Crise: Les Grecs restent déterminés contre l’austérité

 

C’est l’image du jour en ce lundi 29 juin 2015: alors que le gouvernement vient de limiter les retraits à 60 euros par jour, les Grecs font la queue aux distributeurs de billets. Sans aucune panique cependant. Chacun attend tranquillement pour prendre le cash autorisé quotidiennement.

Les gens se mêlent, toutes classes sociales confondues, et les conversations fleurissent. Mais le ton monte très vite quand les nombreux journalistes venus du monde entier les questionnent sur une possible sortie de l’euro. Tout le monde s’enflamme. C’est à qui prendra la parole pour raconter ce difficile quotidien que vivent les Grecs et que les autres Européens persistent à ignorer.

«60 euros par jour? C’est énorme pour nous»

Anastasia, employée de bureau de 42 ans, sourit quand on la questionne: «Comment peut-on faire vivre sa famille avec 60 euros par jour? Mais 60, c’est une fortune! 60 euros fois 30 jours, cela fait 1800 euros par mois. Qui a ce revenu aujourd’hui en Grèce? 60 euros, c’est déjà largement suffisant.»

Elle, avec son petit salaire d’employée de bureau, n’arrive pas à subvenir aux besoins de toute une famille de 5 personnes, dont 3 chômeurs et un invalide sans indemnité.

«Ces 60 euros, je les tire sur la pension de ma mère. Le problème n’est pas de faire face aux besoins quotidiens avec 60 euros. C’est toutes les autres dépenses que nous avons, les crédits qu’on a sur le dos, les impôts qui ont augmenté de façon folle.» Alors, pour elle, sortie de l’euro ou non, rien ne peut être pire que la réalité actuelle: «On ne vit plus, on se contente de survivre. La vie qu’on menait avant, la Grèce d’avant, me semble désormais un rêve qui n’a jamais existé. On nous a détruits. Alors, on n’a plus peur de rien.»

Même s’il n’est pas sûr de ce qu’il va faire dans les jours à venir pour faire tourner son entreprise, Antonis, 46 ans, veut rester confiant: «Moi, avec mon petit bureau de comptabilité, je m’en sors. Juste, mais je m’en sors.» C’est donc plus en tant que citoyen qu’il tient à s’exprimer: «C’est pour les petites gens que la vie devient de plus en plus difficile. Et c’est encore eux qu’on veut faire payer. Il est temps d’arrêter ce processus. Après ce plan de rigueur, il y en aura un autre, puis un autre. C’est une chaîne sans fin. La seule solution, c’est d’annuler la dette de la Grèce, mais sans quitter l’Europe. Nous voulons rester dans l’Europe mais pas dans une Europe comme celle-là, qui n’a plus rien à voir avec l’Europe des fondateurs. Et j’espère qu’on va y arriver.»

«Même si on doit vivre avec rien, on résistera!»

Nikos, un retraité de 62 ans, ne demande qu’à parler à son tour: «En effet, je vais voter «non» au référendum convoqué par le premier ministre Alexis Tsipras! Qui l’aurait cru? Dans ma famille, on est de droite depuis des générations. On vient de la Laconie profonde (ndlr: au sud du Péloponnèse). Eh bien, je suis devenu un fanatique de Syriza désormais. Jusqu’à en mourir! Ce sont les seuls qui se sont battus pour nous. Quelle fierté de voir ce jeune premier ministre leur tenir tête, à tous ces Allemands et ces Européens! Ils lui ont donné une bombe dans la main et ils attendaient qu’elle explose. Mais c’est chez eux qu’elle va éclater!»

Sa colère se fait encore plus précise: «Qu’est-ce qu’ils croient? Que je vais payer mes impôts pour qu’ils aillent directement dans la poche des banques allemandes ou françaises et au FMI? On ne s’est pas agenouillé durant la Deuxième Guerre mondiale, ce n’est pas maintenant qu’on va le faire. Je suis même prêt à revenir à la drachme. Je veux une monnaie qui serve notre économie. Pas le contraire. Avant, j’avais une cafétéria en plein cœur d’Athènes. J’ai dû la fermer et elle a été remplacée par une grande chaîne américaine. Ils veulent faire agenouiller la Grèce, qu’on perde notre souveraineté. Mais même si on doit vivre avec rien, on résistera.»

Alors pour lui, avoir un peu moins d’argent que d’habitude, ce n’est pas important: «Les restrictions, ça ne me fait pas peur. Moi, j’ai été élevé à la dure. Ce qu’on mangeait, c’était du pain imbibé d’huile avec un peu de feta et de la tomate concassée. On a grandi comme cela. On survivra à tout!»

Sur la place Syntagma, lundi soir, une grande manifestation joyeuse en faveur du «non» au référendum battait son plein. Aujourd’hui, dernier jour du plan d’aide européen et date limite pour le remboursement au FMI d’une tranche de 1,6 milliard d’euros, ce sera le tour des partisans du «oui» de descendre dans la rue. Car même aux moments les plus cruciaux de leur histoire, ces Européens orientaux que sont les Grecs continuent à croire en leur destin. (24 heures)