Espagne: La Catalogne veut tester le désir d’indépendance

Les résultats des prochaines législatives de Catalogne embarqueront-ils les Catalans vers l’indépendance? En anticipant d’un an les élections régionales, dont la date a été fixée hier au 27 septembre, le président catalan, Artur Mas, espère accélérer le processus vers une souveraineté irréversible. Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, le chef de file des nationalistes a pour objectif de faire sortir la Catalogne du giron espagnol alors qu’aucun moyen légal ne le permet.

Madrid, qui s’oppose farouchement au processus indépendantiste, n’a cessé, par l’intermédiaire des tribunaux, de faire avorter les différentes initiatives de l’Exécutif catalan. Ces jours-ci, le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, a mis en garde l’Exécutif catalan contre tout «dérapage», allant jusqu’à brandir l’article 115 de la Constitution, qui permet de transférer les prérogatives locales au niveau central: une humiliation pour les Catalans. «Nous ne tolérerons aucune propagande indépendantiste durant la campagne, nous exigeons le respect de la neutralité», a averti Rajoy, qui craint comme jamais un triomphe souverainiste.

L’affrontement est prévisible. L’ire de Madrid est d’autant plus forte qu’en face, une minorité très active des Catalans souhaite couper tous les ponts avec la capitale. C’est le cas de l’ANC, l’Assemblée nationale catalane, un organisme non officiel à l’origine de toutes les mobilisations massives en faveur de l’indépendance au cours de ces quatre dernières années; depuis 2013, la «Diada», la grande fête régionale célébrée le 11 septembre, a réuni près de deux millions de personnes dans les rues de Barcelone au cri de «In-de-pen-den-cia». C’est aussi l’ANC qui a encouragé le gouvernement régional à organiser, le 9 novembre 2014, un référendum d’autodétermination symbolique – sans valeur juridique et non reconnu par Madrid. Calqué sur le scrutin écossais, il a obtenu 80% de «oui» mais n’a pas dépassé les 40% de participation.

Les nationalistes catalans considèrent ce scrutin comme «plébiscitaire»: si la liste indépendantiste l’emporte, même avec une courte majorité, Artur Mas a prévenu qu’il n’y aura plus de retour en arrière; les autorités catalanes se donneront alors six mois à Madrid pour «bâtir les piliers du nouvel Etat» (Tribunal suprême, fisc, ambassades…). En juillet, après une entrevue avec Artur Mas, le roi Philippe VI a assuré que le leader nationaliste était «très déterminé».

Pour les indépendantistes, le temps presse. Ces derniers mois, leur popularité est en baisse, comme l’ont démontré les élections municipales de la fin de mai, où la gauche alternative et «indignée» emmenée par le parti Podemos a fait une percée fracassante et réduit la part du gâteau électoral des formations séparatistes: de plus en plus, les Catalans sont plus sensibles aux sujets sociaux qu’à ceux liés à la souveraineté. A preuve, l’élection à la tête de Barcelone de l’ancienne militante «Droit au logement» Ada Colau, qui a évincé le séparatiste de centre droit Javier Trias. Pour l’instant, Madame le maire s’est bien gardée de se prononcer sur l’épineuse et ultrasensible question de l’indépendance de la Catalogne. (24 heures)