Exclusif ! Ex-détenu de Guantanamo, le Français Mourad Benchellali parle des deux Libyens transférés au Sénégal

Mourad Benchellali a passé deux années de sa vie dans les geôles de Guantanamo, à Cuba. Après les attentats du 11 septembre 2001, ce français a été arrêté au Pakistan pour avoir fréquenté un camp d’entrainement d’Al Qaïda en Afghanistan, précisément à Kandahar où il a croisé Oussama Ben Laden. Transféré à Guantanamo, il y séjournera de mi-janvier 2002 au 26 juillet 2004. Libéré par les Américains, il est mis en examen par la justice de son pays pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et envoyé en prison pendant dix-huit (18) mois. Il sort en 2006. Aujourd’hui, l’homme n’a pas envie de prendre les armes pour en découdre avec le monde. Loin de là. Au contraire, il est devenu une figure de la déradicalisation en France. Malgré son agenda overbooké, Mourad Benchellali a accordé un entretien exclusif à buzz.sn pour parler de deux ex-détenus libyens de Guantanamo transférés au Sénégal depuis le 03 avril dernier.

Entretien BUZZ.SN: Le Sénégal vient d’accorder l’asile humanitaire à Omar Khalifa Mohamed Abu Bakr et Salem Abdul Salem Ghereby deux ex-détenus Libyens de Guantanamo. En tant qu’ancien pensionnaire de cette prison, que vous inspire cette décision ? Mourad Benchellali: Je comprends la réticence de la population sénégalaise. Ceci étant, il faut savoir que l’écrasante majorité des détenus Guantanamo est innocente, en tout cas aucune preuve de projets criminels n’a pu être démontrée. Et donc ces détenus ont droit à être libérés et les Américains ont le devoir de leur trouver un pays d’accueil. Personnellement c’est une ne bonne nouvelle de les savoir libres.

BUZZ.SN: Au regard de leur profil, ils maitriseraient le maniement des explosifs, pensez-vous que ces deux hommes ne constituent pas réellement une menace pour la sécurité du Sénégal? M. B: Je pense que dans un état de droit c’est la présomption d’innocence qui doit prévaloir est pas l’inverse. La question n’est pas de savoir ce qu’ils savent faire ou ce qu’ils avaient appris mais quelles sont leurs intentions aujourd’hui ? Je pense que la plupart des détenus qui sont libérés aspire à reprendre une vie normale. Nous parlons souvent des détenus les plus dangereux mais la plupart sont sortis et ont reconstruit leur vie. Et n’ont posé aucun problème.

BUZZ.SN: Etant donné que vous avez fréquenté un camp d’entrainement d’Al Qaïda en Afghanistan, les y auriez-vous rencontrés? Si oui, quel était le degré de leur engagement au sein d’Al Qaïda ? M. B. Non je ne sais pas rencontrés à En Afghanistan. Que ce soit au camp ou après. Omar Khalif Mohamed Abu Baker Majrur Omar et Salem Abdul Salem Ghereby
BUZZ.SN: Les avez-vous croisés à Guantanamo ? Si oui, quel genre de prisonniers étaient-ils ? M. B: Difficile de savoir à Guantanamo, les détenus n’avaient pas forcément leur vrai prénom. Ceci étant, il y avait tellement de mouvements dans la prison que nous nous nous sommes quasiment tous croisés. Le souvenir que j’ai de la majorité des détenus avec qui j’ai pu parler ne me donnait pas le sentiment de vouloir prendre les armes alors sorti prison. Mais c’était il y a 10 ans maintenant. Je ne sais pas dans quel état sors une personne qui a passé 15 ans.

BUZZ.SN : Pour vous, quelles séquelles un ex-détenu de Guantanamo pourrait trainer ? M. B: Le plus courant, c’est le syndrome de stress post-traumatique. C’est-à-dire des cauchemars, des trous de mémoire, des flash-back et des crises d’angoisses. Mais aussi des séquelles physiques dues à la grève de la faim et à la promiscuité de la détention.

BUZZ.SN: Est-il dès lors possible pour ces deux hommes de retrouver le cours normal de leur vie ? Comment doivent-ils être accompagnés pour que tel soit le cas si tant est qu’ils sont innocents ? M. B. : Ils vont avoir besoin pour cela certainement le suivi psychologique. Il va falloir également les aider à trouver un emploi et logement. Et puis nous ne sommes pas tous égaux face à l’épreuve. Il est possible aussi qu’ils y arrivent seul. L’important, je pense, c’est de ne pas les laisser livrés à eux même. Les accompagner dans cette réinsertion ; mais oui c’est possible.

BUZZ.SN: Mais à votre avis, le Sénégal peut-il se permettre de prendre le risque de ne pas les surveiller même s’ils sont libres de toute charge? M. B: Je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas les surveiller mais les aider et puis surveiller ne veut pas dire mettre en détention. On peut surveiller des personnes à distance sans les empêcher de vivre. Ou de reconstruire leur vie.

BUZZ.SN: Est-il possible de les reconvertir dans la déradicalisation ? Au cas échéant, dans quelles mesures ? M. B : L’initiative doit venir d’eux-mêmes. S’ils ont envie de le faire, ils le feront. Mais à mon avis ce ne sera pas le cas, en tout cas pas dans l’immédiat. Car leurs principales préoccupations pour le moment est d’aller de l’avant, d’oublier et de construire quelque chose pour eux même d’abord. Avant de faire profiter de son expérience, il faut souvent du temps.

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