Quand la source du journaliste se dédit – Par Jean Meïssa Diop

 

La presse sénégalaise est trop généreuse avec les Erostrates, elle a fabriqué trop de «vedettes» et de «stars» dont le parcours et les faits de guerre ne les prédisposent point à ce qu’on parle d’eux autant.

Elle a eu un sacré coup de chance la presse qui tient un enregistrement des propos que le trublion wadiste, Mamadou Lamine Massaly, nie avoir tenus et qui lui ont valu une incarcération.

Après avoir joué au matamore, accusé les gendarmes de l’avoir torturé lors d’une audition au sujet de propos jugés injurieux contre la présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Mme Aminata Tall, Massaly, sans doute galvanisé parles applaudissements des égéries du Pds, déclara avoir été « kidnappé » (alors qu’il n’a été convoqué qu’en bonne et due forme) et « torturé».

Mais dès qu’il a senti que la maréchaussée et sa hiérarchie n’entendaient pas du tout laisser prospérer pareille accusation infamante, Massaly bat sa coulpe, accuse les images d’avoir été retouchées…

Son mentor, Me Wade, alors président de la République, se dédit d’une manière tellement stupéfiante que le surnom de «Wax waxeet » lui est resté – lui collant à la peau comme une tunique de Nessus, faisant de lui-même l’allégorie du reniement.

Tout cela, les galipettes de Wade puis de son pygmalion Massaly – doit avoir laissé une sérieuse leçon aux journalistes, celle de surtout être extrêmement précautionneux avec certains interlocuteurs enclins à nier – en toute mauvaise foi – avoir tenu tels de leurs propos rapportés par un ou des journalistes.

Et dans ce cas, rien de tel pour leur clouer le bec que de leur rappeler que « l’entretien a été enregistré ». Ah oui ! C’est au journaliste, fort de son expérience professionnelle et de son flair, de se méfier de certains interlocuteurs, de les enregistrer pour plus de prudence pour leur opposer ce document sonore au cas où ils tenteraient de nier avoir dit…

C’est arrivé, ça arrive et ça arrivera toujours dans le travail du journaliste. La précaution et la prudence sont des qualités que le journaliste doit toujours avoir aussi bien dans la collecte de l’information que dans le traitement de cette dernière.

Et c’est le lieu ici de saluer la circonspection de ces chaînes de radio et de télévision dakaroises qui se sont interdites de relayer les propos monstrueux de l’ex-président de la République, Me Wade, contre son successeur, Macky Sall.

Et pourtant, ce fut tellement tentant de le faire ! Mais, le jeu de l’audimat en aurait-il valu la chandelle qui serait ici les indignations qui pleuvent sur l’auteur de l’outrage et qui, par moments, flétrissent l’irresponsabilité des journalistes et de leur organe qui ont relayé cette sortie scandaleuse.

Et les organes de presse en question ne seraient guère à l’abri de poursuites judiciaires si le procureur s’était auto-saisi pour poursuivre l’ex-président de la République pour offense au chef de l’Etat, croyons-nous.

En effet, semble-t-il, ce ne serait pas Me Wade qui aurait été poursuivi au premier chef, mais l’organe de presse lui-même. Ou, à tout le moins, aurait été « installé dans les cause » (comme dirait Me Khassimou Touré, ténor du Barreau de Dakar) pour que l’action judiciaire pût atteindre l’auteur des propos.

Et c’est là où l’action judiciaire contre ce délit de presse rejoint le dicton wolof qui considère comme le premier insulteur toute personne qui rapporte des insultes à la personne visée.

Ce choix d’avoir servi d’écrin au scandale déclenché par le président Wade va encore aiguiser la verve des adversaires de la dépénalisation du délit de presse, un des points d’achoppement, sinon le principal, au vote du projet de nouveau de la presse au Sénégal.

Et cela nous rappelle ce que nous avons déjà écrit ici, dans cette chronique, à savoir que nous journalistes devons être « capables » d’être régis par une « déprisonnalisation » du délit de presse.

Et nous citions le défunt chanteur français Carlos (fils de la célèbre psychologique François Dolto) qui disait avoir souvent « volé » sa liberté en allant à des escapades, mais s’il l’avait fait, c’était parce qu’il s’en sentait « capable ».

Etre capable, ici, voulant dire être responsable des gestes que l’on pose et de les assumer. Nous voudrions conclure pour revenir à un personnage auquel nous avons fait référence au début de ce propos : Massaly. Sa photo s’étale à presque toutes les unes des journaux, son image aux écrans des chaînes de télévision…

Qui est donc Massaly pour mériter tant de surmédiatisation ? Un garçon tonitruant dont l’insolence et l’outrecuidance lui servent de discours politique. Et il est en train de payer au prix d’un emprisonnement la tentative idiote de faire croire que l’envoyer à Rebeuss pour ses outrances est un acte politique.

La presse, disons-nous, est trop généreuse avec les Erostrate (le pyromane du temple d’Ephèse, une des Sept Merveilles du monde – dont on parle encore, tout en ignorant jusqu’au nom de l’architecte de cette merveille de l’Antiquité grecque. La presse sénégalaise a fabriqué trop de « vedettes » et de « stars » dont le parcours et les faits de guerre ne les prédisposent point à ce qu’on parle d’eux autant.

Mais, comment n’en serait-il pas ainsi, dans un pays où tout semble marcher à l’imposture et à la fanfaronnade, où l’habit fait le moine, où on vole et déclare être un prisonnier politique quand un organe judiciaire vous demande des comptes ?

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