Eurofoot 2016 : Les fan zones de l’Euro font trembler la France

La fête du foot pendant l’état d’urgence! C’est ce paradoxe que va vivre la France. Elle prévoit ainsi d’accueillir 10 millions de supporters du 10 juin au 10 juillet, lors de son Eurofoot. Et comme le souligne l’expert en sécurité Alain Bauer (lire ci-dessous), elle «risque de manquer de personnel de sécurité». En effet, l’inquiétude est grande après les attaques suicides aux abords du Stade de France lors du match amical France-Allemagne, le soir du 13 novembre. Et les mesures de sécurité, qui ont effectivement bien fonctionné au Stade de France, ont été étendues en partie aux fan zones. (Lire aussi ci-dessous: «Nous risquons de manquer de personnel de sécurité!»)

Au final, il faut donc sécuriser dix stades (et autant de villes) qui accueilleront quelque 2,5 millions de supporters des 24 équipes nationales engagées dans la compétition (51 matches en tout). Mais d’autre part, quelque 7 à 8 millions de personnes sont attendues aux quatre coins de la France. Ces fans vont, en majorité, converger vers les fan zones. Le point faible du maillage sécuritaire, selon les spécialistes

La France en état d’urgence

Dans ce contexte, le gouvernement français a prolongé l’état d’urgence de deux mois pour faire face aux défis que représentent les deux grandes manifestations sportives de l’été, selon Manuel Valls. Soit l’Euro 2016 et le Tour de France (du 2 au 24 juillet). Cet état d’urgence permet notamment d’assigner à résidence toute personne «dont l’activité est dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics» sans passer par un juge.

N’oublions pas les hooligans!

Les djihadistes feraient presque oublier les hooligans! L’état d’urgence doit également permettre à la police de contenir toutes les violences en marge de l’événement sportif. D’ores et déjà cinq matches ont été classés à haut risque. Dont un Angleterre-Russie du 11 juin, un Allemagne-Pologne du 16 juin et un Ukraine-Pologne du 21 juin qui, pour peu, nous renverraient au bon vieux temps de la guerre froide!

La menace de Daech

La menace terroriste islamiste, elle, n’a pas changé. Elle reste à un niveau élevé. D’autant que selon des informations sur l’enquête en cours, divulguées par BFMTV, la cellule djihadiste qui a frappé en novembre à Paris et en mars à Bruxelles a envisagé de commettre des attentats en France avant et pendant l’Euro. Le but était notamment d’attaquer des infrastructures de transport. Et le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, n’a pas hésité à avancer que le scénario de matches joués à huis clos a déjà été envisagé avec les organisateurs. «On ne peut pas rehausser en permanence ce qui est déjà à un niveau très élevé», a-t-il expliqué à propos du niveau d’alerte. Quelque 68000 fonctionnaires des forces de l’ordre sont mobilisés.

Les stades, véritables citadelles

C’est vendredi dernier que le chef de la sûreté de l’Euro, Ziad Khoury, a détaillé les mesures pour les spectateurs. Les stades seront protégés par un double périmètre de sécurité. Dans un rayon d’un kilomètre autour de l’enceinte ne pourront pénétrer que les personnes munies d’un billet. Les spectateurs devront aussi laisser leurs sacs dans une consigne et seront fouillés. Un premier contrôle du billet sera effectué, évidemment. Ensuite, au niveau de l’entrée du stade, une nouvelle vérification du billet sera opérée. Les stadiers procéderont à une palpation, si nécessaire. Dans les tribunes, les spectateurs seront placés et leur billet sera contrôlé une dernière fois. Le coût de ces dispositions est estimé à 40 millions d’euros.

Et les fan zones?

Après avoir beaucoup hésité, le gouvernement français a donc décidé d’appliquer aux fan zones les mêmes mesures de sécurité que celles en vigueur dans les stades (sauf le périmètre élargi). Soit fermer les enceintes, interdire les sacs et systématiser les fouilles avant de pénétrer dans l’aire des réjouissances. Le personnel nécessaire (multiplié par trois) à toutes ces dispositions est à la charge des municipalités. Impossible donc d’estimer l’addition finale. Alain Bauer se refuse, lui, à chiffrer le nombre d’agents de sécurité manquants, mais les 140 000 titulaires d’une carte professionnelle seront insuffisants. Dans ces circonstances, Pôle emploi a contacté 10 500 chômeurs déjà formés à la sécurité. Et une formation d’auxiliaire de sécurité, valable uniquement pour l’événement Euro 2016 (avec formation en 40 heures au lieu des 100 habituelles), est délivrée par le CNAPS. A six semaines du coup d’envoi, difficile d’affirmer que le personnel de sécurité sera suffisant en nombre et en qualité.

«Nous risquons de manquer de personnel de sécurité!»

Alain Bauer préside le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Cette instance, sous tutelle du Ministère de l’intérieur, délivre les agréments aux sociétés de sécurité.

La France est-elle prête pour l’Euro?

La France organise des manifestations internationales depuis toujours. Elle a accueilli la COP21 (ndlr: le sommet de l’ONU sur le climat, au début de décembre) juste après les attentats. Mais la difficulté de l’Euro vient du fait que l’événement est réparti sur une longue période et sur de nombreux sites. Il nécessitera de mobiliser des effectifs nombreux qui sont fatigués après les mois d’état d’urgence et de plan Vigipirate. Alors je réponds «oui», mais tout dépend de quoi on parle.

C’est-à-dire?

Les infrastructures officielles – stades, sites de l’UEFA et hébergements des équipes – sont sécurisées. Ensuite, pour les transports en commun entre les zones de match, des adaptations sont nécessaires. Nous devons prendre en compte certaines vulnérabilités. Et, enfin, les fan zones sont encore une inconnue.

C’est pourtant là que sont attendus des millions de spectateurs.

Oui, mais leur sécurité ne dépend ni de l’Etat ni du comité d’organisation. Ce sont les villes, les collectivités publiques et des initiatives privées qui doivent les gérer. C’est quoi, une fan zone? Un lieu où l’on se réunit pour regarder un match dans la joie et la bonne humeur. Le Ministère de l’intérieur a édicté des dispositions plus sévères. Ces périmètres seront fermés, sécurisés avec des fouilles et interdits de sacs. Le risque de manquer de personnel de sécurité est incontestable.

Pourquoi est-on encore dans le vague?

Les collectivités publiques ou privées peuvent faire la demande en Préfecture d’une fan zone jusqu’à un mois avant le début de l’Euro. Pour l’instant, les sociétés de sécurité ont annoncé ne pas avoir les effectifs suffisants en lien avec les désirs exprimés. En effet, dans un premier temps, chacun voulait sa fan zone. Après les attentats, il y a un redimensionnement des souhaits car la pression est devenue extrêmement forte. Aussi je pense que le principe de réalité en matière de sécurité va primer. Donc on attend de voir combien seront mises en place.

Nice a testé la reconnaissance faciale. Vous y êtes opposé?

Je ne suis opposé à rien du tout. Mais la quincaillerie électronique doit encore faire ses preuves et sert surtout à rassurer. Car il faut savoir à quoi elle va servir. A quelle base de données va-t-on la relier? La plupart des auteurs des attentats de Paris n’étaient connus que comme petits criminels. (X.A. Paris) Haut de la page (TDG.CH)