Traversée Bakel/Gouraye: les piroguiers dans tous leurs états

 

La traversée Bakel (Sénégal)-Gouraye (Mauritanie) se fait depuis plus de 50 ans. De génération en génération, malgré des efforts notés ça et là, les conditions des piroguiers demeurent précaires. Confrontés à d’énormes manquements dus à l’absence de moyens matériels et financiers, les piroguiers invitent l’Etat à apporter son soutien pour rendre leur secteur plus vivant, moderne et en sécurité. Au niveau des deux (02)  rives, Bakel et Gouraye, les piroguiers travaillent dans une parfaite cohésion.La traversée entre Bakel (Sénégal) et Gouraye (Mauritanie).

Il y a une vingtaine de pirogues du côté du Sénégal et au moins 17 piroguiers du côté de la Mauritanie voisine. Tous les piroguiers travaillent de façon professionnelle. C’est-à-dire, ils respectent les normes du travail. A Bakel, ils se succèdent tout au long de la journée pour faire traverser les passagers vers Gouraye (Mauritanie). Quand ils arrivent, ils se mettent derrière ceux qu’ils ont trouvés sur place jusqu’à ce que leur tour arrive. Ils reviennent à Bakel avec des passagers. C’est pareil pour les piroguiers mauritaniens à Bakel. «Nous sommes en association. Et quand nous avons pris les commandes, nous avons changé le système de travail. Avant, il y avait de toutes petites pirogues qui assuraient la traversée, mais cela a créé  des accidents. Nous avons mis des pirogues à moteur et augmenter la capacité des pirogues jusqu’à 10 tonnes pour qu’elles puissent amener les gens en toute sécurité. Mais aujourd’hui, nous sommes coincés encore par de toutes petites pirogues qui ne font même pas une tonne et veulent faire traverser des gens. Et face à cette situation, la police n’en parle pas pourtant on a discuté avec eux, mais jusqu’à présent, rien n’est fait en ce sens. Il n’y a pas de problème. Il faut rappeler que chacune des 20 pouvait faire au moins quatre (04) voyages par jour. Une pirogue transporte 20 passagers. Chaque passager donne 150 francs CFA ou 100 ouguiyas. Le trajet se fait en moins de 10 minutes parce que la distance qui sépare Bakel/Gouraye ne fait pas un (01) kilomètre», confie un M. Ndiaye, un piroguier sénégalais.

La taxe communale

Selon toujours notre interlocuteur : «Chaque jour, on paie la taxe communale. Ce, depuis nos aïeux. Chaque pirogue paie 250 francs Cfa par jour. Les pirogues qui partent en voyage paient 500 francs Cfa. C’est normal, je suis d’accord. Nous demandons à la commune comme nous payons la taxe municipale, de venir à notre secours. Par exemple, pendant la saison des pluies, il y a de la boue à la berge. Car, quand les pirogues arrivent à la rive, elles ont du mal à faire descendre les passagers. Parfois, c’est au piroguier de porter sur le dos les passagers pour éviter la boue. Par rapport à cette situation, nous demandons à la mairie de verser du sable sur la rive au moins, pour permettre à nos clients de ne pas marcher dans la boue.Les gilets de sauvetage…

«Une fois des personnes étaient venues disant qu’elles représentent le gouvernement. Elles nous ont demandé de faire porter des gilets à nos passagers en guise de sécurité. Nous avions débloqué 300.000 francs Cfa pour les 300 gilets de sauvetage remis. Les 150 du côté du Sénégal et les autres du côté de la Mauritanie. Finalement, cela n’a pas continué parce que les gens qui ne connaissent pas le gilet ne veulent même plus le porter. En ce qui nous concerne, nous avons fait la sensibilisation en vain auprès de ces personnes afin qu’elles acceptent de porter les gilets. Nous savons que le refus de porter des gilets est de notre responsabilité. En plus, des fois, les autorités nous demandent d’arrêter la traversée à 19 heures. Elles parlent de mesure sécuritaire. Ce que nous trouvons d’ailleurs normal. Mais, elles doivent aussi et en première lieu, appliquer une telle mesure. Mais parfois, elles traversent quelques fois au-delà de cette heure. Il arrive qu’une autorité du Sénégal ou de la Mauritanie pour des besoins administratifs traverse tard dans la soirée parce qu’elle veut passer la nuit chez lui».

Les Tracasseries…

«Notre plus grand problème, c’est la tracasserie policière.  Quant tu es Mauritanien et voulant venir au Sénégal, il faut payer mille (1000) francs Cfa ou deux (2000) francs Cfa. J’ai même vu des gens donner 3 000 francs Cfa. Ce qui réduit sensiblement nos recettes journalières. Nous demandons aux policiers d’être plus cléments. Ils doivent comprendre que nous bakélois qui sommes là avons des frères, sœurs, bref des parents à Gouraye (Mauritanie). Nous nous marions entre nous. Vous pouvez voir un bakélois épouser une fille de Gouraye et vice-versa. Ce qui fait que nous sommes liés socialement. C’est la frontière qui nous a séparés».

Doléances…

«Nous demandons à l’Etat de nous mettre dans de très bonnes conditions de travail. Les pirogues, nous les achetons nous-mêmes. Nous avons besoin de soutiens financiers et matériels pour mener à bien notre travail de traversée entre Bakel et Gouraye qui se fait depuis plus de 50 ans. Ce travail, seul moyen pour subvenir aux besoins de nos familles, devient de jour en jour non lucratif. Nous avons besoin de subvention de la part de l’Etat comme cela se fait dans les autres localités. Depuis 50 ans, jamais nous n’avons reçu un soutien de la part de l’Etat pourtant, nous sommes aussi des Sénégalais».

Le dédouanement

La douane a une mission qui consiste à surveiller et à liquider des taxes et droits au niveau de la frontière entre Sénégal (Bakel) et Mauritanie (Gouraye). La douane surveille la rentrée et la sortie des produits dans notre pas parce qu’il y a des produits qui sont destinés à l’importation mais qui ne sont pas des produits prohibés comme le thé entre autres. Si le commerçant vient de la Mauritanie, une fois sur le territoire sénégalais, il est dans l’obligation d’aller voir la douane au niveau du poste de surveillance qui est à la berge pour déclarer sa marchandise. Et l’agent qui est en permanence lui délivre ce qu’on appelle une fiche d’Ecor sur laquelle, il mentionne les noms de tous les produits qui composent la marchandise destinée au dédouanement. C’est cette fiche que le commerçant amène au bureau de la douane pour le dédouanement. Ainsi, l’agent lui communiquera  le montant à payer. Après le paiement de cette somme, l’agent lui remet une quittance extrait du carnet de quittance à souche. Ainsi, à l’aide de celle-ci, le commerçant peut écouler sa marchandise soit à Bakel, soit dans une autre localité du Sénégal».

La parfaite cohésion…

«Nous tissons de très bonnes relations avec la douane mauritanienne. Par exemple s’il y a un cas qui les dépasse ou il y a des problèmes à leur niveau, ils demandent nos avis, ce que nous ne refusons pas. Donc, la collaboration se passe très bien entre les deux postes de douane. Il y a un poste de douane et de police à Bakel (Sénégal) comme à Gouraye (Mauritanie). Ces unités travaillent ensemble et dans une parfaite cohésion», informe un agent de la douane sénégalaise.

La contrebande, monnaie courante…
On note des fois des actes de contrebandes parce qu’il arrive que les gens profitent de la descente du travail des agents de la douane et de la police pour commettre leurs actes ignobles. Pourtant, le préfet qui était là avait fixé l’arrêt des traversées à 19 heures. Cela n’est pas respecté parce que des gens continuent de faire la traversée au-delà de cette heure. Ils attendent à ce que tout le monde descend pour faire traverser leurs produits soit vers la Mauritanie soit vers le Sénégal.

Déficit d’agents

«On n’a pas un effectif suffisant. A Bakel, nous sommes six (06) agents plus le chef du bureau, ça fait un total de sept (07) agents de la douane. Normalement, c’est deux (02) agents qui doivent monter au niveau du poste à la berge. Les autres seront à la disposition du service. Notre territoire de contrôle commence de Moudéry jusqu’à Ballou et de Bakel jusqu’à Diyabougou. Ce qui fait que nous avons un autre poste de douane au village d’Aroundou. Là-bas aussi, il y a un agent sur place. C’est le même travail qui s’effectue au niveau de ce poste aussi», soutient toujours l’agent de la douane sénégalaise.

Entrées et sorties sur le territoire national

«La police est chargée du contrôle des personnes à l’entrée et à la sortie du Sénégal comme c’est le cas sur toute l’étendue du territoire national. Nous contrôlons les personnes, nous faisons le contrôle aux frontières en demandant aux gens leur passeport ou leur pièce d’identité. Nous vérifions si ces pièces qu’ils nous montrent s’appliquent bien à eux. C’est ça notre rôle. Nous contrôlons les entrées et les sorties sur le territoire national», souligne un agent de la police sénégalaise. Et de poursuivre «au cas où les pièces que le passager fournit ne sont pas conformes, il est tout bonnement refoulé. Il nous arrive qu’une personne se présente sans pièce à nous, on est obligé de le refouler, parce qu’on ne sait pas qui il est».

Le manque de personnel, un handicap…

«On ne peut pas mettre à chaque cent (100) mètres, un policier, vu notre effectif. A Bakel, l’entrée officielle c’est la berge. Si par exemple quelqu’un de mal intentionné décide de passer ailleurs, on ne peut pas le contrôler. Parce qu’on est là à l’entrée officielle. Cependant, on a d’autres postes de contrôle le long du fleuve. Mais entre les postes il y a une distance. On a beaucoup de postes au long du fleuve».Relation entre policiers et civils…

«Les gens sont aussi compréhensibles. Ils savent qu’ici c’est la frontière on doit montrer patte blanche avant de passer. Nous aussi, nous savons que ce n’est pas tellement facile parce que ce n’est pas tout le monde qui a un papier. C’est pourquoi, quelque fois, on est obligé de laisser passer. Et aussi quelqu’un qui vient avec des enfants, on ne peut pas vérifier si réellement ce sont ses enfants ou pas. N’oubliez pas qu’il y a un trafic d’enfants. Mais généralement, il n’y a pas de problème. On nous a jamais signalé une fois qu’il a un ou des enfants qui a/ont disparu. On tient bon. Généralement, à part les mauritaniens, ce sont les maliens qui y traversent souvent et des mauritaniens qui ont la nationalité française. A part eux, il n’y a pas d’autres nationalités qui passent ici».

Les conditions de travail…

«On a un siège. On a un poste de contrôle. C’est en réfection, il n’est pas totalement fini, mais on y est quand même. C’est bon par rapport aux autres secteurs. Je ne suis pas seul. C’est moi qui suis en garde aujourd’hui. Il y a les autres éléments qui  sont là, moi je suis le chef de poste. On travaille correctement comme partout ailleurs. Jusqu’à présent, on n’a rencontré aucun problème. Le travail marche normalement comme nous l’indique les instructions que nous recevons de la tutelle. Il n’y a pas de problème.Cependant, l’Etat sait ce qu’il doit faire. Ce n’est pas à nous de lui dire d’améliorer nos conditions de travail. Nous avons des supérieurs hiérarchiques qui savent tout ce dont on a besoin. Le matériel ne suffit jamais. Mais avec ce qu’on a comme matériel on parvient à faire des résultats. Et ce sont les résultats qui motivent l’autorité administrative à faire encore davantage des efforts pour améliorer le travail. On a notre manière de travailler, ce qui n’est pas à dévoiler dans la presse».

Tapa TOUNKARA (envoyé spécial à Bakel), GFM