JE SUIS SEDHIOU ou du syndicalisme face au défi de la gouvernance démocratique et de la poursuite du parasitisme d’Etat

Sédhiou est une région qui a droit à tous les droits
                                                                                                                 Eva Marie Coll SECK 
 
Camarade Secrétaire Général National du SUTSAS,
 
C’est avec un certain intérêt que j’ai vu l’évocation dont la situation à l’hôpital régional de Sédhiou a fait l’objet lors de la conférence de presse du 26 Août 2015 du Bureau Exécutif  National (BEN) de mon syndicat le Syndicat Unique des Travailleurs de la Santé et de l’Action Sociale (SUTSAS). « Le BEN  remercie l’ensemble des camarades pour leur mobilisation et leur détermination et les exhorte à rester vigilants pour le triomphe de la lutte dans les foyers tels que Ziguinchor, Louga, Sédhiou et Richard-Toll ». Cette mention même lapidaire, que je salue,  est d’autant plus importante que cela faisait bien trop longtemps que la situation à l’hôpital régional de Sédhiou méritait un traitement particulier par les instances nationales du SUTSAS mais également par celles des autres instances des autres syndicats de la santé et de l’action sociale représentés à Sédhiou. Mais également par l’Etat à travers le ministère de la santé et de l’action sociale.
Le BEN du SUTSAS a compris qu’on ne peut négliger la situation à l’hôpital régional de Sédhiou.
Sédhiou, c’est en effet 68,3% de la population qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est 62,7% de la population qui n’ont pas accès à l’eau potable en 2010. Entre 65 et 75% qui n’ont pas accès à l’électricité. Sédhiou c’est 808 villages sur plus de 924 qui ne disposent pas de l’électricité. C’est un taux de prévalence du VIH/Sida le plus élevé au Sénégal avec 1,1% contre 0,70 au plan national. Sédhiou c’est 40% des salles de classe qui sont en abris provisoires soit 1.666 sur 2.996 salles de classes. Sédhiou c’est des besoins d’investissements de 856 milliards de F CFA avec un coût de l’urgence évalué à 356 milliards de F CFA. Sédhiou c’est la région où le conseil des ministres décentralisé tenu le 25 février 2015 a retenu 200 milliards d’investissements en 02 ans dans le cadre d’un programme spécial. Avant dernière des 14 régions du Sénégal, « Sédhiou est une région qui a droit à tous les droits » selon le ministre de la santé et de l’action. « Sédhiou nécessite un programme de rattrapage »  de l’aveu même du premier ministre.
Sédhiou c’est aussi l’ancienne capitale de la Casamance et le berceau du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC).
Négliger la situation à l’hôpital régional de Sédhiou, c’est négliger la situation de cette région ci-dessus décrite.
Dans ce contexte, c’est tout simplement scandaleux que dans une région qui a droit à tous les droits et qui nécessite un programme de rattrapage que la direction de l’hôpital régional et le ministère de la santé veuillent réduire les travailleurs et leurs organisations syndicales au silence.
Les circonstances sont d’autant plus aggravantes que ceux que l’on veut réduire au silence n’ont commis qu’un seul crime, celui de dire que la gestion financière de l’hôpital régional de Sédhiou n’est ni sobre ni vertueuse et que ceux qui tentent d’imposer une omerta comme complément nécessaire à la gestion inacceptable de l’hôpital régional ont annoncé vouloir marquer leur magistère du sceau d’une gestion sobre, vertueuse et de rupture.
Le 06 Août 2015, le ministre de la santé et de l’action sociale a signé la note d’affectation de Ibrahima LO, agent à l’hôpital régional de Sédhiou et secrétaire général (SG) de la sous-section SUTSAS dudit hôpital. Cette affectation n’a pas été faite à la demande du concerné et n’obéit à aucune nécessité de service. Ce malgré la décision de la Cour suprême qui a invalidé l’affectation de Cheikh SECK, représentant du personnel de HOGGY au conseil d’administration à la Direction des Etablissements de Santé (DES) pour avoir dénoncé la gestion du directeur de l’hôpital de l’ex CTO. Le ministère de la santé et de l’action sociale n’a pas retenu la leçon. Qu’est-ce qui pourrait expliquer que dans une zone éloignée comme Sédhiou d’où les travailleurs veulent partir et destination vers laquelle les travailleurs ne se bousculent pas qu’un agent soit affecté alors qu’il ne l’a pas demandé ? En moins de deux ans Ibrahima LO (SG du SUTSAS), Oumar BA (SG du SYNTRAS) et Guy Marius SAGNA (chargé de la formation du SUTSAS) tous agents du ministère de la santé et de l’action sociale ont été affectés-sanctionnés de l’hôpital régional de Sédhiou où ils étaient en poste à Louga, Kolda et Dakar pour les mêmes raisons : la dénonciation de la gestion anti démocratique de l’hôpital régional de Sédhiou par le 2e directeur de l’EPS, Cheikh Mbaye SECK. Cela ne peut continuer ! Nous sommes Ibrahima LO !
Comment peut-on permettre que le directeur de l’hôpital de Sédhiou refuse de communiquer financièrement sur sa gestion d’un budget de 282 577 260F CFA (budget de 2014) dans la région de Sédhiou ?
Comment peut-on permettre que les recettes journalières de l’hôpital de Sédhiou puissent rester plus de 10 jours (entre 2 et 4 millions de F CFA) sans être versées dans la région de Sédhiou ?
Comment peut-on permettre dans la région de Sédhiou, que les membres du conseil d’administration de l’hôpital, dont certains ne font pas 400m pour se déplacer et qui parfois sont nourris au frais de l’hôpital lors de leurs réunions, s’attribuent des remboursements de frais de session de 50.000F CFA et que même le directeur et sa délégation qui participent aux réunions du conseil en bénéficient ?
Comment peut-on permettre que dans un hôpital régional, sensé réunir un personnel qualifié, que la fille du président du conseil d’administration soit recrutée comme matrone ? Pire comme élève-matrone ?
Quelque soit la forme utilisée, c’est cette gouvernance anti démocratique à l’hôpital régional de Sédhiou, en cours depuis son érection en établissement public de santé de niveau 1 (EPS1), qui est dénoncé depuis longtemps.
Dénonciations et luttes face auxquelles le gouvernement de gestion sobre et vertueuse, à travers le ministère de la santé et de l’action sociale, n’a eu pour toute réponse que de tenter de casser les thermomètres, en les affectant, et en laissant en place celui dont la gestion fait monter le mercure : le directeur de l’hôpital. Alors que la décision d’un bon père de famille aurait été d’enquêter pour tirer les choses au clair.
Est-ce cela la traduction en acte de la vision du président de la république qui a annoncé lors du lancement du Plan Pôle Développement de la Casamance (PPDC) que « des efforts immédiats seront également déployés, en vue de la réhabilitation urgente des Hôpitaux de Ziguinchor et de Sédhiou, ainsi que leur équipement adéquat. » ?
Le cadre de concertation des jeunes de Sédhiou a exigé le départ du directeur de l’hôpital. Ce cadre de concertation des jeunes exprime aussi l’idée que la frange jeune qu’il représente ne saurait tolérer que quelqu’un se comporte comme en pays conquis. Avec eux le SUTSAS doit dire : « Cheikh Mbaye Seck dégage ! »
Nous soutenons sans réserve et exprimons notre solidarité militante au SG Ibrahima Lo, aux camarades du SUTSAS de Sédhiou, aux travailleurs de l’hôpital, au cadre de concertation des jeunes de Sédhiou et aux populations de Sédhiou contre lesquels cet affront est dirigé. Nous sommes Sédhiou !
Soutien sans réserve qui ne nous fait pas oublier que l’affectation du secrétaire général du SUTSAS, Ibrahima LO, n’a été possible que parce que les militants ont été abandonnés à leur sort par la direction régionale syndicale du SUTSAS. Comment a-t-on pu en effet accepter pendant longtemps et à quel prix que le secrétaire général régional du SUTSAS ait une boutique qui est alimentée en électricité par l’hôpital régional  même quand c’est le groupe électrogène qui fonctionne lors des coupures d’électricité ? L’affairisme syndical tue le syndicat.
Résultat de cette politique du SUTSAS ? Mésalliance avec le directeur pour éloigner des camarades et des collègues dont le seul tort était d’attirer l’attention du syndicat et des travailleurs sur la voie de garage que constituait la tactique de compromission. Le SUTSAS a besoin d’un électrochoc pour sortir de ce réformisme handicapant. Le SUTSAS ne peut se faire le complice passif encore moins actif d’une politique qui ruine les structures de santé. C’est pourquoi, à défaut de ne pas être un syndicat anti impérialiste, l’une des contributions du SUTSAS à la lutte collective pour la sortie du sous-développement du Sénégal est une lutte intransigeante pour une gouvernance démocratique sinon du budget de l’Etat du moins du budget du secteur de la santé et de l’action sociale.
Aujourd’hui, l’hôpital de Sédhiou a besoin d’un nouveau contrat social hospitalier. L’actuel directeur est un frein vers cette perspective. C’est pourquoi, nous demandons au BEN du SUTSAS de soutenir la juste revendication de « Cheikh Mbaye SECK dégage ! ». L’élaboration de ce nouveau contrat social nécessite un audit en profondeur et sans complaisance de la gestion de l’hôpital et un bilan de la tactique et du rôle du SUTSAS depuis l’érection en EPS1.
Les travailleurs de la santé et de l’action sociale de la région de Sédhiou ont besoin d’un accompagnement durant cette période pour faire face à la volonté manifeste du directeur de l’hôpital et du ministère de piétiner les libertés syndicales et libertés d’expressions les plus élémentaires.
Ces travailleurs ont également besoin d’une formation syndicale qui leur servira de boussole dans les différentes situations auxquelles ils seront confrontés.
Le BEN du SUTSAS ne doit plus accepter que le secteur de la santé et de l’action sociale soit un secteur de non-droit. Les affectations obéissent à une procédure bien connue dans le secteur de l’éducation. Au nom de quoi le personnel de la santé et de l’action sociale devrait-il continuer à rester à la merci du ministère au point que certains syndicalistes sans vision syndicale n’ayant  rien à proposer à leurs camarades leur fassent miroiter des facilités en termes d’affectation, de rapprochement conjugal…? La gestion démocratique du personnel est une exigence à arracher au ministère de la santé et de l’action sociale et aux syndicalistes affairistes.
C’est le décret n° 2010-774 en date du 15 juin 2010 qui constitue l’acte de naissance transformant dix (10) centres de santé de référence (1.Centre de santé de référence Roi Baudouin de Guédiawaye ; 2.Centre de santé de référence de Dakar Sud ou Institut d’Hygiène Sociale de Dakar (IHS) ; 3.Centre de santé de référence Youssou Mbargane de Rufisque ; 4.Centre de santé de référence Ndamatou de Touba ; 5.Centre de santé de référence de Richard Toll ; 6.Centre de santé de référence de Sédhiou ; 7.Centre de santé de référence de Kaffrine ; 8.Centre de santé de référence de Mbour ; 9.Centre de santé de référence de Tivaouane ; 10.Centre de santé de référence de Linguère.) en dix (10) établissements publics de santé (EPS) hospitaliers de niveau 1. Dans ses propositions et recommandations relatives aux EPS, la cour des comptes sur l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes au Sénégal suggérait dans son rapport de 2012 publié en 2013 d’« évaluer la réforme hospitalière ».
Sédhiou, c’est aussi l’expression de la crise de la libérale réforme hospitalière de 1998. Le SUTSAS, en son sein,  ne peut différer la réflexion qui s’impose : sortir de la libérale réforme hospitalière en crise ou sortir la libérale réforme hospitalière de la crise ?
Camarade Secrétaire Général National du SUTSAS, ensemble nous pouvons relever ces défis. La lutte continue ! Nous vaincrons !
 
NB : cette lettre de soutien à Ibrahima LO, aux camarades du SUTSAS de Sédhiou, aux travailleurs de l’hôpital régional et aux populations de Sédhiou ainsi qu’au BEN du SUTSAS sera rendue publique.
 
Dakar, le 02 septembre 2015                          
Guy Marius SAGNA