisation des activités économiques et des prix, et la suppression des positions de rente, qui consacrent le principe d’une compétition ouverte et transparente
5. La limitation de l’intervention de l’Etat, aux conditions d’exercice de l’activité économique
6. La promotion et l’accompagnement d’un secteur privé local compétitif, créatif, et visionnaire, et d’une administration publique compétente, intègre, accueillante et orientée vers l’atteinte de résultats
7. Le consensus national irréversible sur les orientations. Le PSE nous engage tous pour 35 ans. Cette perspective de longue durée doit transcender les alternances qui sont la respiration de la démocratie.
8. Evitons de réinventer la roue à chaque alternance

Je termine avec Tony Blair, ce qui compte c’est ce qui marche.

Mamadou Diagna Ndiaye

Administrateur de sociétés

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