Nigeria: Plus de 4000 chrétiens tués, dans l’indifférence

Le 14 avril 2014, plus de 200 adolescentes étaient enlevées par Boko Haram dans la petite ville de Chibok (nord-est), dans un kidnapping sans précédent. Leurs ravisseurs, qui avaient menacé de les vendre, avaient assuré que nombre d’entre elles s’étaient ensuite converties à l’islam. Ce rapt avait provoqué une vague d’indignation au Nigeria et dans le monde. Mais, deux ans plus tard, la situation ne fait qu’empirer.

L’ONG Portes Ouvertes a dénoncé lundi la «violence continue» contre les chrétiens dans le nord du Nigeria, qui a fait des milliers de victimes, évoquant «une menace pour la survie de l’Eglise» dans ces régions.

«Quand on évoque les chrétiens persécutés, on pense au Moyen-Orient, à ce qui se passe en Syrie et en Irak. Mais l’Afrique est le deuxième foyer de persécution mondiale, et même le premier en ce qui concerne le nombre de chrétiens tués, en particulier le Nigeria», a expliqué le directeur pour la France de Portes Ouvertes, Michel Vardon, au cours d’une conférence de presse à Paris.

Plus de 4000 tués l’an dernier

Au moins 7100 chrétiens ont été tués dans le monde en 2015 «pour des raisons liées à leur croyance», dont 4028 dans le seul Nigeria, selon le rapport annuel de Portes Ouvertes (Open Doors), qui publie chaque année depuis 1997 un état mondial des persécutions contre les chrétiens.

Selon les conclusions de l’étude réalisée entre septembre et décembre 2015 et présentée lundi, intitulée «Ecrasés mais pas anéantis», entre 9000 et 11’500 chrétiens ont été tués dans les violences de 2006 à 2014 dans le nord du Nigeria, quelque 1,3 million de chrétiens ont été déplacés entre 2000 et 2014 et plus de 13’000 églises ont été détruites, fermées de force ou abandonnées.

Alerter la communauté internationale

«Ce rapport est important pour nous, car il permet de se rendre compte de l’ampleur de la violence subie par les populations chrétiennes dans le nord du Nigeria, une violence ciblée mais qui a jusqu’à présent échoué à attirer l’attention et la compassion de la communauté internationale», a jugé Yusuf Turaki, professeur de théologie au Nigeria.

Trois acteurs principaux des violences et discriminations contre les chrétiens sont identifiés dans le rapport: les élites politiques et religieuses musulmanes, qui veulent préserver leurs intérêts économiques et politiques; les groupes islamistes radicaux, dont le plus connu est Boko Haram; les bergers peuls musulmans, que la désertification conduit à se déplacer vers le sud où ils entrent en conflit avec les populations chrétiennes.

Gouvernement impuissant

«Le gouvernement a jusqu’à présent échoué à contenir la menace des djihadistes de Boko Haram, qui assassinent les chrétiens qui ne se convertissent pas à l’islam, et des bergers peuls musulmans, qui se conduisent exactement comme les Janjawids au Darfour», a dénoncé Yusuf Turaki, en référence aux milices soutenues par le gouvernement soudanais et recrutées au sein des tribus arabes, qui ont commis depuis 2003 des atrocités contre des civils.

Il appelle à «résoudre la dualité conflictuelle, au sein de la constitution du Nigeria, de la cohabitation de la démocratie et de la théocratie musulmane», alors que la charia (loi islamique) est appliquée dans douze Etats du nord du pays.

«Si les autorités fédérales et locales continuent à détourner les yeux, alors la communauté internationale doit surveiller la situation et attirer l’attention des autorités nigérianes sur les violences et discriminations constatées», a estimé Arne Mulders, auteur du rapport.

(afp/nxp)