Après Daech à Paris, Al-Qaida frappe Bamako

Paris n’a pas séché ses larmes que c’est au tour de Bamako de pleurer. Une attaque terroriste y a fait au moins 22 morts et plusieurs blessés. Tôt vendredi matin, un groupe d’hommes lourdement armés investit l’hôtel Radisson dans la capitale malienne pour y prendre en otage les clients. Parmi eux, des Français, des Belges, des Allemands, des Turcs, des Chinois, des Indiens, des Canadiens, des Algériens et des Américains. Pas de Suisses, selon le DFAE. Une opération revendiquée un peu plus tard dans l’après-midi, non pas par Daech cette fois, mais par Al-Mourabitoun, une organisation affiliée à Al-Qaida qui a déjà ciblé les intérêts français par le passé.

Issue de la nébuleuse djihadiste de Mokhtar Belmokhtar, Al-Mourabitoun a recours à des recettes éprouvées pour s’imposer dans le paysage et gagner en notoriété: enlèvements, attentats, exécutions… C’est ce même groupe qui a revendiqué l’attaque du 7 mars 2015, au cours de laquelle cinq clients d’un restaurant de Bamako, trois Maliens, un Français et un Belge, ont été tués.

Une opération bien préparée

Après les attentats de Paris, la sécurité de l’hôtel Radisson avait été renforcée. Mais cela n’a pas empêché le commando surarmé d’investir cet hôtel fréquenté par les diplomates et les hommes d’affaires étrangers. L’établissement, situé dans un quartier sécurisé, semblait hors de portée des djihadistes. Mais c’était sans compter sur leur détermination et une planification millimétrée.

Vers 7 heures du matin, trois membres du commando arrivent à bord d’un 4X4 noir muni de plaques diplomatiques. Les passagers qui s’en extirpent ouvrent immédiatement le feu sur les gardes postés à l’entrée du Radisson. Il ne faut que quelques secondes aux trois terroristes, rejoints semble-t-il par des complices, pour s’engouffrer dans le hall de l’hôtel de 190 chambres où séjournent 160 personnes. La suite est plus chaotique. Des tirs sporadiques sont entendus depuis l’extérieur.

Pendant toute la durée de la prise d’otages, une incertitude demeure sur le nombre des assaillants et leur objectif final. Au fil des heures, des dizaines de clients et d’employés du Radisson parviennent à s’échapper. L’inquiétude grandit quand des témoins rapportent que les terroristes ont pris le contrôle du septième étage où est censé se trouver un équipage d’Air France. Leur présence dans l’hôtel est effectivement confirmée par la direction de la compagnie aérienne. C’est le soulagement à Paris dans l’après-midi, lorsque les autorités maliennes annoncent l’extraction des pilotes et des hôtesses présents. Soulagement aussi à Alger lorsque l’on apprend que la délégation algérienne venue à Bamako pour relancer les discussions entre le gouvernement malien et les rebelles de l’Azawad a été libérée par les terroristes. Parmi cette délégation figure un haut responsable de la DRS, les services de renseignements algériens.

Menace globale

Dans la confusion, il est également question au cours de la journée d’un regroupement des otages dans les sous-sols de l’hôtel. Paris et Washington qui craignent pour leurs ressortissants donnent le feu vert à une action rapide et concertée avec les forces de sécurité malienne qui opèrent déjà sous leur coupe. En fin de matinée, les militaires français de la force Barkhane, des casques bleus de la MINUSMA mais aussi des éléments des forces spéciales américaines basées dans la région lancent une série d’assauts pour libérer les otages. Une progression chambre par chambre, étage par étage qui s’achève en fin d’après-midi. Deux terroristes sont tués, les autres se retranchent dans les derniers étages de l’hôtel mais sans otages.

Hier, le président malien Ibrahim Boubakar Keita, à la tête d’un Etat qui reste extrêmement fragile, se trouvait à N’Djamena, la capitale tchadienne, pour une réunion régionale consacrée, justement, à la menace djihadiste dans le Sahel. Il a écourté cette réunion pour rentrer à Bamako. De son côté, Paris a dépêché une équipe de gendarmes du GIGN sur place pour épauler le pouvoir malien et renforcer la sécurité de ses ressortissants. (TDG)