Tsunami électoral «L’extrême droite pourrait bien présider l’Autriche»

«Oui, s’il n’y a pas une mobilisation de l’électorat centriste, Norbert Hofer (45 ans), le candidat d’extrême droite, peut très bien remporter la présidentielle face au candidat des Verts, Alexander Van der Bellen (72 ans), lors du second tour, le 22 mai.»

Au lendemain du premier tour d’un scrutin qualifié de tsunami par plusieurs journaux autrichiens, Gilbert Casasus n’écartait nullement, lundi, l’hypothèse d’une victoire du candidat de la formation d’extrême droite FPÖ (Parti de la liberté). Professeur en études européennes à la Faculté des lettres de l’Université de Fribourg, ce spécialiste des droites européennes dresse un constat alarmant du paysage politique autrichien.

Le cas le plus inquiétant

Alors que le continent est aux prises avec la crise des migrants et la montée des nationalismes, «l’Autriche n’est pas un cas unique en Europe, mais c’est le plus inquiétant», dit le politologue. Pour trois raisons principales.

D’abord, le scrutin de dimanche a confirmé l’échec du bipartisme, les candidats des deux grandes formations traditionnelles que sont le SPÖ (social-démocrate) et l’ÖVP (conservateur) ayant recueilli moins de 12% des voix chacun. «C’est un avertissement pour toute l’Europe. Ces scores démontrent que les grandes coalitions ne peuvent être efficaces que sur une courte période et ne peuvent s’inscrire dans la durée.»

Pas de rupture avec le nazisme

Par ailleurs, et cela ne concerne que l’Autriche, «ce pays est le seul en Europe qui a un parti – le FPÖ – qui n’a jamais rompu avec le nazisme». Enfin, assure le politologue, il y a un élément très important qui concerne l’attitude des Autrichiens vis-à-vis de leur passé. «Si l’on additionne les voix de Norbert Hofer à celles de la candidate indépendante et du candidat de l’ÔVP, cela fait plus de 66% des Autrichiens qui ont voté pour des politiciens qui prétendent encore que l’Autriche a été une victime du nazisme. Près de 80 ans après l’Anschluss, c’est très grave et cela montre que contrairement aux Allemands, les Autrichiens sont incapables de se confronter à leur passé, qu’ils ont un problème de mémoire.»

Un faux modéré

Enfin, concernant les deux candidats qui s’affronteront le 22 mai, le politologue estime que Norbert Hofer (36,4% des voix au premier tour) peut apparaître comme un candidat «modéré» du FPÖ. «Car il a des dents, mais comme il n’a pas encore ouvert la bouche, on ne le sait pas!» Quant au Vert Van der Bellen, «il est très compétent, très calme, très réfléchi, très serein, mais avec toutes ses qualités, il est sans doute un peu ennuyeux. Sans compter qu’il a près de trente ans de plus que son adversaire Hofer», conclut Gilbert Casasus.

(TDG)