Etats-Unis: Les fusillades quotidiennes hantent l’Amérique et la fin de mandat d’Obama

Plus de 360 fusillades en 2015! Au cours des douze derniers mois, les Etats-Unis ont, en moyenne, subi chaque jour un assaut faisant au minimum quatre blessés, selon le site shootingtracker.com. Et la fréquence de ces attaques de folie meurtrière s’accélère, note le Washington Post. La moitié des pires tueries ont eu lieu ces huit dernières années. Une situation «sans équivalent ailleurs dans le monde», martelait le président Barack Obama au lendemain de la tuerie de San Bernardino (Californie) qui a fait 16 morts et 21 blessés le 2 décembre.

C’est d’autant plus vrai si l’on prend en compte le nombre total d’homicides par arme, qu’il s’agisse ou non de fusillades. Chaque jour en moyenne 86 personnes sont tuées par balle aux Etats-Unis et plus de 190 sont blessées. Dans un éditorial publié exceptionnellement en une, le New York Times a appelé il y a quelques jours à «Mettre fin à l’épidémie des armes à feu en Amérique», fustigeant l’immobilisme des politiques. Comment l’expliquer?

Record absolu d’homicides

D’abord, un constat. Dans aucun pays industrialisé le taux d’homicides par arme à feu n’est comparable à celui des Etats-Unis. Selon les chiffres de l’ONU, la Suisse du citoyen soldat arrive en deuxième position, avec environ 7,7 meurtres par balle pour un million d’habitants (en 2012). C’est bien pire que la Belgique (6,8), l’Irlande (4,8), l’Autriche (2,2) ou l’Allemagne (1,9), mais c’est près de quatre fois moins que les 29,7 assassinats par million d’habitants sur les terres de Barack Obama. Le contraste est encore plus saisissant avec le voisin du nord: le Canada (5,1).

Champion des armes à feu

Les Etats-Unis sont aussi le pays qui compte le plus d’armes à feu détenues par de simples citoyens. En moyenne, il y en aurait presque une par habitant si l’on en croit les estimations. Bref, plus de 300 millions. C’est énorme. Avec 4,43% de la population mondiale, ce pays détient 42% de toutes les armes à feu à usage privé, note le Washington Post.

Cela dit, leurs détenteurs sont en minorité. Leur nombre est en recul depuis 1980, quand ils représentaient la moitié des adultes. Aujourd’hui, entre 34 et 43% des Etasuniens disent en avoir une à la maison, selon le centre de recherche Pew. Entre 22 et 29% affirment en être propriétaire. Il s’agit d’une population plutôt blanche, souvent rurale ou vivant dans l’un des Etats du sud.

Or, les données compulsées par le magazine Mother Jones confirment qu’il y a davantage d’homicides dans les Etats où l’on trouve plus d’armes et moins de morts dans ceux qui disposent de lois imposant des contrôles. Pourtant, un citoyen sur deux continue à défendre le droit à détenir une arme et se méfie de toute mesure restrictive. La National Riffle Association (NRA), puissant lobby des armes, joue un rôle clé lors des élections en finançant ceux qui partagent ses vues et en menant des campagnes agressives contre tout politicien qui chercherait à réglementer ce marché.

Enjeu identitaire majeur

Le droit aux armes est garanti par la Constitution, dans le deuxième amendement. Il a été confirmé par deux fois par la Cour suprême. C’est une question identitaire, explique Didier Combeau dans son livre Des Américains et des armes à feu (Belin, 2007). Notamment parce que la conquête de l’Ouest et la figure du colon assurant seul sa sécurité ont été mythifiés. Ne serait-ce que dans les westerns. L’arme y est un gage de liberté, mais aussi de responsabilité individuelle. Chaque citoyen a le devoir de contribuer au maintien de l’ordre. Le désarmer, c’est réduire son rôle dans la société, sa capacité d’agir pour son bien et celui de la collectivité. «La seule chose pouvant arrêter une mauvaise personne avec une arme est une bonne personne avec une arme», martèle la NRA. De même, après la fusillade de San Bernardino, Ashley Pettit, belle-sœur d’une des survivantes, a déclaré aux médias: «Si quelqu’un dans la pièce avait été armé, il aurait peut-être pu arrêter plus vite» le couple de tireurs.

Démocratie de milice

Le droit aux armes, c’est aussi un symbole de la démocratie à l’américaine, note encore Didier Combeau. Pour les pères fondateurs, cela devait permettre à chacun d’entrer en résistance au cas où l’Etat fédéral deviendrait tyrannique. Réglementer la vente d’armes est une prérogative des Etats régionaux. La Californie, très restrictive en la matière, côtoie le Nevada et l’Arizona, plus laxistes. Une loi fédérale est une intrusion jugée intolérable.

Le New York Times note toutefois que l’Australie, autre Etat fédéral anglophone s’identifiant à la conquête des grands espaces, a connu une évolution différente. Après une fusillade en 1996, le conservateur John Howard a fait confisquer 650 000 armes à feu. Résultat: il n’y a pas eu une seule fusillade jusqu’à l’an dernier.

(TDG.CH)