Etat de droit: Faez Serraj, la dernière chance de paix en Libye

Petit à petit, bâtiment par bâtiment, le gouvernement d’union nationale s’installe à Tripoli. Ce lundi, Faez Serraj, le premier ministre de cette autorité soutenue par la communauté internationale, a récupéré le siège du Ministère des affaires étrangères. Toujours basé, avec son cabinet resserré, dans la base navale où il est arrivé le 30 mars, le chef du nouveau gouvernement contrôle à présent six ministères dans la capitale.

Depuis cette arrivée, qualifiée de «courageuse» par les Occidentaux, l’idée d’une intervention internationale, maintes fois évoquée ces derniers mois, semble en suspens. Vendredi à Londres, Barack Obama affirmait: «Il n’y a aucun projet pour (envoyer) des troupes au sol en Libye. Je ne pense pas que cela soit nécessaire.»

Paris et Londres n’excluent rien

Mais la veille, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, se voulait plus nuancé: «La grande nouveauté, c’est qu’il y a un gouvernement reconnu avec un premier ministre qui a eu le courage de s’implanter à Tripoli. Dont la première mission doit être de consolider sa propre assise, de faire en sorte qu’il y ait une solidification du processus militaire interne. Ensuite, s’il a besoin de soutien, il le déclarera.»

Londres, par l’intermédiaire de son secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Philip Hammond, n’a pas non plus, dimanche, fermé la porte à une intervention: «Cela n’aurait pas de sens de tout exclure d’emblée, parce qu’on ne sait jamais comment les choses évoluent. Mais s’il était question d’un rôle de combat des Britanniques sous quelque forme que ce soit, au sol, en mer ou par air, cela irait à la Chambre des communes.»

Légitimité fragile

Cette prudence a une raison: la partie est loin d’être gagnée pour le gouvernement d’union nationale, qui doit faire face à des personnes récalcitrantes au sein des deux clans qui s’opposent depuis 2014: celui de Tobrouk et celui de Tripoli. Il se trouve également dans une position politique difficile en l’absence d’une validation légale telle qu’exigée par les accords de Skhirat, signés en décembre.

Le Conseil d’Etat, la plus haute instance consultative du pays, créé par les accords de Skhirat, est né lui aussi dans des circonstances qui posent la question de sa légitimité. Une partie du Congrès général national (CGN), le parlement élu en 2012 et en place jusqu’à présent à Tripoli, s’est autodissoute pour fonder le Conseil d’Etat sans respecter les étapes indiquées dans les accords. De plus, une autre partie du CGN rejette ce nouvel organe qui a pris possession de ses locaux vendredi.

Forces spéciales en action

Déjà considéré par ses détracteurs comme inféodé aux Occidentaux, Faez Serraj risquerait de compliquer son installation en appelant ceux-ci à l’aide. Et ils l’ont bien compris: «Il faut laisser une chance à Serraj de prendre le pouvoir calmement. Ensuite, nous verrons. Mais il est possible que le soutien soit plus discret qu’annoncé», reconnaît un diplomate.

En réalité, l’aide est déjà d’actualité. La France et les Etats-Unis ont des forces spéciales sur le terrain, notamment à Misrata, Benghazi et Tripoli. Selon des sources locales, des Français seraient arrivés récemment à Sebha, capitale du sud. Moussa El-Koni, vice-premier ministre du gouvernement d’union nationale, confirme le rôle joué par la France: «Paris a déjà une base (à Madama, au Niger), près des frontières sud-libyennes, pour contrôler le passage. C’est important, car la zone rassemble tous nos problèmes: terrorisme, immigration, trafic…» Les Etats-Unis, eux, ont déjà conduit des «frappes chirurgicales» contre le groupe Etat islamique à Sabratha (70 km à l’ouest de Tripoli) et à Derna, dans l’Est libyen. Avec un certain succès.

(TDG.CH)