Mort d’un procureur: L’incroyable polar qui divise les Argentins

 

Mais où s’arrêtera le feuilleton Alberto Nisman? Depuis la mort du procureur, l’affaire divise le pays et ébranle le pouvoir. Alberto Nisman, 51 ans, a été retrouvé à son domicile, lundi 19 janvier, une balle dans la tête et un revolver de calibre 22 à ses côtés. Or quelques jours avant sa mort, il affirmait détenir des informations aptes à compromettre la présidente Cristina Kirchner. Il l’accusait d’avoir torpillé l’enquête sur l’attentat de l’AMIA, le centre culturel juif de Buenos Aires, qui avait fait 85 morts et 300 blessés en 1994. Cet attentat n’a jamais été élucidé, malgré des soupçons dirigés contre l’Iran, affaire qui empoisonne la vie politique du pays depuis des années.

Mi-janvier, en pleines vacances de la magistrature, Alberto Nisman, en charge de l’enquête AMIA depuis dix ans, surprenait son monde. Il publiait un document dans lequel il accusait le gouvernement d’avoir «décidé, négocié et organisé l’impunité des terroristes iraniens en fuite» afin de «fabriquer l’innocence de l’Iran». Le mobile? Il s’agissait pour le gouvernement de garantir la bonne entente commerciale avec l’Iran, afin de pouvoir lui acheter du pétrole. Le procureur disait posséder des enregistrements et promettait leur publication imminente.

Dès l’annonce du drame, Cristina Kirchner s’était empressée de réagir, laissant entendre qu’il ne pouvait s’agir que d’un suicide, conclusion à laquelle arrivait également l’autopsie. La presse de gauche aussi s’en disait convaincue, affirmant qu’Alberto Nisman n’avait aucun élément à charge dans sa mallette. L’opposition, au contraire, criait à l’assassinat politique. L’affaire déchire littéralement le pays, entraînant des manifestations de rue.

Au fur et à mesure que l’enquête avance, des éléments troublants s’accumulent. On n’aurait retrouvé aucune trace de poudre sur les mains du procureur et son appartement n’était pas entièrement verrouillé de l’intérieur. De quoi gêner une Cristina Kirchner qui s’est un peu vite empressée de conclure au suicide? Jeudi, la présidente étonnait encore avec une spectaculaire volte-face: «Le suicide n’a pas été un suicide (…) Ils l’ont utilisé vivant et ensuite, ils avaient besoin de lui, mort. C’est triste et terrible», écrivait-elle sur son compte Facebook. A ses yeux, ce sont des ex-agents des services de renseignement qui ont manipulé puis tué le procureur, dans le cadre d’un complot dirigé contre elle. Et d’accuser nommément un ex-dirigeant du renseignement, démis de ses fonctions en décembre. Un vrai polar qui n’en est sans doute pas à son dernier rebondissement.

(24 heures)