Iran: Téhéran déroule le tapis gris pour Laurent Fabius

 

Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius commence ce mercredi sa visite officielle en Iran. Mais c’est un tapis gris que déroulent sous ses pas les imams et les leaders du camp conservateur. Ils en sont même à ressortir la vieille affaire du sang contaminé qui s’est déroulée à l’époque (de 1984 à 1986) où Laurent Fabius était premier ministre. L’ancien chef du gouvernement a été innocenté, mais la propagande des conservateurs iraniens ne s’encombre pas de détails aussi futiles.

Téhéran reproche surtout à la France d’être le membre qui lui était le plus défavorable au sein du groupe de pays (Etats-Unis, Russie, France, Chine, Grande-Bretagne et Allemagne) chargé de négocier le dossier nucléaire avec l’Iran. Paris a été perçu par les dirigeants iraniens comme trop proche d’Israël et de son refus de lever les sanctions économiques contre l’Iran.

Le président François Hollande n’a guère apprécié les piques lancées contre son ministre des Affaires étrangères: «La manière dont il sera accueilli sera pour nous une évaluation du comportement de l’Iran», a-t-il déclaré, hier à Paris, devant l’Association de la presse présidentielle.

Une nation de 80 millions de consommateurs

Maintenant que l’accord sur le nucléaire iranien a été conclu, la fin de l’embargo se profile. Si ces sanctions n’avaient pas interdit toutes relations commerciales avec l’Iran, elles en ont perturbé gravement le développement.

C’est dire l’importance sur le plan économique de l’accord nucléaire. Dès lors, la visite du ministre Laurent Fabius a aussi pour objectif de renouer des relations commerciales avec une nation de 80 millions d’habitants, grande productrice d’hydrocarbure et nantie d’une classe moyenne importante.

Suisse bien placée

Cela dit, Paris aura fort à faire. En effet, dans la ruée vers les parts de marché iraniennes qui se déroule dès maintenant, la France paraît mal placée. En 2011, elle figurait encore au septième rang des pays fournisseurs de l’Iran. Aujourd’hui, c’est la Suisse qui occupe cette place après avoir augmenté sensiblement ses exportations. La France est tombée au treizième rang.

A la fin du mois d’avril, notre Secrétariat d’Etat à l’économie a organisé un voyage de trois jours en Iran comprenant des diplomates et des dirigeants d’entreprises suisses. Il en est ressorti que la Confédération y est bien vue. Outre la qualité reconnue par les interlocuteurs iraniens des produits helvétiques – industrie médico-pharmaceutique, technologies propres, horlogerie, cimenterie, entre autres – et de ses services financiers, la Suisse a conservé d’excellentes relations avec la République islamique. Ainsi, la Confédération représente-t-elle à la fois les intérêts américains à Téhéran et les intérêts iraniens au Caire.

Chine en tête

Dans cette compétition pour s’arracher la clientèle iranienne, la Chine reste en tête. Les Emirats arabes unis et leurs services financiers et d’assistance commerciale, la Turquie, pourvoyeuse en produits de matière plastique, sont en pointe, de même que la Corée du Sud et l’Inde. L’Allemagne progresse fortement et se situe juste avant la Suisse; l’Italie s’est hissée à la dixième place dans le classement des fournisseurs. Allemagne, Suisse et Italie se font d’ailleurs une rude concurrence, car ils vendent le même type de produits. Les Pays-Bas se placent aussi dans ce même ensemble; toutefois, leur influence commerciale paraît en perte de vitesse.

Si la hache de guerre a été, provisoirement, enterrée avec l’Iran, la bataille commerciale, elle, ne fait que commencer.

(24 heures)