Assemblée nationale : les fondamentaux à ne jamais remettre en cause ?

Vingt trois députés de la majorité sont auteurs d’une proposition de loi visant à la modification de l’article 20 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Si cette loi est votée, il faudrait  désormais, au lieu de 12 mais 15 députés pour former un groupe parlementaire.
Cette mesure intervient dans un contexte où la tendance est maintenant de renforcer l’expression plurielle au sein des parlements. La démocratie représentative, c’est d’abord la capacité des députés à porter la parole du peuple et à défendre leurs intérêts. Mais cela ne peut se faire que s’ils jouissent de leur liberté et que des garanties soient données pour assurer une bonne organisation du travail parlementaire.
La majorité a le droit de soutenir le gouvernement, mais pour autant  elle ne doit pas mettre en péril les principes bien ancrés dans la tradition parlementaire. Tout observateur attentif peut constater que l’option des parlements est actuellement  de porter à la baisse le nombre de députés constituant le groupe parlementaire.
En France, l’Assemblée nationale compte 577 députés et déjà en juillet 1988, le groupe socialiste d’alors avait introduit, avec le groupe communiste, une modification abaissant de 30 à 20 députés  constituant un groupe parlementaire. Ce nombre a, de nouveau, été abaissé en mai 2009 et ramené  à 15 députés.
Tout proche de notre pays, nos voisins du Mali sont en avance sur cette question. Et, pour une Assemblée nationale qui fait 147 députés, le groupe parlementaire peut être formé avec  5 députés.
Seulement, il y a aussi lieu de reconnaitre que le député, au-delà de son adhésion à un groupe parlementaire par affinité politique, il peut être apparenté ou être non inscrit. Pour chacun des cas, le règlement intérieur détermine les conditions de son travail.
L’avantage des députés de la majorité, c’est d’avoir plus de temps de parole réparti par la conférence des présidents dans les débats organisés. Ils bénéficient également de certains autres privilèges liés à la composition du bureau  de l’Assemblée nationale et au fonctionnement des commissions parlementaires.
Toutefois, il y a une réflexion qui est en cours depuis lors à l’Assemblée nationale française, il s’agit pratiquement d’inverser cette tendance et de favoriser les groupes respectifs de l’opposition et de la minorité  dans la prise de parole au moment des débats avec le gouvernement. La volonté des parlementaires français est actuellement de fixer par une loi l’exercice de la présidence de la commission des finances par l’opposition, et ceci, par souci de transparence.
Les défis doivent être ailleurs pour la 12ème législature, il serait important surtout d’éviter des changements dictés par des contingences ou des calculs politiciens. L’Assemblée nationale a besoin de garder une bonne image et les députés doivent rassurer leurs mandants.
Bien évidemment, le règlement intérieur n’est plus adapté et des réformes s’imposent mais non pas comme cela est entrain de se faire.  On devrait profondément s’atteler aux exigences d’amélioration de la procédure législative, de renforcement  du contrôle parlementaire et de la mise en cohérence des textes constitutionnels avec ceux  du règlement intérieur.
S’agissant  de la première de ces exigences, il faudrait reconnaitre que la procédure législative recèle énormément de faiblesse en matière de propositions de loi. Sous ce rapport l’article 60 du règlement intérieur pose trois problématiques :

  • Le respect de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. L’avis  du Président de  la République exigé dans la poursuite de l’examen de la proposition de loi par le Bureau de l’Assemblée nationale constitue généralement un verrou. On a l’impression que cet avis est  impératif et il est généralement une source de blocage.
  • Le traitement de la proposition de loi depuis son dépôt au  Bureau de l’Assemblée nationale, il est constant que l’auteur ou les auteurs ne sont plus informés de la suite. Alors que l’art.60 prévoit une obligation d’information par le Bureau de l’Assemblée nationale.
  • L’impossibilité du député de faire des amendements (voir 82 de la Constitution) sur le budget national, le verrou c’est d’exiger du député des recettes compensatrices, sachant qu’il ne bénéficie  d’aucune assistance technique.

Pour ce qui concerne le contrôle parlementaire, il faudrait admettre la faiblesse dans la disposition des textes. La loi constitutionnelle du 22 janvier 2001 n’a pas corrigé et amélioré les pouvoirs de contrôle du parlement. A la relecture de cette constitution dans sa partie concernant le Parlement et de ses relations avec le Gouvernement, aux articles 59 à 87, il n’est mentionné nulle part que le pouvoir de contrôle est dévolu au Parlement. Sauf, à l’article 67 où  il est simplement dit «  la loi est votée par le Parlement ».
Avant sa modification constitutionnelle du 23 juillet 2008, la France avait  le même texte et il a fallu renforcer cela après pour mettre à l’introduction et dans le premier article du titre de la constitution consacré au Parlement (art.24), la définition des missions du Parlement.  Ce qui résume à elle seule la volonté de conduire cette réforme avec une nouvelle version retenue : « le Parlement vote la loi, il contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques ».
Le Bénin est allé dans le sens, le titre 3 de sa constitution portant sur le pouvoir législatif,  précise à son article 79 : «  le Parlement est constitué par une assemblée unique dite Assemblée nationale dont les membres portent le titre de député. Il exerce le pouvoir législatif et contrôle l’action du Gouvernement ».
Le travail entrepris par la commission nationale de réforme des institutions (CNRI) devrait normalement intégrer dans sa réflexion ces éléments. Le fonctionnement de l’Assemblée nationale relève tout à la fois de la constitution et son règlement intérieur, ils sont les mécaniques vivantes, même si son image peut paraître complexe au regard du profane.
L’importance est d’harmoniser la constitution avec les dispositions des textes du règlement intérieur et d’apporter les corrections nécessaires. Mais aussi des efforts devraient être faits pour rendre plus dynamique le contrôle interne de l’Assemblée nationale. Pour cela, il faudrait envisager la réforme de la commission comptabilité pour donner plus de transparence à la gestion des fonds de l’institution parlementaire. De même, la commission des délégations devraient être évaluée et revoir son impact réel dans le fonctionnement de l’institution.

Alioune souaré

Ancien député – Rufisque