Syrie: Dans les ruines de Kobané, symbole de la résistance kurde contre Daech

 

Des tirs de Kalachnikov déchirent le ciel de Kobané. Ceux-là sont inoffensifs et ne déclenchent que des sourires de contentement. Dans la ville syrienne, assiégée depuis quatre mois par les djihadistes de l’Etat islamique (EI, Daech en arabe), les combats ont pris fin lundi. Ce jour-là, les Unités de protection du peuple (YPG), le bras armé du PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) en Syrie, ont repris le contrôle de la totalité de la cité.

Juchés sur des camions et des pick-up, les guerriers kurdes paradent dans les rues défoncées et tirent dans les airs pour célébrer la victoire. Après 134 jours de lutte, les visages sont émaciés mais heureux. «Nous n’avons jamais douté de notre capacité de résistance», déclare Rebwar, un combattant originaire de Diyarbakir, au Kurdistan turc. «Bien sûr, les frappes de la coalition ont été décisives et sans elles la ville serait sans doute tombée. Mais nous lutterons toujours pour défendre notre terre contre les barbares.»

Au prix fort

Kobane a été libérée de haute lutte. Mais à quel prix? En arrivant du poste frontière turc de Mürsitpinar, le paysage qui surgit de l’autre côté du portail est lunaire. Selon les autorités locales, les trois quarts de la ville ont été dévastés. Sur la place de la Paix, à l’entrée de la ville, l’hôpital principal et les bâtiments qui l’entourent ne sont plus que ruines. Une carcasse de voiture apparaît au milieu des gravats.

«Le 29 novembre, trois voitures suicides sont arrivées du territoire turc et ont détruit toute cette zone. L’hôpital a dû être déplacé dans le sous-sol d’un bâtiment administratif. J’ai failli mourir mais heureusement il n’y a eu que des dégâts matériels», témoigne Arif Ali, le médecin en chef de l’hôpital qui est resté dans sa ville pour soigner les blessés tout au long de la bataille.

La partie ouest de la ville, restée sous contrôle kurde, a reçu des milliers d’obus de mortier tirés par Daech. Rares sont les maisons dont les toits ou les façades ont été épargnés. Mais 2000 à 3000 civils, essentiellement des familles de combattants, ont refusé d’en partir.

Odeur de mort

Au fur et à mesure que l’on s’enfonce vers le centre et l’est de la ville, les destructions sont encore plus impressionnantes. L’odeur de mort est entêtante. La grande place de la liberté est un champ de ruines. Des dizaines de cadavres de combattants de l’EI jonchent les rues et d’autres sont encastrés dans les décombres.

Cette zone a été reconquise la semaine dernière après avoir été pilonnée sans relâche par l’aviation américaine. Plus de 700 frappes ont pulvérisé les immeubles et laissé des cratères de plusieurs mètres de diamètre, dispersant un peu partout des effets personnels, des ustensiles de cuisine ou des vélos d’enfants.

«Il faudra des années pour reconstruire tout cela et nous allons avoir besoin du soutien de la communauté internationale», note Perwer Muhammad Ali, un professeur d’anglais devenu journaliste activiste. En l’état, la ville est inhabitable et le retour des 200 000 réfugiés qui survivent dans les camps, du côté turc de la frontière, reste hypothétique.

(TDG)