Nucléaire iranien: «Un échec des négociations serait catastrophique pour la région»

 

Il a été le dernier ambassadeur d’Iran aux Etats-Unis. C’était avant la révolution khomeiniste de 1979. C’était au nom du shah dont il a recueilli le dernier soupir, le 27 juillet 1980 au Caire. Depuis, menacé par une fatwa de l’ayatollah Khomeiny toujours en vigueur, Ardeshir Zahedi – qui fut aussi ministre des Affaires étrangères de 1966 à 1973 – vit à Veytaux, à deux pas du château de Chillon.

Autant dire que ce vieux monsieur de 86 ans, très au fait de l’actualité, suit avec une grande attention les négociations sur le programme nucléaire de Téhéran qui réunissent, à quelques centaines de mètres de chez lui dans un hôtel de Montreux, le secrétaire d’Etat américain John Kerry et son homologue iranien Javad Zarif. Entretien.

Au vu des déclarations tonitruantes de Benjamin Netanyahou au Congrès américain et des propos de Barack Obama qui a lié un accord avec Téhéran au gel de son programme nucléaire pendant dix ans, une issue positive des négociations est-elle encore possible?

Je l’espère vivement, car un échec des négociations serait une catastrophe pour toute la région. Les tensions augmenteraient inévitablement, notamment en Iran, où les conservateurs pourraient regagner du terrain, alors que la parenthèse Ahmadinejad est heureusement fermée. Quant au premier ministre israélien (ndlr: qui dispose de l’arme nucléaire), c’est lui qui ne cesse de menacer l’Iran. Maintenant, il défie le président américain. C’est lui le danger pour la région. Voyez ce qu’il a fait à Gaza.

Historiquement, à quand remonte la revendication iranienne pour un programme nucléaire civil?

J’ai signé en 1968, en tant que ministre des Affaires étrangère, l’adhésion de l’Iran au traité de non-prolifération nucléaire. Dans les années 1970, les Etats-Unis avaient approuvé le démarrage du programme nucléaire civil iranien. Mais, quand Khomeiny est arrivé au pouvoir en 1979, il a décrété que le nucléaire, civil comme militaire, était contraire à l’islam. Ce n’est qu’après la guerre contre l’Irak que la question a été relancée. Aujourd’hui, l’Iran revendique le droit au nucléaire civil, sous l’égide du traité de non-prolifération. C’est un droit inaliénable.

Peut-on dire que derrière les négociations sur le nucléaire se cache un autre enjeu, celui d’une nouvelle alliance entre Washington et Téhéran, contre le terrorisme notamment ?

Certainement. Les horreurs commises par Daech en Irak et en Syrie montrent que le terrorisme djihadiste menace tout le Moyen-Orient, et même au-delà. Dans ce sens, redonner à l’Iran sa place dans le concert régional devient une priorité pour les Etats-Unis. D’ailleurs, c’est déjà l’Iran (chiite, ndlr) qui est en première ligne contre Daech (sunnite, ndlr), en Irak et en Syrie. Sans l’aide militaire de Téhéran l’Irak se serait effondrée depuis longtemps.

Cette nouvelle alliance se fera-t-elle au détriment de la vieille amitié américano-saoudienne?

Sans doute. Car pour bien saisir l’enjeu, il faut se poser la question du financement du djihadisme par les Saoudiens et de l’influence du wahhabisme sur les mouvements radicaux.

(24 heures)