Tambacounda: Un responsable de la JIR déplore l’apparition d’un discours opposant confréries et associations islamiques

Le vice-président du mouvement de la Jamatou Ibadou Rahmane (JIR) a déploré samedi à Tambacounda, l’apparition d’un discours tenu par des responsables politiques et religieux et qui est de nature à attiser des tensions entre les confréries et les associations islamiques qui sont toutes des composantes de la même communauté musulmane.

Le docteur Abdoulaye Lam, chargé de la formation au sein de la JIR, animait sur la place de la mairie de Tambacounda, une conférence publique portant sur le thème ‘’la diversité en islam’’. S’adressant à une assistance composée d’imams, d’inspecteurs de l’éducation et d’élèves, entre autres participants, le docteur Lam, par ailleurs professeur d’arabe, a mis l’accent sur le caractère naturel de la diversité, tant chez les humains que dans toute la création.

‘’La diversité est naturelle parmi les hommes et dans toute la création’’, a-t-il dit, relevant que ‘’la diversité est un fait que personne ne peut nier, dans les couleurs, les langues, les ethnies et tribus’’. Au sein de ces mêmes-entités, il y a encore d’autres sous-groupes qui montrent encore cette diversité, a-t-il poursuivi.

Il a cité ce verset coranique ‘’Ô hommes ! Nous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous auprès d’Allah est le plus pieux’’.

‘’La diversité n’est pas un mal, mais une complémentarité’’, a-t-il lancé, estimant que l’essentiel est de voir comment l’exploiter pour en tirer un bénéfice pour tous. ‘’C’est un point fort dont il faut se servir pour servir l’islam, mais ne devrait pas être une source de tension’’.

Il a déploré la tendance actuelle consistant à ce que de hauts responsables politiques et religieux tiennent un discours de nature à attiser des tensions entre les confréries et les autres associations islamiques qui sont toutes des composantes de la même communauté musulmane.

Outre les juifs et les chrétiens avec lesquels les premiers musulmans ont cohabité à Médine, la diversité a existé au sein-même de l’islam depuis ses débuts, avec les Mouhadjirounes qui ont émigré de la Mecque vers Médine et les Ansars (les auxiliaires) qui les ont accueillis, et Allah les a tous vantés, a-t-il argumenté.

Après les compagnons et les générations suivantes, il y a eu des écoles, des courants de pensée, puis, des confréries, des associations islamiques, a ajouté le conférencier.

‘’Les ennemis de l’islam utilisent ces petites divergences pour nous monter les uns contre les autres’’, a-t-il lancé, non sans ajouter par ailleurs : ‘’si nous reconnaissons les chrétiens et leur droit à vivre leur religion en tant que Sénégalais pourquoi ne reconnaîtrions-nous pas d’autres musulmans sénégalais comme nous qui ont décidé de ne faire partie d’aucune confrérie’’.

Il leur est reproché de combattre l’islam tel que transmis par les premiers chefs religieux du pays, a-t-il dit, non sans ajouter : ‘’Personne ne peut combattre les anciens de l’islam sans lesquels nous ne serions peut-être pas musulmans’’, a-t-il martelé, estimant que les associations islamiques sont plutôt venues perpétuer leur legs, sous une autre forme.

A travers les écoles mises sur pied, il ne s’agit pas de combattre les daaras traditionnels, mais de continuer l’objectif de ces hommes religieux à savoir l’enseignement du Coran selon une forme plus en phase avec le contexte actuel, a-t-il encore fait valoir.

Il a toutefois relevé l’attitude d’instrumentalisation de la religion à des fins personnelles de certains chefs religieux contre lesquels le fondateur du Mouridisme Cheikh Ahmadou Bamba et le chef de file de la Tidjaniyya, El Hadji Malick Sy ont mis en garde leurs disciples dans leurs écrits.

Pour lui, ces discours de confrontation véhiculés sont ‘’importés’’ de l’étranger. Autant l’importation d’un discours religieux incompatible avec le contexte peut créer des problèmes, autant le placage d’un discours politique peut être néfaste, a-t-il averti. ‘’Réglons nos problèmes en tant que Sénégalais et nous serons en paix’’, a-t-il préconisé.

Citant le prophète (PSL), il a noté que ‘’le musulman est en paix tant qu’il n’aura pas contribué à verser le sang d’un autre musulman’’.

Il a également mis en cause le manque de maturité de beaucoup de musulmans, qui ont perdu de vue les principaux enjeux autour desquels ils devraient se mobiliser, pour s’attarder sur des ‘’détails’’. Il a donné l’exemple de mosquées fermées à cause de légères divergences de vue entre fidèles.

Pour lui, les préjugés persistant entre les différentes sensibilités religieuses ne pourront être dissipés tant que chaque partie restera dans son coin pour jeter l’opprobre sur l’autre. Seuls des discussions de haut niveau entre savants des différentes sensibilités, dans un cadre apaisé où chacun ne sera mu que la vérité d’où qu’elle vienne, peuvent aider à balayer ces appréhensions qui peuvent conduire à des conflits, a-t-il dit.

Pour décrire ces divergences entre musulmans, il a donné l’image d’un billet de banque que plusieurs personnes s’arrachent, chacun allant de son côté avec son bout pensant détenir l’argent. ‘’Aucun des morceaux ne sera valable que quand ils se seront entendu pour recoller les morceaux et avoir un billet en entier’’.

En guise de recommandations, il a estimé que le préalable est une reconnaissance mutuelle entre musulmans quelle que soit leur sensibilité. Il faut aussi qu’ils mettent l’accent sur les principes communs et soient indulgents les uns vis-à-vis des autres concernant leurs divergences. Il a enfin appelé à bannir le sectarisme.

Concernant les organisations terroristes, il a préconisé une recherche impliquant des sociologues et hommes de religion pourrait, afin en déceler les véritables causes et de l’endiguer, étant donné que ‘’les idées sont ce qu’il y a de plus difficiles à arrêter’’. Toujours est-il qu’on ne saurait faire porter la responsabilité des actes commis par ces groupes qui ne représentent pas l’islam à toute une catégorie de musulmans.

Il a invité les musulmans à élargir l’islam à la dimension de sa véritable envergure et à ‘’ne pas le restreindre à des confréries, associations ou autres écoles’’. Les compagnons du Prophète n’appartenaient à aucune de ces écoles et ils n’en étaient pas moins des musulmans, a-t-il fait remarquer.

Il a noté que la JIR dont il est l’un des responsables s’était donné comme mission de contribuer à l’unité des musulmans dans toute leur diversité. Les fondateurs de ce mouvement dont l’actuel président Sérigne Babou, a-t-il relevé, avaient fait le tour des foyers religieux du pays pour recueillir les avis des chefs religieux et leur bénédiction, avant de créer ce mouvement en 1978.

C’est ainsi qu’ils avaient rencontré le khalife de Touba Abdou Lahad à Touba Bélel, qui avait salué l’idée et avait été le premier contributeur à verser de l’argent dans la caisse de la JIR. Feu le khalife de Tivaouane Abdoul Aziz Sy Dabakh qui il les avait reçus avait aussi approuvé leur démarche, indiquant qu’il était en train de rédiger un livre qui traitait justement de cette problématique d’unification des musulmans, a-t-il ajouté.

Sur la base de cette vision, les responsables de la JIR prennent part au Magal de Touba, au Gamou de Tivaouane ainsi qu’aux autres évènements religieux organisés par les confréries, a-t-il dit, notant qu’une délégation de ce mouvement s’est rendue jeudi chez l’actuel khalife des mourides Sérigne Sidy Mokhtar Mbacké.

‘’C’est la première fois que j’assiste à une conférence où l’on présente l’islam dans toute sa diversité’’, s’est réjoui l’inspecteur d’arabe Papa Fall, pour qui ‘’le seul moyen de combattre les mouvements terroristes est de présenter des discours de ce type’’. Il a estimé que l’ignorance de la religion, est une des principales sources de tension.

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