Seif al-Islam Kadhafi, fils du défunt dictateur libyen, et huit proches de l’ancien dirigeant, ont été condamnés à mort ce mardi 28 juillet 2015 à Tripoli. La sentence est intervenue après un procès de seize mois éclipsé par des violences et des divisions politiques. Les condamnés peuvent encore faire appel.
Verdict déploré
L’ONU, le Conseil de l’Europe et des organisations de défense des droits de l’Homme ont déploré ce verdict, dénonçant l’absence de procès équitable. Seif al-Islam et 36 autres prévenus étaient jugés pour leur rôle dans la répression meurtrière de la révolte ayant mis fin à l’ancien régime en 2011.
Souvent présenté comme le successeur potentiel de l’ex-dictateur, Seif al-Islam était absent à l’audience, parce qu’il n’est pas aux mains des autorités contrôlant Tripoli. Depuis son arrestation en novembre 2011, il est détenu à Zenten, au sud-ouest de Tripoli.
Un ex-Premier ministre
Parmi les condamnés à mort figurent le dernier Premier ministre de Kadhafi, Baghdadi al-Mahmoudi, et son ex-chef des services de renseignements, Abdallah Senoussi. Seuls les condamnés à mort peuvent faire appel du verdict, les peines de prison étant applicables immédiatement, selon le procureur général.
Outre les neuf accusés condamnés à mort par peloton d’exécution, huit ont été condamnés à la prison à perpétuité. Quatre ont été acquittés et les poursuites ont été abandonnées pour un accusé qui sera transféré dans un hôpital psychiatrique. Les autres prévenus ont été condamnés à des peines allant d’un à douze ans de prison. Vingt-neuf accusés étaient présents dans la salle du tribunal dans le centre de Tripoli. De strictes mesures de sécurité avaient été prises à l’occasion de cette audience.
Différend avec la CPI
Le procès a débuté en avril 2014, avant que les combats à Tripoli ne forcent le gouvernement reconnu par la communauté internationale à se réfugier dans l’est du pays. La capitale est tenue depuis août dernier par les miliciens de l’Aube libyenne, qui ont mis en place un gouvernement rival.
A Genève, le Haut Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies s’est déclaré «profondément inquiet» par ces condamnations à mort. «Nous avons suivi de près la détention et le procès et avons conclu que les normes internationales d’un procès équitable n’avaient pas été respectées», indique l’organisme onusien dans un communiqué.
A Strasbourg, le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, a condamné la décision de la justice libyenne. Il estime que l’affaire aurait dû être portée «devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye pour un procès équitable».
«Procès spectacle»
Saïf al Islam fait parallèlement l’objet de charges émises par la CPI pour la violente répression qui s’est abattue sur les manifestants au début de la révolution de 2011. Mais la CPI, qui ne peut aller au-delà d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, dépend du bon vouloir des Etats pour l’exécution des mandats d’arrêt qu’elle délivre.
A Amsterdam, l’avocat britannique de Saïf al Islam Kadhafi devant la CPI a dénoncé un «procès spectacle. (…) Ce procès a été jugé illégal par le propre ministre libyen de la Justice», a dit John Jones à l’agence Reuters. «Du début à la fin, tout ceci est illégitime. C’est une exécution sous couvert de justice», a-t-il ajouté.
Pays livré au chaos
Amnesty International (AI) estime que la procédure «est entachée de sérieux vices qui mettent en évidence l’incapacité de la Libye à rendre justice efficacement». Human Rights Watch a notamment appelé à un «réexamen approfondi et indépendant du verdict» par la Cour suprême saisie en cas d’appel. L’organisation signale que Seif al-Islam n’a plus été vu depuis plus d’un an.
Plus de trois ans après la chute du régime Kadhafi, la Libye est en proie au chaos. Le pays compte deux Parlements rivaux – et deux gouvernements – l’un basé à Tripoli sous la coupe de la coalition de milices Fajr Libya, et l’autre dans l’Est, le seul reconnu par la communauté internationale. (ats/Newsnet)